Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T02.djvu/266

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
256 REP REP


balle de billard qui, étant pousse, va frapper une bande, qui la renvoye contre une autre, d'où elle est encore renvoyée contre une troisième. Chaque fois qu'elle est renvoyée par quelque bande, elle perd de sa force, tant qu'enfin elle s'arrête d'elle-même quoiqu'elle n'ait pas parcouru, à beaucoup près, un chemin aussi long qu'elle auroit fait, si elle n'avoit rencontre aucun obstacle. La réflexion de la lumière a cependant cette différence, qu'un feul rayon de lumière, quelque délié qu'on le suppose, doit être regardé comme une gerbe de rayons qui, en se réfléchissant, sont renvoyés à la ronde. »

Ici M. Cochin reprend l'exemple de la muraille qu'il a déjà employé. Le terrein sur lequel elle s'élève réflechit, en tous sens, des rayons dont une partie vient le peindre à nos yeux sous une image vive & brillante, parce qu'ils n'ont souffert qu'une première réflexion. Une autre partie de ces rayons frappe la muraille & l'éclaire de ce qu'on appelle lumière de reflet. Ces rayons réflechi une fois contre la muraille, en rejaillissent, & viennent la peindre à nos yeux, sans quoi nous la verrions parfaitement obscure. Comme ces rayons ont subi deux réflexions, la première du terrein sur la muraille, la seconde de la muraille à nos yeux, ils se sont affoiblis : d'où il arrive que nous voyons la muraille pli ; obscure que le terrein, dont l'image est parvenue à nos yeux par une seule réflexion.

Une partie des rayons qui sont réflechis par la muraille, tombe sur le terrein ombré, & n'apporte à nos yeux l'image de ce terrein que par une troisième réflexion : ainsi ce terrein nous paroît plus obscur que la muraille dont l'image nous est venue par une seconde réflexion. Tel est le principe physique de cette règle du clair-obscur que l'ombre portée est toujours plus forte que l'ombre du corps qui la porte.

L'ombre de la muraille, & celle qu'elle porte sur le terrein, ne recevant qu'une lumière réflechie deux ou trois fois, parviendroit à nos yeux encore plus obscure s'il ne s'y joignoit pas une lumière qui nage dans toute la masse de l'air, & qui nous arrive par une première réflexion.

Mais puisque la lumière s'affaiblit par la distance qu'elle parcourt, les rayons qui viennent des parties de la muraille les moins éloignées de l'oeil, ont plus de force que ceux qui viennent des parties plus distantes ; car les rayons qui apportent dans nos yeux l'image de ces parties, tant ceux qui ont été reflechis par le terrein, que ceux dont l'air est impregné, ont subi un plus grand affoiblissement dans la route plus longue qu'ils ont parcourue. Ainsi


les objets ombrés qui sont loin de nos yeux ; y sont peints très-obscurs, par masses, & sans aucun reflet, & par conséquent plus noirs que les objets moins éloignés.

Il semble qu'on devroit inférer de ce principe, que les ombres augmentant de force en proportion de leur éloignement ; celles qui sont les plus voisines de l'horizon sont en même temps les plus obscures. Il arrive cependant, au contraire, que les objets très-éloignés n'ont que des ombres très-foibles, parce qu'elles sont exténuées par la masse épaisse de toutes les vapeurs qui sont entre ces objets & nos yeux.

Il est donc certain qu'il est un point jusqu'où les ombres vont toujours croissant d'obscurité, & après lequel elles diminuent toujours de force. On ne peut fixer de point qui varie suivant la quantité de vapeurs dont l'air est chargé. Il est fort éloigné, lorsque l'air est très-pur, comme dans les beaux jours d'été ; il se rapproche considérablement quand l'air est plus vaporeux, comme il arrive même dans de fort beaux jours d'autonne.

On ne peut contester au peintre le droit de choisir, pour éclairer son tableau, un air très-pur ou un air nébuleux : mais il est rigoureusement obligé de rendre la forte de jour dont il a fait choix avec toutes les circonstances qui l'accompagnent. S'il suppose l'air chargé de vapeurs, il doit représenter les objets du fond, même peu éloignés, comme au travers d'une espèce de brouillard ; s'il les peint distincts & formés, qu'il se soumette à la loi inviolable que suit la lumière dans les jours sereins. D'ailleurs comment imaginer d'épaisses vapeurs entre des grouppes qu'on ne suppose le plus souvent éloignés les uns des autres que de cinq à six pieds ?

Il se présente des circonstances dans les quelles les effets de la nature ne s'accordent pas avec les principes que l'on vient d'établir. « si par exemple, on considère un berceau d'arbres, ou l'intérieur d'un bâtiment voisin & ombré, dans lequel la lumière qui vient de tout le ciel ne puisse entrer, & qu'après cette partie ombrée & prochaine, il se trouve un plan vuide qui reçoit une grande lumière, alors ces ombres voisines paroîtront les plus fortes, & sembleront même plus obscures qu'elles ne le sont en effet, & les ombres des objets qui sont au de là du plan lumineux se montreront plus foibles, quoi qu'elles ne soient pas éloignées. » C'est que la quantité de rayons renvoyés par le plan vivement éclairé nous éblouit, & qu'une impulsion violente en détruit une plus foible.

M. Cochin suppose encore le spectateur placé dans une chambre à l'endroit le plus éloigné de la fenêtre. « S'il considère de sa, dit-il,


les