Page:Encyclopédie méthodique - Histoire naturelle, 5, Insectes 2, A-Bom, T4.djvu/183

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ils auroient été une surcharge pour la science & pour ceux qui l’étudient ; des noms expressifs seroient très avantageux, ils fixeroient les idées, ils aideroient la mémoire. Linné en a senti l’importance, il les a employés pour les divisions qui, étant peu nombreuses, permettent qu’on trouve & qu’on emploie de pareils noms, & dans quelques circonstances particulières dans lesquelles des caractères bien tranchés peuvent être exprimés par un mot. La difficulté de composer de semblables noms, augmente avec le nombre des objets dont il faut parler, de leurs rapports plus grands, de leurs différences moins marquées, & leur multitude rend la chose impossible ; car alors les objets se touchent, se confondent, sont distingués par des traits si peu saillans, si peu sensibles, que l’expression même de ces traits, quand il seroit possible de la rendre par un mot, ne donneroit qu’une idée très-imparfaite de l’objet, ne le distingueroit pas de ceux qui lui ressemblent & qui le touchent dans la série des êtres ; il n’y a donc plus alors de ressource pour faire connoître l’objet que de le décrire dans son entier, & le nom trivial n’est qu’un moyen d’en retenir la description, de se la rappeller à l’occasion de ce nom ; mais si la mémoire est déjà chargée de ce même nom, on a de moins à l’apprendre & plus de facilité à le retenir ; on n’a plus qu’à se rappeller l’objet auquel il a été appliqué. Peu de ceux qui étudient l’histoire naturelle ignorent les noms des divinités, des héros, des hommes célèbres, ils n’ont donc qu’à faire l’application de ces noms, & se ressouvenir à leur occasion des objets qu’ils désignent dans la méthode où on les a employés : mais, dira-t-on, un même nom alors rappelle l’idée de deux objets, & d’objets si disparates ? Qu’importe ? Car, peut-on supposer que celui qui s’occupe pour le moment de Papillons, par exemple, confondra au nom d’Agamemnon les idées d’un insecte dont il veut se rappeller la forme & les couleurs, avec le chef des rois grecs, & qu’il brouillera deux pensées aussi-éloignées ? Non, sans doute ; & les noms d’Ajax, Hector, Andromaque, Ulysse, &c donnés à des Papillons peuvent bien, au premier apperçu, paroitre appliqués d’une manière ridicule, mais en y pensant on reconnoît que cette application n’est un moyen de rappeller le souvenir d’obiets très multipliés sans charger la mémoire de nouveaux noms & sans un risque réel qu’on confonde les idées : il en résulte donc de l’utilité sans inconvénient ; l’emploi de ces noms est donc raisonnable.

M. Linné termine enfin l’article de chaque insecte par l’indication du lieu où il a été ou observé, ou ramassé. À l’occasion de cette indication, je remarquerai qu’elle ne doit jamais être prise à la rigueur, comme trop d’auteurs l’ont fait ; quand M. Linné dit d’un insecte, habitat in Europâ, Indiâ, insulâ Ceylan, &c. il faut entendre, par ces expressions que l’insecte dont il vient de parler a été trouvé en Europe, dans l’Inde, à l’isle de Ceylan, &c. Mais il n’en faut nullement conclure qu’il ne se trouve que dans le lieu ou la contrée, la région, la partie du globe désignée ; on peut être sûr que l’espèce y existe, sans exclusion d’autres lieux même très-éloignés, situés dans différentes parties du monde, où il est possible qu’elle vive aussi. Ainsi, par exemple, le Papillon Apollo se trouve dans les plaines de la Suède & sur les Alpes, les Pyrénées & peut-être sur d’autres montagnes, en d’autres régions basses des pays froids. Le Sphinx tête de mort nous est apporté de la Chine, il est commun dans nos provinces méridionales, & nous le trouvons dans nos campagnes. Il seroit facile d’accumuler des exemples de ce genre. Il en résulte donc que l’indication du lieu où un insecte a été observé n’est qu’une preuve que l’espèce dont il est vit en ce lieu, & l’on n’en doit pas tirer, comme on le fait souvent, l’induction que cette espèce ne se trouve pas ailleurs.

M. Linné divise les insectes en sept classes d’après la forme, le nombre, la position des aîles.