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revenus de la nation en argent ou en échange ; ainsi, dans le détail des revenus d’un royaume, il n’en faut pas faire un objet à part qui formeroit un double emploi. Il faut penser de même des loyers de maisons & des rentes d’intérêts d’argent ; car ce sont, pour ceux qui les payent, des dépenses qui se tirent d’une autre source, excepté les rentes placées sur les terres, qui sont assignées sur un fonds productif ; mais ces rentes sont comprises dans le produit du revenu des terres. Ainsi, ce sont les terres & les avances des entrepreneurs de la culture, qui sont la source unique des revenus des nations agricoles.

IV.

Que la propriété des biens fonds & des richesses mobilières soit assurée à ceux qui en sont les possesseurs légitimes ; car la sûreté de la propriété est le fondement essentiel de l’ordre économique de la société. Sans la certitude de la propriété, le territoire resterait inculte. Il n’y auroit ni propriétaires ni fermiers pour y faire les dépenses nécessaires pour le mettre en valeur & pour le cultiver, si la conservation du fonds & des produits n’étoit pas assurée à ceux qui font les avances de ces dépenses. C’est la sûreté de la possession permanente qui provoque le travail & l’emploi des richesses à l’amélioration & à la culture des terres, & aux entreprises du commerce & de l’industrie. Il n’y a que la puissance souveraine qui assure la propriété des sujets, qui ait un droit primitif au partage des fruits de la terre, source unique des richesses.

V.

Que l’impôt ne soit pas destructif, ou disproportionné à la masse du revenu de la nation ; que son augmentation suive l’augmentation du revenu ; qu’il soit établi immédiatement sur le produit net des biens fonds, & non sur le salaire des hommes, ni sur les denrées, où il multiplierait les frais de perception, préjudicieroit au commerce, & détruiroit annuellement une partie des richesses de la nation. Qu’il ne se prenne pas non plus sur les richesses des fermiers des biens fonds ; car les avances de l’agriculture d’un royaume doivent être envisagées comme un immeuble, qu’il faut conserver précieusement pour la production de l’impôt, du revenu, et de la subsistance de toutes les classes de citoyens : autrement l’impôt dégénére en spoliation, & cause un dépérissement qui ruine promptement un état.


NOTE.
(Que l’impôt ne soit pas destructif, &c.)

L’impôt bien ordonné, c’est-à-dire, l’impôt qui ne dégénère pas en spoliation par une mauvaise forme d’imposition, doit être regardé comme une partie du revenu détachée du produit net des biens-fonds d’une nation agricole ; car autrement il n’auroit aucune règle de proportion avec les richesses de la nation, ni avec le revenu, ni avec l’état des sujets contribuables ; il pourroit insensiblement tout ruiner avant que le ministère s’en apperçût.

Le produit net des biens-fonds se distribue à trois propriétaires, à l’état, aux possesseurs des terres & aux décimateurs. Il n’y a que la portion du possesseur du bien qui soit aliénable, & elle ne se vend qu’à raison du revenu qu’elle produit. La propriété du possesseur ne s’étend donc pas au-delà. Ce n’est donc pas lui qui paye les autres propriéraires qui ont part au bien, puisque leurs parts ne lui appartiennent pas, qu’il ne les a pas acquises, & qu’elles ne sont pas aliénables. Le possesseur du bien ne doit donc pas regarder l’impôt ordinaire comme une charge établie sur sa portion ; car ce n’est pas lui qui paye ce revenu, c’est la partie du bien qu’il n’a pas acquise, & qui ne lui appartient pas, qui le paye à qui il est dû. Et ce n’est que dans les cas de nécessité, dans le cas où la sûreté de la propriété seroit exposée, que tous les propriétaires doivent, pour leur propre intérêt, contribuer sur leurs portions à la subvention passagère que les besoins pressans de l’état peuvent exiger.

Mais il ne faut pas oublier que, dans tous les cas, l’imposition du tribut ne doit porter que sur le revenu, c’est-à-dire, sur le produit net annuel des biens-fonds ; & non sur les avances des laboureurs, ni sur les hommes de travail, ni sur la vente des marchandises : car autrement il seroit destructif. Sur les avances des laboureurs, ce ne seroit pas un impôt, mais une spoliation qui éteindroit la réproduction, détérioreroit les terres, ruineroit les fermiers, les propriétaires & l’état. Sur le salaire des hommes de travail & sur la vente des marchandises, il seroit arbitraire ; les frais de perception surpasseroient l’impôt, & retomberoient sans règle sur les revenus de la nation & sur ceux du souverain. Il faut distinguer ici l’imposition d’avec l’impôt ; l’imposition seroit le triple de l’impôt, & s’étendroit sur l’impôt même ; car, dans toutes les dépenses de l’état, les taxes imposées sur les marchandises seroient payées par l’impôt. Ainsi cet impôt seroit trompeur & ruineux.

L’imposition sur les hommes de travail qui vivent de leur salaire, n’est, rigoureusement parlant, qu’une imposition sur le travail, qui est payée par ceux qui emploient les ouvriers : de même qu’une imposition sur les chevaux qui labourent la terre, ne seroit réellement qu’une imposition sur les dépenses mêmes de la culture. Ainsi l’imposition sur les hommes, & non sur le revenu, porteroit sur les frais mêmes de l’industrie & de l’agriculture, retomberoit doublement