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avant & après la défaite d’Annibal ; les crétois en envoyèrent trente aux romains ; enfin Artaxerxès I, roi des Parthes, en envoya quatre cens à Alexandre Sévère, qui lui faisoit la guerre en personne.

Les princes n’envoient plus qu’un ou deux ambassadeurs extraordinaires ; il est rare qu’ils portent ce nombre à trois ; mais le droit des gens leur laisse à cet égard une liberté entière, à moins que les ambassadeurs ne veuillent mener à leur suite un nombre de domestiques assez grand pour donner de l’inquiétude. Le duc de Féria, qui vint de la part du roi d’Espagne complimenter Louis XIII sur la mort d’Henri IV, avoit une si grande suite que le gouverneur de Bordeaux lui refusa l’entrée de cette ville. Il marqua dans les fauxbourgs le logement de cet ambassadeur, & il lui écrivit qu’il ne le recevroit pas dans la place, parce que son cortège formoit une petite armée, d’où il pouvoit aisément sortir mille mousquets. Le gouverneur se conduisit avec prudence, & on l’approuva. Le fameux Koulikan n’envoya en 1741 qu’un seul ambassadeur en Russie ; mais cet ambassadeur avoit avec lui plus de deux mille personnes, & le czar fit marcher des troupes pour diriger & contenir une suite si nombreuse.

Les ambassades du Corps helvétique sont toujours nombreuses, parce que chaque Canton nomme ses ambassadeurs. Celle qu’ils envoyèrent en France (en 1663) étoit de quarante-deux personnes.

Dès qu’il y a un nouveau pape, la république de Venise a coutume d’envoyer quatre ambassadeurs à Rome, pour feliciter le souverain pontife.

Les sujets ne peuvent députer vers un prince étranger ni en recevoir des ministres ; ils ne peuvent pas non plus envoyer des ambassadeurs à leur propre souverain, parce que le droit d’ambassade n’appartient alors qu’à des étrangers revêtus de la puissance suprême. les colonies romaines de Circeies & de Velitres ayant envoyé des ambassadeurs à la république, le sénat ordonna à ces ambassadeurs de sortir promptement de la ville, & de s’éloigner de la vue du peuple romain ; il déclara en même temps que, s’ils n’obéissoient pas, on leur feroit voir qu’ils n’étoient pas sous la sauve-garde du droit des gens.

Les princes qui sont en partie sujets, & en partie indépendans, peuvent aussi envoyer des ambassades. Tels sont les électeurs & les princes d’Allemagne ; ils ont le droit d’ambassade, dans toutes les cours, même dans celle du chef de l’empire dont ils relèvent.

Ils n’ont pas toujours exercé ce dernier droit avec une entière indépendance. L’empereur d’Allemagne prétend avoir une jurisdiction immédiate sur les ministres publics des électeurs, princes & états de l’empire, tant à la cour impériale que dans l’empire. Charles-Quint fit arrêter (en 1549 ) les ministres des princes qui avoient protesté contre le décret de la diète de Spire, & les empereurs Ferdinand II & Ferdinand III se conduisirent de la même manière, dans des cas à peu près semblables. Cette jurisdiction de l’empereur, sur les ministres des princes de l’empire à la diète, a été reconnue & confirmée par une transaction signée en 1614, entre le vice-maréchal de l’empire & les villes libres d’Allemagne. Il est vrai que le collège des princes fit des protestations contre cet accord ; mais les empereurs, ont de temps en temps ordonné des actes de jurisdiction, quelquefois sur les ministres eux-mêmes, & toujours sur la suite des ministres, tant par le grand-maréchal de la cour impériale, que par le vice-maréchal de l’empire : ces deux officiers ont fait, de leur autorité, mettre & lever les scellés dans les hôtels des ministres publics de l’empire décédés, fait enlever & punir leurs domestiques, & renvoyé les ministres de la diète. Sur la fin du dernier siècle (en 1686), le vice-maréchal fit arrêter le secrètaire du ministre du duc de Saxe-Weymar. Au commencement de celui-ci (en 1711), l’empereur fit sortir de Ratisbonne Neuforge, ambassadeur du cercle de Bourgogne ; il chassa également l’ambassadeur de Bavière en 1704, & celui de Savoie en 1714. Quelques années après, en 1718, le vice-maréchal informa contre les domestiques de l’ambassadeur de Bavière. Au reste, ces discussions sont particulières au corps germanique, & elles ne viennent que de la forme, irrégulière de son gouvernement.

Ceux qui, en vertu de leur première investiture, tiennent leurs fiefs avec tous les droits de souveraineté, ont le droit d’ambassade même auprès de leurs seigneurs suzerains. Ils ne doivent qu’un simple hommage ou une reconnaissance annuelle ; mais ils sont d’ailleurs de véritables souverains. Le droit de réversion attaché à leurs états n’est qu’éventuel, & on ne confond pas les droits établis éventuellement avec la possession actuelle.

Le prince qui possède un fief, aux mêmes charges & aux mêmes conditions que les sujets de l’état où ce fief est situé, n’a pas droit d’ambassade à raison de ce fief. Le fief non souverain, est soumis aux loix civiles du pays ; & le possesseur de ce fief, quoique maître d’un état souverain, n’est considéré que comme une personne privée, en tout ce qui regarde ce fief[1]. C’est un principe reçu qu’une chose juste pour une partie, l’est aussi pour toutes les autres qui se trouvent dans la même circonstance[2]. Ainsi le propriétaire

  1. Grotius, lib. II. cap. II. de Jure belli & pacis.
  2. Quod uni parti justum est, alteri quoque sit justum. C’est le principe établi en Allemagne par le traité de Westphalie, entre la religion catholique & la religion protestante, qui y sont également autorisées.