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Les accessions aux traités sont obligatoires en ce qu’elles stipulent, & sous les réserves qu’elles y mettent, comme les traités mêmes dont elles sont des acceptations. Voyez le Dictionnaire de Jurisprudence au mot Accession.

ACCROISSEMENT des états, f. m. La plupart des états veulent accroître leur domaine & leur puissance ; & quoique cette vue politique ne soit pas toujours bonne, nous allons parler des moyens légitimes qu’ils peuvent employer pour cela : nous indiquerons sur-tout les mariages, les élections, les donations, les achats, les engagemens & les conquêtes.

Le premier, le plus naturel & le plus juste, est celui des mariages. Il est permis aux particuliers de se marier à leur gré ; l’intérêt seul de l’état doit régler les alliances des souverains.

La maison d’Autriche acquit une partie de l’Europe par cette voie pacifique. Six mariages étendirent sa grandeur.

I. L’alliance de l’empereur Albert, fils de Rodolphe I, avec Elisabeth, héritière du Tirol & de la Carinthie, lui soumit ces deux contrées.

II. Jeanne, héritière d’Ulric, comte de Ferrete, en épousant Albert, dit le sage, lui donna le comté de Ferrete.

III. La Hongrie & la Bohême ont passé à la maison d’Autriche, par le mariage de l’empereur Albert II avec Elisabeth, fille de l’empereur Sigismond, possesseur de ces deux royaumes.

IV. Elle acquit le comté de Bourgogne (qu’elle ne possède plus) & les Pays-bas, par le mariage de Maximilien I avec Marie, fille & unique héritière de Charles le Hardi. Peu de jours avant la bataille de Morat, où ce prince périt, Louis XI, roi de France, songeoit à marier le dauphin à la fille du duc de Bourgogne, afin de réunir cette riche succession à la couronne ; ou si la grande disproportion de leur âge, (car Marie avoit près de vingt ans à la mort de son père, & le dauphin n’en avoit que sept ) y mettoit un obstacle, à donner à cette princesse un seigneur françois pour époux, afin de tenir elle & ses sujets en amitié (dit Comines en son vieux langage,[1]) & recouvrer sans débat ce qu’il prétendoit être sien. Ce projet étoit conçu avec sagesse, & pouvoit aisément s’exécuter ; mais Louis XI, entraîné par son avidité & par la haine qu’il eut toujours pour Charles le Hardi, ne s’occupa plus du mariage du dauphin, ou il conduisit si mal les négociations qu’il ne put les terminer. Il ne crut pas non plus devoir marier l’héritière de la Bourgogne à un françois, soit qu’il ne voulût pas donner trop de puissance à ses sujets, soit par quelqu’autre motif que fa dissimulation profonde n’a pas révélé. Il ne songea qu’à conquérir par les armes les états de Charles le Hardi, & la maison d’Autriche profita de cette faute. Si Marie de Bourgogne refusoit d’accepter le dauphin pour époux, il paroît que Louis XI devoit lui proposer Charles, comte d’Angoulême, dont le fils régna dans la suite, sous le nom de François I. Il convenoit mieux au roi de France que ces grands fiefs de la couronne fussent possédés par un prince de sa maison, comme ils l’avoient toujours été, que par un prince étranger. Quoi qu’il en soit, la maison d’Autriche fut, dès ce moment, la rivale de celle de France, & inonda de sang l’Europe qui s’est partagée, durant deux ou trois siècles, entre ces deux maisons.

V. Par le mariage de Jeanne, fille & héritière de Ferdinand d’Arragon & d’Isabelle de Castille, avec Philippe archiduc d’Autriche, fils de Maximilien I, la maison d’Autriche devint souveraine de l’Espagne & de tous les états qui en dépendoient.

VI. Enfin la Hongrie & la Bohême rentrèrent de nouveau dans la maison d’Autriche, par le mariage de l’empereur Ferdinand I, frere de Charles-Quint, avec la princesse Anne, fille de Ladislas, qui régnoit sur ces deux pays.

Tandis que la France, simplement belliqueuse, essayoit de se conserver ou de s’aggrandir par la voie des armes, la maison d’Autriche employoit une voie plus sûre, celle des alliances & des mariages ; & un poëte eut raison de dire alors que la maison d’Autriche devoit laisser les François faire la guerre, tandis qu’elle continuerait à augmenter sa puissance par des mariages[2].

Ce n’est que depuis environ un siècle que la maison de France a employé ce moyen de s’agrandir, & fait des conquêtes par les mariages ; mais exceptez-en trois cas, elle n’a pas montré, sur ce point, une politique aussi adroite que celle d’Autriche.

Louis VII, dit le jeune, avoit épousé Éléonore qui lui avoit apporté en dot la Guienne & le Poitou. L’esprit foible de ce prince se prêtoit à toutes sortes de superstitions, & Éléonore dit à l’assemblée de Beaugency, qu’elle avoit compté épouser un roi & non un moine. Il fit casser son mariage qui n’avoit pas été heureux, & il restitua ces deux belles provinces, suivant la maxime de Marc-Aurele Antonin : si nous renvoyons la femme, il faut rendre la dot. La princesse, pour se venger d’un affront si sensible, épousa Henri, duc de Normandie & comte d’Anjou, qui fut depuis Henri II, roi d’Angleterre, & couronné à Paris roi de France. Ce mariage ouvrit aux Anglois l’entrée de la France, & fut l’origine de la guerre la plus sanglante que les françois & les

  1. Mémoires de Comines, liv. III, chap. 22 & suivant.
  2. Arma gerant galli, tu felix Austria nube.