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MAÇ MAÇ

Ces deux puits, peu éloignés l’un de l’autre, sembloient aussi devoir différer bien peu dans leur construction. On se trompa ; car aux Invalides, la source du fond fe trouva à soixante pieds de profondeur, & à l’Ecole royale Militaire à cent quarante pieds.

Pour la construction de ce dernier, on employa trois années entières, sans aucune interruption de jour ni de nuit.

On commença par une excavation A, pl. VII, fig. 1, art de la Maçonnerie, tome 3 des gravures, de trente-six pieds de diamètre, dans laquelle on plaça une espèce de cuve B B en charpente, avec des madriers C C, bien assemblés & serrés, à dessein de la faire descendre, & de la remplacer par de semblables, à mesure qu’on avançoit la fouille. Mais tandis qu’on fouilloit, les terres extérieures s’éboulôient, & pressant inégalement la cuve, en retenoient une partie, tandis que l’autre descendoit. On établit alors un fort mouton, pour faire descendre la partie retenue ; mais inutilement.

On continua la fouille jusqu’à trente-quatre pieds, & l’on plaça dans l’intérieur une semblable cuve D D, mais plus petite.

Peu après parut la nape d’eau, qu’on épuisa, & ensuite un banc de glaise : mais plus on fouilloit, plus les eaux & les éboulis arrivoient en abondance.

Les cuves demeuroient & se rompoient par la pression des terres, au point qu’on prit le parti de poser le rouet, d’élever dessus la maçonnerie E E, bien cramponnée, & de faire descendre le tout en fouillant dessous.

Les premières assises firent d’abord pencher le niveau ; mais un peu d’art le redressa, & l’on continua de charger avec de nouvelles assises, & de fouiller, jusqu’à ce qu’enfin à quatre-vingt pieds de profondeur, sept ou huit de ces assises F F se détachèrent & descendirent, tandis que les autres, faisant environ soixante pieds de hauteur, demeuroient en l’air : évènement qui étonna.

Cependant on rejoignit les deux maçonneries E E & F F avec d’autres assises, & l’on moisa le tout avec un assemblage de forte charpente G G.

L’opération finie, on fouilla de nouveau, & tout descendit de quelques pieds, pour rester en l’air, comme auparavant.

Pendant ce temps-là, les épuisemens se continuoient, mais à l’extérieur des fouilles & fort peu dans l’intérieur, depuis qu’un banc de glaise de quatre-vingt pieds d’épaisseur, pressant l’extérieur de la maçonnerie, retenoit une partie des eaux de la surface de la terre.

On se détermina donc à construire en sous-œuvre un autre puits H H, que l’on chargea aussi peu à peu de maçonnerie. Ce dernier descendit d’environ trente pieds, & demeura en l’air comme le précédent. Desespéré, l’on prit le parti de sonder.

La sonde rapporta des terres de différente nature que celles qu’on avoit vues jusqu’alors, & qui annonçoient des sources prochaines. On reprit courage & l’on fouilla, retenant pour lors ses terres avec un hexagone II de palplanches couchées & assemblées par les extrémités, que l’on posoit à mesure. On descendit ainsi environ vingt-quatre pieds, & l’on découvrit enfin le sable bouillant qui contenoit les sources.

On détacha promptement toutes les machines, laissant flotter le bois ; & les eaux du-fond, réunies à celles de la terre, remontant à leur niveau naturel, laissèrent dans ce puits une profondeur d’eau d’environ cent dix pieds.

Le deuxième cas a lieu dans les bras de mer, lacs, étangs, & dans tous les lieux où les épuisemens deviendroient trop dispendieux ou impraticables.

Pour fonder en mer, on prend le temps de la marée basse, pendant lequel on unit le terrain, on plante les repaires & les alignemens. On emplit ensuite plusieurs bateaux des matériaux nécessaires, que l’on approche pendant la marée haute ; &, par un temps commode, on jette où l’on veut bâtir, des moellons, pierres ou cailloux ses plus gros, sur les bords, avec le meilleur mortier possible, dont on fait plusieurs lits de loin & de son mieux.

L’on comprend pour ce massif A A, fig. 2, plus d’emplacement que l’édifice n’en peut contenir, afin qu’autour des murs il y ait un empatement assez grand pour en assurer le pied, auquel on donne un talud d’une fois & demie ou deux fois la hauteur : on l’environne quelquefois de pieux B B, pour le préserver des dégradations qui pourroient arriver dans la suite, & l’on travaille ainsi par reprises, sans qu’il puisse en résulter aucun danger.

La maçonnerie une fois élevée au dessus des eaux, tasse & prend consistance ; après quoi on pose un grillage de charpente, sur lequel on bâtit, comme nous l’avons vu.

La manière de fonder dans les lacs & les étangs, est par cailloux, fig. 3, dont le fond en charpente est couvert de madriers bien calfatés, & les bords garnis de manière que ies eaux ne puissent s’y introduire.

Leur hauteur doit excéder la profondeur des eaux où ils doivent être placés, à laquelle on ajouté au besoin des hausses, afin que les ouvriers n’en soient point incommodés.

Si le fond est en pente, on le redresse, en jetant çà & là, & presque à l’aventure, une quantité de cailloux & pierres, jusqu’à ce que le terrain se trouve à peu près de niveau.

On arrange ensuite les cailloux A A, fig. 4, 5 & 6 ; on les fixe d’alignement, & on les remplit de bonne maçonnerie B B.

A mesure que l’ouvrage avance, son propre poids le fait descendre & prendre assiette au fond de l’eau.

Cette manière de fonder est très-solide, & d’un grand usage sur les bords de la mer & aux environs.

P p ij