Page:Encyclopédie méthodique - Histoire naturelle, 5, Insectes 2, A-Bom, T4.djvu/444

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ploient la mousse pour la construction extérieure de leurs nids. Ils choisissent ordinairement une prairie ou quelque lieu où la mousse soit abondante ; ils la coupent avec leurs dents, en font des tas ; & par le moyen des pattes de derrière, ils la poussent à reculon jusqu’à l’endroit qu’ils ont choisi pour s’y établir. On prendroit d’abord l’extérieur du nid pour une motte de terre, couverte de mousse ; mais quand on l’examine de près, il paroît mieux façonné que ne le seroit une motte de terre. Il y en a de plus ou de moins élevés : quelques-uns ont la convexité d’une demi-sphère ; & quelques autres sont des segmens bien plus petits que la demi-sphère. Dès qu’on tente de les découvrir, on reconnoît, que ce qu’on prenoit pour une mousse touffue, est un assemblage d’une infinité de petits brins détachés & entassés les uns sur les autres.

Dans les commencemens, la partie supérieure du nid n’est qu’un simple toît de mousse ; mais par la suite, les bourdons mettent un enduit d’une espèce de cire brute, noirâtre, & en tapissent tout l’intérieur du nid. Cette couche n’a pas une demi ligne d’épaisseur ; mais outre qu’elle n’est pas pénétrable à l’eau, elle tient liés tous les brins de mousse, & leur donne beaucoup de solidité. Une porte a été ménagée au bas du nid ; c’est-à-dire, qu’il y a un trou qui permet aux plus gros bourdons d’entrer & de sortir. Souvent on découvre un chemin de plus d’un pied de long, par lequel chaque bourdon peut arriver à la porte sans être vu ; ce chemin est voûté de mousse. Quelque fois pourtant les bourdons entrent par le dessus du nid ; mais ce n’est guères que lorsqu’il n’est pas encore en bon état.

On peut aisément voir l’intérieur du nid & l’ordre qui y règne. Si on enlève la partie supérieure, le premier objet qui se présente, est une espèce de gâteau irrégulier, mal façonné, composé d’un assemblage de corps oblongs, comme des œufs, ajustés les uns contre les autres. Cc gâteau est plus ou moins grand ; il est seul ou posé sur un second ; celui-ci l’est quelquefois sur un troisième : leur nombre varie un peu, suivant que le nid est plus ou moins ancien. Les gâteaux des bourdons ne sont pas composés de parties si régulièrement arrangées que ceux des abeilles à miel. Ce sont des coques de soie ovales ; un peu oblongues, qui renferment les nymphes, & qui ont été filées par la larve, au moment qu’elle a voulu se métamorphoser. Leur couleur est d’un jaune pâle ou blanchâtre : il y en a de trois grandeurs différentes ; ceux des femelles sont les plus grands ; ils ont environ quatre lignes & demie de long ; ceux des mâles ont près de quatre lignes ; les plus petits, destinés aux mulets, n’ont guères que trois lignes. Il est aisé de juger des inégalités qui doivent se trouver dans l’épaisseur de ces gâteaux faits de ces trois sortes de corps posés les uns contre les autres, & d’ailleurs posés irrégulièrement. On trouve, dans chaque nid, des coques percées par un bout, & d’autres entières ; celles-ci renferment encore la nymphe : des autres est déjà sorti l’insecte parfait.

Outre les coques dont nous venons de parler, on remarque, à chaque gâteau, des corps réguliers, presque sphériques, posés entre les coques, qui remplissent, non-seulement les vuides que celles-ci laissent entr’elles, mais qui s’élèvent assez pour en cacher quelques-unes en grande partie. Les plus considérables de ces corps sphériques se trouvent sur les bords du gâteau ; il y en a quelquefois d’aussi gros que de petites noix ; leur couleur est d’un brun noirâtre, & leur consistance celle d’une pâte molle. C’est-là le plus grand & le plus important ouvrage des bourdons ; il est le dépôt de leur postérité. Si on enlève les couches supérieures de ces boules jusqu’assez près du centre, on trouve un vuide rempli par des œufs oblongs, d’un beau blanc un peu bleuâtre, d’une ligne & demie de long, & d’une demi-ligne de diamètre. Il y en a quelques-unes dans lesquelles on trouve près de trente de ces œufs ; on en voit douze ou quinze dans d’autres ; & trois à quatre seulement dans le plus petit nombre. Ces boules, que Réaumur a aussi nommées pâtée, ne sont pas seulement destinées à contenir l’œuf, elles servent encore à nourrir la larve, qui en provient. Quand on ouvre certaines masses de pâtée, ce ne sont plus des œufs qu’on trouve dans leur intérieur, on y trouve des larves semblables à celles des abeilles à miel, en plus ou moins grand nombre, selon qu’elles sont plus ou moins grosses. Peu de tems après qu’elles sont nées, les larves s’écartent les unes des autres, en mangeant la pâtée qui les entoure : les bourdons connoissant sans doute les endroits où les couches de cette matière sont devenues trop minces, où elles seroient exposées à être bientôt à découvert, ont soin d’y apporter de nouvelle pâtée, qui sert à les nourrir & à les mettre à l’abri des impressions de l’air.

La matière de cette pâtée est un mélange de cire & de miel, que les bourdons vont recueillir sur les fleurs. On les voit souvent quitter une fleur avec un gros paquet de cire attaché aux jambes postérieures ; &, en ouvrant leur corps, on leur trouve presque toujours l’estomac rempli de miel aussi doux que celui de l’abeille domestique. Ils mêlent ensemble le miel & la cire, & leur font peut-être subir dans leur estomac une préparation particulière, pour en former la pâtée propre à nourrir les larves.

Mais indépendamment de la pâtée destinée à la nourriture des petits, on trouve, dans chaque nid des bourdons, trois à quatre espèces de petits pots ou alvéoles, ouverts par leur partie supérieure, pleins d’un miel très-bon, très-doux, & entièrement semblable à celui des abeilles à miel. Ces alvéoles ont une figure presque cylindrique ; leur grandeur est à-peu-près égale à celle des coques destinées aux larves des femelles. Leur position varie ; ils sont placés tantôt vers le milieu & tantôt sur les bords du gâteau. Ils sont faits d’une espèce de cire