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terre devient alors son allié naturel, elle est intéressée à sa conservation, elle peut lui donner des troupes & de l’argent, & sur-tout faire une puissante diversion en sa faveur par le moyen de ses forces navales. D’un autre côté, quand la Grande-Bretagne fait la guerre dans le continent, elle peut attendre une assistance réelle de la part des princes germains, qui ayant dans leurs états une multitude d’hommes propres à la guerre, sont bien aises de conclure, avec la cour de Londres, des traités de subsides, & d’échanger leurs troupes contre les trésors des Anglois. On vient même de voir l’Angleterre acheter en Allemagne des troupes qu’elle a envoyées en Amérique : cette opération a été inutile ; mais elle peut la répéter un jour, & en tirer des soldats qu’elle enverroit au Canada & peut-être aux Indes.

Rapports de l’empire avec la Hollande. Les Provinces-unies ont été presque de tout temps fidèles amies & alliées de l’empire, & elles ont payé chèrement les troupes auxiliaires que les princes allemands leur ont fournies. Le systême de paix, si utile à la Hollande, paroît aussi convenir à tous égards à l’Allemagne ; & le corps germanique doit faire tous ses efforts pour vivre en bonne intelligence avec cette république. Le voisinage, & le commerce doivent l’y déterminer.

Rapport de l’empire avec la Pologne. La Pologne est aujourd’hui une puissance peu redoutable ; outre qu’elle a perdu une grande partie de ses domaines ; ce mélange du gouvernement monarchique & républicain, rend toujours une nation peu propre aux conquêtes. L’empire étoit intéressé à ce qu’on ne démembrât pas ce royaume ; sa foiblesse ne lui a pas permis de s’y opposer ; il pourra le regretter un jour. Il faudroit qu’il pût du moins toujours faire tomber la couronne de Pologne sur un prince polonois ; il faudroit qu’il pût du moins empêcher la Russie, la Prusse & l’Autriche d’y augmenter leur influence ; mais il n’en viendra point à bout.

Rapport de l’empire avec les puissances du nord.

Les puissances du nord n’ont presque rien de commun avec l’empire. Les rois de Dannemarck & de Suède sont à la vérité membres du corps germanique ; l’un à cause du Holstein, & l’autre à cause de la Poméranie ; mais les intérêts qu’ils ont à ménager à cet égard, sont aujourd’hui peu considérables. Ces deux puissances sont obligées souvent de suivre la fortune de l’empire ; mais elles ne peuvent pas donner le mouvement aux affaires de ce vaste corps. La Russie, qui ne semble pas avoir de liaison directe avec l’empire, en a pourtant qui doivent fixer l’attention du corps germanique. On a vu plusieurs fois des armées russes dans l’empire contre la teneur expresse de ses constitutions fondamentales. Les patriotes allemands n’ont vu qu’en tremblant ces troupes russes ; & ils se sont souvenus combien il étoit dangereux de montrer un chemin vers les contrées méridionales, à un peuple nombreux.

Rapports de l’empire avec la Turquie. La Porte a fait trembler plus d’une fois l’Allemagne, sur-tout lorsque ses armées assiégèrent Vienne. Il fut un temps où le corps germanique la redoutoit plus encore que la France. Aujourd’hui le grand-seigneur a bien de la peine à garder ses états ; il est à craindre qu’on ne le chasse bientôt en Asie. La Transilvanie & la Hongrie servent de barrières à l’empire contre les turcs, depuis que ces provinces appartiennent à la maison d’Autriche.

Nous finirons cet article par des observations qui intéressent le corps germanique d’une manière plus immédiate. Les princes de l’empire doivent :

I. Borner la puissance de l’empereur, afin que ce monarque, qui ne doit être que le chef de l’empire, n’en devienne par le maître.

II. Empêcher que les princes les plus puissans n’oppriment les plus foibles, & que le systême général ne soit pas détruit par la prépondérance d’un seul ou de quelques-uns. L’empereur emploiera avec plaisir son autorité pour cet effet, parce qu’en conservant l’égalité entre les états particuliers, il dominera toujours le corps.

III. Éviter les querelles que la différence des religions produit, & dont l’empereur profite. L’union entre les catholiques & les protestans est nécessaire à tout le corps germanique, & leur division peut causer sa ruine.

IV. Faire des alliances utiles ; j’entends des alliances du corps germanique : car il devroit être expressément défendu aux membres de faire des alliances particulières, qui tendent presque toujours à les détacher de l’intérêt général, ou à leur donner des armes contre l’empire.

ALLIANCE. On donne ce nom à l’union ou traité qui se fait entre des souverains ou des états, pour leur avantage commun.

Le Dictionnaire de Jurisprudence a traité cet article en peu de mots ; nous allons ajouter d’autres détails.

Les alliances sont générales, c’est-à-dire, pures, simples ou particulières. Les alliances générales n’annoncent que des choses auxquelles on est déjà obligé par le droit naturel. Telles sont les alliances où l’on s’engage seulement à vivre en bonne amitié, à ne se point nuire, à se rendre de part & d’autre les devoirs de l’humanité ; elles ont lieu sur-tout dans les siécles de barbarie & chez les nations sauvages, où les principes du droit naturel ne sont pas développés. En effet, lorsqu’on croit ne devoir des égards qu’à ses concitoyens, lorsqu’on se croit en droit de traiter les étrangers comme des ennemis, il faut des traités d’alliance, qui stipulent expressément les devoirs les plus simples de la loi naturelle, si l’on veut n’être pas toujours en guerre avec ses voisins. Mais chez les nations civilisées de l’Europe, ces traités sont inutiles. Elles n’ignorent plus qu’elles ne peuvent se nuire sans crime. Lorsqu’elles font des alliances, elles pren-