Page:Encyclopédie méthodique - Economie politique, T01.djvu/140

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que le corps germanique se forma, & plusieurs siécles après, aucun dés princes de l’Allemagne n’étoit assez puissant pour se soutenir par lui-même contre les entreprises des puissances étrangères ; il étoit sage de créer une ligue, par laquelle chacun de ces princes acquéroit des alliés perpétuels, & les trouvoit toujours prêts à le secourir au besoin. Si aujourd’hui même on considère l’empire avec attention, on verra qu’aucun des électeurs ne pourroit soutenir une guerre longue & opiniâtre contre une des autres grandes puissances de l’Europe ; sur-tout s’il ne possédoit d’autres pays que ceux de son électorat, ou que ceux de ses ancêtres à l’époque de la formation de l’empire. Cet état de modicité, pour ne pas dire de foiblesses, des princes d’Allemagne, a été la principale cause de cette longue & tranquille durée du systême de l’empire. Mais si quelques-uns d’entr’eux augmentent trop leurs domaines & leurs forces, l’édifice politique croulera, parqu’il cessera de reposer sur les mêmes fondemens. Croit-on que la maison d’Autriche, ou celle de Brandebourg, doivent espérer de puissans secours d’un corps, dont peut-être un jour l’une ou l’autre ne voudra plus faire partie ?

Lorsqu’il n’y avoit en Allemagne qu’une seule grande puissance qui dominoit pour ainsi dire, toutes les autres, il n’en résulta aucun mal. Les petits princes s’attachèrent à cette formidable maison, qui de son côté ménagea les membres de l’empire, & qui les gagna tantôt par des menaces, tantôt par des bienfaits. C’est ainsi que la plupart des maisons souveraines de l’empire, doivent leur fortune à celle de Hapsbourg. Cette maison les entraînoit dans toutes ses vues & dans toutes les guerres qu’elle entreprenoit pour son agrandissement : si elle combloit de biens quelques particuliers, la totalité de l’empire, il est vrai, souffroit des querelles de l’Autriche. Ces maux cependant : n’étoient pas assez sensibles pour rompre le lien commun, & l’union subsista toujours, mais elle s’évanouira peut-être s’il s’élève en Allemagne une seconde puissance, capable de contrebalancer la première ? Il y a lieu de croire que tôt ou tard ces puissances deviendront rivales ; que chacune tâchera de se former un parti ; que les princes allemands, par des vues de passion ou d’intérêts, se diviseront pour suivre la fortune de l’un ou de l’autre ; qu’une guerre intestine désolera jhtestijîè désó.- : l’empire, que les voisins s’en mêleront, & que le systême général sera bouleversé.

Quoique les petites nations soient en général mieux gouvernées que les grandes, le progrès du faste a tellement corrompu les petits princes d’Allemagne, qu’il est difficile de soutenir aujourd’hui que leurs sujets sont plus heureux que ceux des souverains puissans.

Les avantages du corps germanique sont compensés par beaucoup de maux politiques, qui le consument au-dedans. Le défaut d’harmonie avec le souverain, est le germe de sa langueur & de son dépérissement. Il est impossible, en physique, que plusieurs parties réunies forment un seul corps, la même impossibilité se rencontre dans les corps politiques : quand il y a plusieurs princes qui président au destin d’un état, on ne voit jamais plier leurs forces sous une même volonté ; cette union parfaite ne se trouve que dans les monarchies & dans les républiques, où le pouvoir suprême est concentré dans une seule ville, comme dans Rome, Sparte, Athènes & Venise : les jalousies divisent & détruisent les gouvernemens composés de plusieurs états égaux en pouvoir. Il faut que le gouvernement soit uniforme pour en assurer la prospérité. Ainsi le plus grand vice du gouvernement de l’empire, est de n’être ni monarchique, ni puissance fédérative ; l’empereur est sans cesse attentif à étendre ses prérogatives, & les autres princes veillent sans cesse pour les restreindre. Les villes impériales devenues riches par leur commerce, excitent la cupidité des princes indigens, qui ne peuvent se dissimuler que c’est la liberté qui fait germer les richesses & l’industrie : la noblesse, fière de son origine, accable de mépris le peuple qui se croit par son opulence aussi respectable qu’elle. La jalousie sème encore la division entre les princes séculiers & les princes ecclésiastiques ; les premiers voient avec indignation les ministres de l’autel jouir du droit de préséance, quoiqu’ils soient bien inférieurs en naissance, & qu’ils ne puissent transmettre leur grandeur à leur famille ; de leur côté, les princes ecclésiastiques se plaignent sans cesse des séculiers, qui ont usurpé une portion de leurs revenus : enfin on voit par-tout des opprimés & des oppresseurs.

Le prétexte de la religion fomente des haines mutuelles, & divise des cœurs qu’elle se proposoit d’unir ; le clergé catholique a été privé par les princes protestans de quelques-uns des domaines qu’il possédoit. Les prêtres dépouillés d’une partie de leurs biens, ne sont pas disposés à aimer les ravisseurs ; le plus grand vice de ce gouvernement est le droit accordé à différens états de l’empire de faire des alliances avec leurs voisins ; c’est ouvrir une entrée aux étrangers ; c’est rompre l’union naturelle pour en faire une adoption nouvelle ; c’est confier au sort des armes la décision des querelles, qui ne doivent être discutées qu’au tribunal des loix.

Voici d’autres causes de la foiblesse du corps germanique. L’obscurité des loix, les écrits sur le droit public de l’Allemagne, sont sans nombre ; & il y a peu d’allemands qui connoissent la constitution de leur patrie. Les membres de l’empire se font tous représenter dans l’assemblée nationale, au-lieu qu’ils y siégeoient autrefois eux-mêmes. L’esprit militaire, qui est devenu général, a diminué l’application aux affaires, & affoibli le patriotisme. Il n’y pas de prince qui n’ait monté la magnificence de sa cour sur un ton plus grand que