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métayers ; mais si la culture se rétablissoit, le nombre des fermiers augmenteroit de plus en plus, celui des métayers diminuerait à proportion. Or une des conditions essentielles pour le rétablissement de la culture & l’augmentation des fermiers, est de réformer les abus de la taille arbitraire, & d’assurer aux cultivateurs les fonds qu’ils avancent pour la culture des terres. On doit sur-tout s’attacher à garantir les fermiers, comme étant les plus utiles à l’état, des dangers de cette imposition. Aussi éprouve-t-on que les désordres de la taille sont moins destructifs dans les villes taillables que dans les campagnes, parce que ce sont les campagnes qui produisent les revenus, & que ce qui détruit les revenus détruit le royaume. L’état des habitans des villes est établi sur les revenus, & les villes ne sont peuplées qu’à proportion du revenu des provinces. Il est donc essentiel d’assujettir dans les campagnes l’imposition de la taille à une règle sûre & invariable, afin de multiplier les riches fermiers, & de diminuer de plus en plus le nombre des colons indigens, qui ne cultivent la terre qu’au désavantage de l’état.

Cependant on doit appercevoir que dans l’état actuel de la grande & de la petite culture, il est difficile de se conformer d’abord à ces règles ; c’est pourquoi nous avons pour la sûreté de l’imposition proposé d’autres moyens à l’article Fermier ; mais dans la suite le produit du bled ou le loyer des terres fournirait la règle la plus simple & la plus convenable, pour l’imposition proportionnelle de la taille sur les cultivateurs. Dans l’état présent de l’agriculture, un arpent de terre traité par la grande culture, produisant 74 liv., ne peut donner qu’environ un vingtième du produit total du prix du bled pour la taille. Un arpent traité par la petite culture, produisant 24 liv., donne pour la taille un vingt-quatrième. Un arpent qui seroit traité par la bonne culture, les autres conditions posées produisant 106 liv., donneroit pour la taille environ un onzième ; ainsi par la seule différence des cultures, un arpent de terre de même valeur, produiroit ici pour la taille 10 liv., là il produit 3 liv. 10 f., ailleurs il ne produit que 1 liv. On ne peut donc établir pour la taille aucune taxe fixe sur les terres, dont le produit est si susceptible de variations par ces différentes cultures ; on ne peut pas non plus imposer la taille proportionnellement au produit total de la récolte, sans avoir égard aux frais & à la différence de la quantité de semence relativement au profit, selon les différentes cultures : ainsi ceux qui ont proposé une dixme pour la taille[1], & ceux qui ont proposé une taille réelle sur les terres, n’ont pas examiné les irrégularités qui naissent des différens genres de culture, & les variations qui en résultent. Il est vrai que dans les pays d’états, on établit communément la taxe sur les terres, parce que ces pays étant bornés à des provinces particulières, où la culture peut être à-peu-près uni-



    faut, toujours que l’imposition porte sur le fonds & jamais sur la culture, & qu’elle ne porte sur le fonds que relativement à sa valeur & à l’état de la culture ; & c’est le fermage qui en décide.

    On peut soupçonner que la taille proportionnelle aux baux pourroit occasionner quelque intelligence frauduleuse entre les propriétaires & les fermiers, dans l’exposé du prix du fermage dans les baux ; mais la sûreté du propriétaire exigeroit quelque clause où quelqu’acte particulier inusité & suspect, qu’il faudroit défendre : telle seroit par exemple une reconnoissance d’argent prêté par le propriétaire au fermier. Or comme il est très-rare que les propriétaires prêtent d’abord de l’argent à leurs fermiers, cet acte seroit trop suspect, sur-tout si la date étoit dès les premiers temps du bail, ou si l’acte n’étoit que sous seing-privé. En ne permettant point de telles conventions, on excluroit la fraude ; mais on pourroit admettre les actes qui surviendroient trois ou quatre ans après le commencement du bail, s’ils étoient passés pardevant notaires, & s’ils ne changeoient rien aux clauses du bail ; car ces actes postérieurs ne pourroient pas servir à des arrangemens frauduleux à l’égard du prix du fermage, & ils peuvent devenir nécessaires entre le propriétaire & le fermier, à cause des accidens qui quelquefois, arrivent aux bestiaux ou aux moissons pendant la durée d’un bail, & qui engageroient un propriétaire à secourir son fermier. L’argent avancé sous la forme de pot-de-vin par le fermier, en diminution du prix du bail, est une fraude qu’on peut reconnoître par le trop bas prix du fermage, par comparaison avec le prix des autres terres du pays. S’il y avoit une différence trop marquée, il faudroit anéantir le bail & exclure le fermier.

  1. On a vu, par les produits des différentes cultures, que la taille convertie en dîme sur la culture faite avec les bœufs, monteroit à plus des deux tiers du revenu des propriétaires. D’ailleurs la taille ne peut pas être fixée à demeure sur le revenu actuel de cette culture, parce que les terres, ne produisant pas les revenus qu’elles donneroient lorsqu’elles seroient mieux cultivées, il arriveroit qu’elles seroient taxées sept à huit fois moins que celles qui seroient actuellement en pleine valeur.

    Dans l’état actuel de la grande culture, les terres produisent davantage, mais elles donnent la moitié moins de revenu qu’on en retireroit dans le cas de la liberté du commerce des grains. Dans l’état présent la dîme est égalé à la moitié du fermage, la taille convertie en dîme seroit encore fort onéreuse ; mais dans le cas d’exportation, les terres donneroient plus de revenu ;"la dîme ne se trouveroit qu’environ égale à un tiers du fermage. La taille convertie en dîme ne seroit plus dans une proportion convenable avec les revenus, car elle pourroit alors être portée à l’égal de la moitié des revenus, & être beaucoup moins onéreuse que dans l’état présent ; ainsi les proportions de la taille & de la dîme avec le fermage, sont fort différentes, selon les différens produits des terres. Dans la petite culture, la taille seroit forte si elle égaloit la moitié de la dîme ; elle seroit foible dans une bonne culture, si elle n’étoit égale qu’à la totalité de la dîme. Les proportions de la taille avec le produit sont moins discordantes dans les différens états de culture ; mais toujours le sont-elles trop pour pouvoir se prêter à une règle générale. C’est tout ensemble le prix des grains, l’état de la culture & la qualité des terres qui doivent former la base de l’imposition de la taille, à raison du produit net du revenu du propriétaire : c’est ce qu’il faut observer aussi dans l’imposition du dixième sur les terres cultivées avec des bœufs aux frais des propriétaires ; car si on prenoit le dixième du produit, ce seroit dans des cas la moitié du revenu, & dans d’autres, le revenu tout entier qu’on enleveroit.