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cules de lumière dont l'air est chargé ; elles le sont par des lumières de reflet, & ne paroissent sombres que par comparaison avec des parties plus lumineuses. Elles deviennent même claires, si l'on cache ces parties. Plus on est près des objets ombrés, & moins ils sont obscurs, parce que les rayons qui apportent dans l'oeil l'image de ces objets ont eu moins de chemin à parcourir, & parce qu'il se trouve entre l'oeil & ces objets une moindre quantité de lumière dont l'oeil soit ébloui. Pour que le tableau soit une représentation de la nature il faut qu'on y distingue nettement, même dans l'ombre, les objets des premiers plans, & que le peintre ne prête pas à la lumière du jour un effet qui ne peut convenir qu'à celle de la lune. Un homme qui se trouve dans la rue du côté éclairé par le soleil, voit très-distinctement tous les objets qui sont de l'autre côté dans l'ombre.

Comme les modes passées peuvent renaître, quelqu'absurdes qu'elles soient, il est bon de s'opposer au retour de celle des repoussoirs. Nous croyons donc qu'il n'est pas inutile de rapporter ici, du moins en substance, ce que M. Cochin a écrit contre cette convention ridicule. Il n'a fait, comme il l'avoue lui-même, que répéter ce qu'il avoit appris de l'Argillière, savant élève d'une école coloriste.

Il pose pour principe que, les ombres les plus fortes en obscurité ne doivent pas être sur les devants du tableau ; qu'au contraire les ombres des objets qui sont sut ce premier plan doivent être tendres & reflétées, & que les ombres les plus fortes & les plus obscures doivent être aux objets qui sont sur le second plan.

Il avertit que, dans cette règle, il fait abstraction des couleurs particulières de chaque objet, & qu'en disant qu'une ombre est plus forte qu'une autre, il n'entend pas qu'elle soit plus forte de couleur, mais seulement plus forte d'obscurité.

Il donne, pour démonstration de son principe, l'exemple d'une muraille fuyante, ombrée dans toute sa longueur, & portant aussi, dans toute sa longueur, une ombre sur le terein : il affirme, ce qui s'accorde avec la vérité dont chacun peut juger par soi-même, que ces ombres, en s'éloignant jusqu'à une assez grande distance, augmentent sensiblement d'obscurité. On peut faire la même démonstration dans une allée d'arbres, ou dans une galerie ornée de statues qu'il faut alors regarder en se plaçant de manière que la première se détache sur la seconde & ainsi de suite. Des rangs de colonnes successives offrent le même phénomene : l'ombre de la première se détache en clair sur l'ombre de la seconde ; celle-ci est plus tendre que celle de


la troisième, & ainsi de toutes les autres, jusqu'à une distance assez grande ; alors à cette gradation succède une dégradation semblable, c'est à-dire que les ombres s'affoiblissent en s'éloignant.

Il faut observer que des personnes prévenues du principe contraire pourroient ne pas appercevoir bien sensiblement cet effet & en nier l'existence, si on vouloit le leur démontrer sur des objets qui eussent peu de distance entr'eux. On doit donc choisir, pour cette démonstration, des vues d'une assez grande étendue.

Ajoutez que des personnes qui auroient la vue trop courte ne seroient pas propres à recevoir cette démonstration. L'ombre la plus forte pour eux seroit à une distance si voisine, qu'elles n'appercevroient pas sensiblement la dégradation qui se trouveroit entre cette ombre & celle d'un objet plus prochain. M. Cochin, pour les convaincre, entre dans des détails sur le mécanisme de la lumière.

« 1° Nous ne voyons, dit-il, la couleur & la forme des objets de la nature, que par la reflexion de la lumière qui les frappe, qui se refléchit, & qui vient en peindre une image au fond de nos yeux. Ainsi, dans la privation de toute lumière, quoique les objets existent autour de nous, nous ne les voyons point ; & ce ne peut être que parce qu'ils ne nous renvoyent point de rayons de lumière qui nous les peignent. »

« 2° C'est la plus ou moins grande quantité de ces rayons, & la force plus ou moins grande avec laquelle ils frappent nos yeux, qui produit en nous la sensation de lumière plus ou moins vive. Ainsi la diminution de la lumière détruit la netteté & l'éclat dus images qu'elle peint à nos yeux. »

« 3° L'action des rayons de la lumiere s'affoiblit par la distance qu'elle a à parcourir. Un flambeau, à une distance très-éloignée, ne nous paroît pas aussi brillant que lorsqu'il est proche. »

« 4° La lumière perd considérablement de sa force, à chaque fois qu'elle se refléchit, ce qui fait que, quoique nous voyons très-distinctement une lumière très-éloignée de nous, nous ne voyons pas néantmoins les objets qu'elle éclaire autour d'elle, parce que les rayons de lumière que ces objets refléchissent ne peuvent point arriver jusqu'à nous, ou ils y arrivent si foibles, qu'ils ne peuvent affecter nos yeux d'une manière qui nous soit sensible. Or ce qui est vrai d'une lumière telle que celle d'un flambeau, est égaiement vrai de celle du soleil, quoique dans une proportion différente. »

« On peut, continue M. Cochin, comparer l'action de la lumière, au mouvement d'une