Page:Encyclopédie méthodique - Histoire naturelle, 5, Insectes 2, A-Bom, T4.djvu/445

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d’une couleur semblable à celle de leur pâtée, mais de la consistance de la matière qui tapisse l’intérieur du nid. C’est toujours par cette espèce de pot à miel que les bourdons commencent leurs nids ; ils songent à faire une petite provision, avant même d’amasser la pâtée & de faire leur ponte. Reaumur a cru que ce miel est destiné à humecter de tems en tems la pâtée qui se dessèche trop. Mais pourquoi ne seroit-il pas une provision destinée à nourrir la société en cas de besoin ? Quoiqu’il y ait des fleurs pendant tout le printems & tout l’été, seul tems où les bourdons en ont besoin, il peut survenir deux ou trois jours de pluie, qui les empêchent de se nourrir suffisamment ; ils ont alors dans leur nid une petite provision pour ces mauvais tems.

Lorsque la larve est parvenue à son entier accroissement & qu’elle veut se changer en nymphe, elle file une coque de soie, à l’endroit où elle se trouve. La coque achevée, les bourdons enlèvent toute la pâtée qui l’entoure & qui seroit inutile. Par ce moyen, la coque reste presque entièrement à nud ; elle ne tient que par un bout au gâteau, & quelquefois aux autres coques par les côtés. Comme toutes les larves doivent être dans une position semblable pendant qu’elles se métamorphosent en nymphe & pendant qu’elles vivent sous cette dernière forme, elles donnent toutes une même position à leurs coques, & telle, que leur grand axe est à-peu-près perpendiculaire à l’horison. Chaque coque, d’où l’insecte parfait est sorti, est ouverte par son bout inférieur ; il suit de-là que chaque nymphe, est placée la tête en bas, comme le sont, parmi les abeilles à miel, les seules nymphes qui doivent devenir des femelles.

Nous avons déjà dit que dans chaque société de bourdons, il y avoit des mâles, des femelles & des mulets. Le nombre de ceux-ci est plus grand que celui des mâles, & les femelles sont en plus petit nombre : mais différentes des abeilles à miel, elles vivent ensemble en bonne intelligence. Les mâles & tous les individus de la société concourent également au travail ; tous vont à la récolte de la cire & du miel, tous fournissent de la pâtée aux larves qui en ont besoin, tous travaillent à agrandir ou à réparer leur nid, aucun n’est oisif : mais chaque année voit se former & se dissoudre chaque société. Dans les climats froids & tempérés, les bourdons abandonnent leurs nids vers la fin de l’été, & périssent presque tous à la fin de l’automne. On ne voit jamais, au commencement du printems, que quelques femelles, qui ont passé l’hiver enfermées seules dans quelque trou, ou enfoncées très-profondément dans la terre ; elles ont été fécondées par les mâles avant leur mort. Le bourdon femelle est donc chargé seul, au commencement du printems, de construire un nouveau nid, de faire la provision d’un pot de miel, de ramasser de la pâtée, & d’y pondre ses œufs ; mais, bientôt aidée par les petits qu’elle aura obtenus, le nid est agrandi, la provision de miel augmentée ; la ponte devenue plus considérable, & la pâtée ramassée en plus grande quantité.

Il n’y a point d’émigrations parmi les bourdons ; il ne se forme pas chez eux des essaims, comme on le voit parmi quelques espèces d’abeilles ; tous les individus de la société restent ensemble pendant tout l’été ; mais cette société se renouvelle chaque année, puisque tous les mâles & tous les mulets meurent avant l’hiver ; les femelles seules passent cette saison dans une espèce d’engourdissement, la plupart même périssent : celles qui échappent commencent chacune une nouvelle société. Il est probable que ces femelles périssent elles-mêmes dans le courant de la seconde année, & qu’elles ne passent jamais deux hivers. On voit, d’après cela, quelle est la durée de la vie des bourdons.

Reaumur a observé deux espèces différentes de mulets ; quelques-uns sont aussi grands que les mâles, tandis que les autres sont beaucoup plus petits : il croit ceux-ci plus adroits & les premiers plus forts. Les uns & les autres sont pourvus d’un aiguillon. Il a encore observé l’accouplement d’un mâle nouvellement né avec une femelle, qu’il avoit placés ensemble dans une boëte. Il n’y avoit pas une heure qu’ils y étoient, lorsqu’il vit monter le mâle sur le dos de la femelle, & recourber son ventre, de manière qu’il en appliqua l’extrémité contre l’extrémité de celui de la femelle. Il se tint constamment cramponé sur elle, toujours dans la même attitude, pendant près d’une demi-heure.

Les parties qui constituent le sexe des bourdons mâles ont été bien décrites & bien figurées par Reaumur. Voy. Mém. tom 6, pag. 21, pl. 3, fig. 4, 5, 6. « Si on presse, dit cet illustre observateur, le ventre des mâles, on fait sortir deux pièces semblables, écailleuses, brunes, solides, & propres à saisir le derrière de la femelle ; leur base est massive ; en s’éloignant elles diminuent de diamètre ; elles jettent l’une & l’autre, vers les deux tiers de leur longueur, une branche chargée de poils, & elles se terminent par un bout mousse & courbe, qui forme une goutière ; celle d’une pièce est tournée vers celle d’une autre. Entre ces deux pièces écailleuses, il y en a deux autres ; la tige de celles-ci est déliée, à-peu-près ronde, & porte une lame, dont la figure a une sorte de ressemblance avec celle d’un fer de pique. Enfin, la pression continuée fait sortir une cinquième partie d’entre les quatre précédentes. Cette dernière est membraneuse, mais toute couverte de poils roux ; sa figure approche de la cylindrique ; elle est pourtant un peu courbe, & n’est pas aussi grosse à son bout que près de son origine ; elle paroît plus ou moins gonflée, plus ou moins longue, & plus ou moins grosse, selon que la pression qui l’a obligée de se montrer a été plus ou moins forte, & d’une plus longue ou plus courte durée.

» La dernière des parties que nous venons de faire connoître, est celle qui est destinée à féconder less œufs de la femelle ; & on n’est pas aussi