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mèrent l’un des trois ambassadeurs envoyés auprès du roi Ptolémée, quoiqu’il n’eût pas encore l’âge prescrit pour remplir cette dignité. À Rome, on ne pouvoit parvenir aux premiers emplois de la république qu’à l’âge de 40 ans ; & comme tous les ambassadeurs, presque sans exception, étoient tirés du corps du sénat, on ne peut douter que la maturité de l’âge ne fût chez le peuple romain, ainsi que chez tous les autres peuples, une condition requise.

Il faut donc être moins étonné si les romains tiroient quelquefois au sort les ambassadeurs. Tacite nous apprend qu’on disputa beaucoup au sénat, pour savoir si l’on nommeroit par élection, ou si l’on tireroit au sort les ambassadeurs qu’on avoit résolu d’envoyer à Vespasien. Il a conservé les discours qui se prononcèrent de part & d’autre en cette occasion ; & il ajoute qu’il fut décidé que, selon l’ancienne coutume, secundùm vetera exempla, le sort décideroit du choix des ambassadeurs. On voit en effet par une lettre de Cicéron, qu’il fut nommé ambassadeur de cette manière. Un autre auteur, (Dion Cassius), dit que de plusieurs personnes, dont une ambassade étoit composée, les unes avoient été nommées par élection, & les autres par le sort. Mais ces deux exemples sont si rares, que deux savans, (Gentilis de legationibus, & Paschal, legatus), à qui ils ont échappé, semblent regarder comme faux le passage de Tacite.

Plutarque raconte que de son temps, l’étendue de l’empire romain avoit multiplié à l’infini le nombre des ambassadeurs ; qu’on les avoit défrayé jusqu’alors, mais que cet article de dépense étant devenu fort onéreux à la république, on cessa de pourvoir à leur subsistance. On continua néanmoins à les inscrire sur les registres publics ; & on leur laissa les prérogatives qu’on leur avoit accordées : l’une des plus considérables étoit d’avoir place à l’orchestre dans les jeux & les combats publics.

Athènes & Sparte florissantes, dit M. Toureil, n’avoient autrefois rien tant aimé que de voir & d’entendre dans leurs assemblées divers ambassadeurs qui recherchoient la protection ou l’alliance de l’une ou de l’autre. C’étoit, à leur gré, le plus bel hommage qu’on leur pût rendre ; & celle qui recevoit le plus d’ambassades, croyoit l’emporter sur sa rivale.

À Athènes, les ambassadeurs des princes & des états étrangers montoient sur la tribune aux harangues pour exposer leur commission, & pour se faire mieux entendre du peuple : à Rome ils étoient introduits au sénat ; chez nous les ambassadeurs s’adressent immédiatement & uniquement au Roi.

Le nom d’ambassadeur, dit Cicéron, est sacré & inviolable, non modò inter sociorum jura, sed etiam inter hostium tela incolume versatur. In Ver. orat. VI. Nous lisons que David fit la guerre aux ammonites pour venger l’injure faite à ses ambassadeurs. Liv. II des Rois, chap. 10. Alexandre fit passer au fil de l’épée les habitans de Tyr, pour avoir insulté ses ambassadeurs. Le sénat livra aux ambassadeurs de Vallonne la jeunesse de Rome, qui les avoit insulté.

Des ambassadeurs modernes, du rang, du cérémonial & des privilèges des ambassadeurs. Lorsqu’un prince emploie dans une même cour deux ambassadeurs, dont l’un est ordinaire, & l’autre ; extraordinaire, celui-ci a la préséance.

S’ils sont tous deux extraordinaires, le dernier venu précède celui qui est arrivé le premier, à moins que leur maître commun ne l’ait réglé autrement.

L’ambassadeur qui va partir d’une cour, marche à la droite de celui qui le remplace, en allant à l’audience ; mais en revenant, celui qui se retire, & dont les fonctions ont cessé par l’audience de congé, cède le pas à celui qui vient le remplacer.

Voilà ce qu’on peut dire du rang entre les ambassadeurs du même prince. Celui des ambassadeurs de divers princes dépend de la grandeur de leurs maîtres, & il en sera parlé à l’article Préséance entre les souverains.

Les nationaux doivent donner des marques de respect au ministre de leur souverain dans une cour étrangère. À moins qu’ils n’aient la qualité de princes du sang, ils sont censés, dans le pays où ils voyagent, inférieurs au ministre qui représente leur maître. Le Dictionnaire de M. Robinet cite sur cette matière trois faits remarquables arrivés à Venise, vers le milieu du dernier siècle, pendant l’ambassade du président de Saint-André.

On doit faire ici une remarque particulière sur le rang des ambassadeurs de Venise, des Provinces-Unies, de l’ordre de Malthe & du Corps helvétique.

1o. Les ambassadeurs de la république de Venise sont traités comme les ambassadeurs des rois.

2o. Ceux de la république des Provinces-Unies ont aussi, après ceux de Venise, le même traitement que les ambassadeurs des têtes couronnées depuis la trêve de 1609, d’après laquelle le roi d’Espagne Philippe II négocia avec les Provinces-Unies comme avec un état souverain. Pour les exciter à maintenir de plus en plus l’indépendance de leur nation, Henri IV, roi de France, leur accorda de nouveaux honneurs. Ce prince voulut que, lorsque leurs députés entreroient au Louvre, les gardes prissent les armes à leur passage, & que ses propres ambassadeurs leur donnassent la main. On les priva de cette distinction sous Louis XIII ; mais ils l’obtinrent de nouveau de Louis XIV, & depuis cette époque les ambassadeurs hollandois n’ont pas cessé d’en jouir. Dans le traité de 1664 que les États-généraux signèrent à la Haye, les commissaires hollandois prétendirent que les plénipotentiaires françois, d’A-