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DISCOURS SUR L’OBJET DE LA MORALE.


objet propre à l’exciter , & qu’il y soie proportionné

voilà ce qui forme en nous le

sentiment de la convenance ; ce sentiment a des tègles inviolables. La douleur d’un fils pout la mort de son père nous paroît coujours convenable ; NOUSne pouvons lui refuser notre sympathie, ou au moins nous l’en jugeons digne. Les sentimens avec lesquels nous sympathisons le plus aisément , sonc ceux j que nous éprouvons nous mêmes actuelle-j ment ; mais outre le rapporc qu’ils onc avec ’ les nôtres , ils doivent d’ailleurs paroître fondés en raison. Nous ne sympathisons pas long temps avec les excès, de quelque passion violente que l’on foie agité ; iifauc la rneccre à notre porcée pour que nous y prenions •parc. La constance Sc la magnanimic’é font après cette observation. L’homme qui veuc intéresser, doic se considérer dans le jour où il paroît à celui auquel il s’adresse, de. même que celui ci doic se mettre antant qu’il le peut à ia place de l’autre. II arrive quelque-, fois que notre imagination va au-delà de ce qu’éprouve réellemenc la personne intéressée ; plus souvent elle reste au-dessous, il faut conclut e de ceci que nos affections s’étendent & se modèrent par le besoin que nous avons de la sympaìhie. Elles ne restent jamais purement originales ; l’effet d’une grande société est de les mélanger toujours plus ; les vertus do nces, naissent de la facilité avec laquelle on sympachyse , les vertus fortes, de la modération & de la sageste avec lesquelles on excite ce délicieux sentiment. Nous considérons souvent une action toutà-la-fois dans celui qui en est fauteur & celui qui en est l’objet ; pour entrer dans les sentimens de celui-ci., nous considérons ce que «eice action nous infpiceroic si elle écoic faice pour nous. D’après la graticude ou le ressentiment que nous supposons , nous nous faisons une idée générale du mérite & du démérite, de-là, l’idée générale de récompense ou de châtiment ; nous nous indignons souvent de voir celui qui est l’objet d’une action, ne pas en avoir le sentiment que nous en aurions à fa place ; d’un aurre côté, la gratitude ou le reíîèntituent n’excicenc pas notre sympachie , si l’actim qui les occasionne ne nous en paroît poinc digne. Deux vertus qui forment l’une le lien, l’autre le charme de la société, la bienfaisance Sc la justice , excitent en nous des sentimens différents ; nous n’avons de la

reconnoissance que pour les actions bienfaisances ,

nous n’avons du ressentiment que J pour les actions injustes. A la vérité l’absence j des qualités bienfaisantes , excicenc nocre blâme , mais il y a loin de cecce improbation à ce sentiment actif qui nous poulie à faire porter la peine d’une action injuste à celui qui l’a méritée. Ce discernement que notre raison faic naturellement, est conforme à Tordre de la société qui est beaucoup plus troublée par les injustices que par le défaut d’actions bienfaisances. Quoique nous soyons ordinairement atten- tifs à examiner les motifs d’une action pour en juger le mérite ou le démérice, il,n’est pas douteux que lé succès n’échauffe ou ne diminue beaucoup le sentiment qu’elle inspire. II ne faut rien conclure de cecce observation contre la morale, elle doit nous porter au contraire à joindre à la pureté de nos intentions , les foins & la vigilance propres à en assurer l’exéiution. La sympathie est si habicuellementagissante en nous , que pour juger nous-mêmes nocre conduite , nous observons les jagemens qu’en portent les autres. C’est en les consultant q ie nous apprenons quelles vertus & quelles qualités ils désirent en nous. Les vertus qui ne sonc relatives qu’à notre intérêt ne consistent que dans cercaines règles de prudence ; la sympachie seule nous faic reconnoître couces les autres. Comme l’approba don des autres ne fuie pas toujours des règles certaines, & que les faits propres à la décerminer ne leur sonc pas coujours bien connus ; nous sommes loin de nous soumettre toujours à leurs premiers jugemens.