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cle maternel, adoption que le pape confirma en consistoire.

L’histoire de Venise fournit des exemples d’une adoption singulière : cette république adopta noble vénitien Jacques, roi de Chypre, fils d’un autre Jacques aussi roi de Chypre, & de Catherine Cornaro, comme elle avoit adopté Catherine Cornaro en la mariant. Jacques II étant mort peu de temps après, la république se fit adopter elle-même par la reine Catherine, afin de devenir héritière de l’un & de l’autre ; de Jacques, à titre de mère adoptive ; & de Catherine, à titre de fille adoptive. C’est par cette voie, assez peu légitime, que Venise avoit acquis le royaume de Chypre, qui lui a été enlevé depuis par le Grand-Seigneur.

Lorsque François, grand-duc de Toscane, épousa sa maîtresse Blanche Capello, fille d’un marchand de Venise, la république, pour rendre cette belle vénitienne digne du grand-duc, l’adopta pour sa fille, & lui donna le titre de reine de Chypre.

Louise-Marie de Gonzagues de Clèves, mariée en 1645 à Ladislas, roi de Pologne, fut adoptée, par honneur par Louis XIV, roi de France. Le contrat portoit : « sa majesté donnant en mariage au roi de Pologne la susdite dame princesse, comme si elle étoit sa fille ».

Un exemple encore plus récent d’une pareille adoption est celui de Louise-Elisabeth d’Orléans, fille dé Philippe d’Orléans, régent de France, qui fut mariée en 1722, comme fille de Louis XV, à Louis I, alors prince des Asturies, & depuis roi d’Espagne.

Mais la plupart de ces adoptions ne sont que des cérémonies & des titres d’honneur, qui ne donnent aucun titre à la succession ; il faut dire la même chose de celle d’Alexis-Lange Comnene, empereur de Constantinople, qui, après avoir fait recevoir le baptême à Jabatine, fille du sultan Iconium, l’adopta de cette adoption purement honorifique qu’employoient les grecs à l’égard des princes étrangers.

ADORATION DU PAPE, cérémonie qui se fait après l’élection d’un nouveau pontife. « Dès que le pape est élu, dit l’auteur du Tableau de la cour de Rome, les cardinaux, chefs-d’ordre, lui demandent son consentement, & le nom qu’il a résolu de prendre.

» Les maîtres des cérémonies font un procès-verbal de ce qu’il déclare, & en donnent acte au collège. Les deux premiers cardinaux-diacres prennent le nouveau pape & le mènent derrière l’autel où, avec l’aide des maîtres des cérémonies & du sacristain qui est toujours de l’ordre des augustins, on le dépouille de ses habits de cardinal pour le revêtir de ceux de pape, qui sont la soutane de taffetas blanc, le rochet de fin lin, le camail de satin rouge & le bonnet de même, brodé en or & surmonté d’une croix. Le pape est alors porté dans sa chaire devant l’autel de la chapelle où s’est faite l’élection ; & c’est-là que le cardinal doyen & ensuite les autres cardinaux adorent à genoux sa sainteté ; lui baisent les pieds & la main droite : le saint-père les relève, leur donne le baiser de paix à la joue droite. Le premier cardinal-diacre, précédé du premier maître des cérémonies, qui porte la croix, & d’un chœur de musiciens qui chantent l’antienne Ecce sacerdos magnus, &c. voici le grand-prêtre, &c. va ensuite à la grande loge de S. Pierre, où le maître maçon fait ouvrir la porte, afin qu’un des cardinaux puisse passer dans la balustrade ; ce cardinal avertit le peuple de l’élection du pape, en criant de toute sa force : Annuntio vobis gaudium magnum, habemus papam. Nous vous annonçons une grande joie, nous avons un pape. Alors une grande coulevrine de S. Pierre tire un coup sans boucler, pour avertir le gouverneur du château Saint Ange de faire la décharge de toute son artillerie : on sonne toutes les cloches de la ville, & l’air retentit du bruit des tambours, des trompettes & des tymbales. Le même jour, deux heures avant la nuit, le pape, revêtu de sa chape & couvert de sa mître, est porté sur l’autel de la chapelle sixtine, où les cardinaux, avec leurs chapes violettes, viennent adorer une seconde fois le nouveau pontife, qui est assis sur les reliques de la pierre sacrée. On brise la clôture du conclave, & les cardinaux, précédés de la musique, descendent au milieu de l’église de S. Pierre. Le Pape arrive, porté dans son siège pontifical, sous un grand dais rouge, embelli de franges d’or ; ses estaffiers le mettent sur le grand autel de S. Pierre, où les cardinaux l’adorent pour la troisième fois ; &, après eux, les ambassadeurs des princes, en présence d’une multitude de spectateurs dont cette vaste église est remplie jusqu’au bout de son portique. On chante le Te Deum ; puis le cardinal-doyen, étant au côté de l’épitre, dit les versets & oraisons marqués dans le cérémonial romain. On descend le pape sur le marche-pied de l’autel : un cardinal-diacre lui ôte la mître, & il bénit solemnellement le peuple, après quoi on lui ôte ses ornemens pontificaux ; & douze porteurs, vêtus de manteaux d’écarlate qui vont jusqu’à terre, le mettent dans sa chaire, & le portent élevé sur leurs épaules jusques dans son appartement ».

L’usage de baiser les pieds du pape est fort ancien dans l’église ; &, suivant Baronius, on trouve, dès l’an 204, des exemples d’un pareil hommage rendu au vicaire de Jesus-Christ. Nous voyons, dans l’histoire, les plus puissans monarques déposer leur gloire aux pieds du successeur des apôtres ; &, si l’on en croit le pape Grégoire XIII, cet hommage étoit de leur part un devoir. L’église, dit ce fier pontife, dans la