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Hollande, mais jamais en France hors de leur ville. Ces dépôts, s’il s’en formoit de pareils, ne pourroient que contribuer à nous épargner les révolutions sur les prix, en rassurant l’imagination timide des consommateurs.

Les personnes qui compareront les prix de l’Angleterre avec ceux que je propose, regretteront sans doute de voir nos terres aussi éloignées d’un pareil produit en grains : outre que ce n’est pas nous priver de cette espérance, les principes que nous avons établis au commencement, calmeront en partie ces regrets. Il est essentiel de conserver notre main-d’œuvre à bon marché jusqu’à un certain point, & sans gêne cependant, tant que l’intérêt de notre argent sera haut : notre commerce extérieur en sera plus étendu ; les richesses qu’il apporte augmentent le nombre des consommateurs de la viande, du vin, du beurre, enfin de toutes les productions de la terre de seconde, troisième & quatrième nécessité. Ces consommations payent des droits qui soulagent la terre ; car, dans un pays où il n’y auroit point de productions de l’industrie, ce seroit la terre qui payeroit seule les impôts. Réciproquement les manufactures augmentent avec la multiplication des bestiaux, & celle ci fertilise les terres.

Nous avons encore remarqué que l’état est obligé d’entretenir un nombre très considérable de matelots & de soldats ; il est infiniment avantageux qu’ils puissent subsister avec leur paye médiocre, sans quoi les dépenses publiques s’accroîtront, & les taxes avec elles.

Ce n’est point non plus sur la quantité d’argent qu’on peut comparer l’aisance des sujets de deux états. Cette comparaison doit être établie sur la nature & la quantité des commodités qu’ils sont en état de se procurer, avec la somme respective qu’ils possèdent.

Si la circulation de nos espèces est établie au même point que l’est en Angleterre celle des valeurs représentatives ; si nos terres ne sont pas plus chargées dans la proportion de leur revenu, si le recouvrement des taxes est aussi favorable à l’industrie du laboureur, notre agriculture fleurira comme la leur ; nos récoltes seront aussi abondantes, à raison de l’étendue, de la fertilité des terres réciproques ; le nombre de nos cultivateurs se trouvera dans la même proportion avec les autres classes du peuple, & enfin ils jouiront de la même aisance que ceux de l’Angleterre.

Cette observation renferme plusieurs des autres conditions qui peuvent conduire l’agriculture à sa perfection. Les principes que nous avons présentés sur l’objet le plus essentiel de la culture, ont besoin eux-mêmes d’être secondés par d’autres, parce que les hommes étant susceptibles d’une grande variété d’impressions, le législateur ne peut les amener à son but que par une réunion de motifs. Ainsi la meilleure police sur les grains ne conduirait point seule la culture à sa perfection, si d’ailleurs la nature & le recouvrement des impôts ne donnoient au cultivateur l’espérance, &, ce qui est plus sûr, n’établissoient dans son esprit l’opinion que son aisance croîtra avec ses travaux, avec l’augmentation de ses troupeaux, les défrichemens qu’il pourra entreprendre, les méthodes qu’il pourra employer pour perfectionner son art, enfin avec l’abondance des moissons que la providence daignera lui accorder. Dans un pays où le laboureur se trouveroit entre un maître avide qui exige rigoureusement le terme de sa rente, & un receveur des droits que pressent les besoins publics, il vivroit dans la crainte continuelle de deux exécutions à la fois ; une seule suffit pour le ruiner & le décourager.

Si le colon ne laisse rien pour la subsistance de l’abeille dans la ruche où elle a composé le miel & la cire, lorsqu’elle ne périt pas elle se décourage, & porte son industrie dans d’autres ruches.

La circulation facile des denrées est encore un moyen infaillible de les multiplier. Si les grands chemins n’étoient point sûrs ou praticables, l’abondance onéreuse du laboureur le décourageroit bientôt de sa culture. Si, par des canaux ou des rivières navigables bien entretenues, les provinces de l’intérieur n’avoient lespérance de fournir aux besoins des provinces les plus éloignées, elles s’occuperoient uniquement de leur propre subsistance, S& beaucoup de terres fertiles seroient négligées ; il y auroit moins de travail pour les pauvres, moins de richesses chez les propriétaires de ces terres, moins d’hommes & de ressources dans l’état.

Dans un royaume que la nature a favorisé de plusieurs grandes rivières, leur entretien n’exige pas autant de dépenses qu’une vigilance continuelle dans Ia police ; mais, sans cette vigilance, la cupidité des particuliers se sera bientôt créé des domaines au milieu des eaux : les îles s’accroîtront continuellement aux dépens des rivages, & le canal perdra toujours en profondeur ce qu’il gagnera en largeur. Si les îles viennent à s’élever au-dessus des rivages, chaque année le mal deviendra plus pressant, & le remède plus difficile ; cependant le rétablissement d’une bonne police suffira le plus souvent pour arrêter le désordre & le réparer insensiblement. Puisqu’il ne s’agit que de rendre au continent ce que les îles lui ont enlevé, l’opération consiste à empêcher dans celles-ci l’usage des moyens qui les ont accrues, tandis qu’on oblige les riverains à employer ces mêmes moyens qui ne sont pas dispendieux, & avec la même assiduité.

Ces avantages de l’art & de la nature pourroient encore exister dans un pays, sans qu’il en ressentît les bons effets ; ce seroit infailliblement parce que des droits de douanes particulières mettroient les provinces, dans un état de prohibi-