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DISCOURS SUR L’OBJET DE LA MORALE.


meà parler de lui, qui en fait tant éprouver à l’entendre, gardez-vous de le quiccer avec humeur, c’est un sage qui vous connoit, c’est un ami qui vous conseille. S’il alebabildeNestor, il n’enani l’orgueil, ni la sévérité , il a étudié les hommes avec un esprit judicieux & une ame indulgente, il a conservé sans altération les premières impressions de la nature , il ne connoîc poinc d’aucres penchancs que les siens, poinc d’aucre bonheur quece’uiqu’elle donne ; qui mieux que lui peuc peindre les vices, les malheurs , les crimes de la sociécé ? L’amour de la nature s’est fortifié en lui par l’amour le plus profond de l’antiquité, il s’est naturalisé avec elle. Né dans un siècle où les hommes étoient autant dégradés par leurs vices, leurs sottises, leurs bassesses, qu’odieux par leur fanatisme , il n’a communiqué avec ce siècle que par les observations qu’il y a receuillies. II s’est fait un bonheur à part, il a aimé les voyages & la retraite, dans l’un & dans l’autre également il a joui de soi. Sa bonté , fa candeur lui ont tenu lieu de-prudence ; on auroit tort de conclute de la vie paisible que Montaigne a mené au milieu de tous les orages de de son siècle , que ses.maximes & son ame soient celles d’un Epicurien qui met toute son étude à jouir. Montaigne en se meccane à l’écarc d’un siècle indigne de lui, n’en a pas moins vécu avec les hommes , ìi’cn a pas moins médicé fur leur bonheur. Iì semble qu’il aie voulu naturaliser parmi nous la sagesse des anciens ainsi qu’il se l’éroit rendue propre. Comme il a leur simplicicé, & fans douce il l’a encore avec une grâce plus naïve, il a aussi leur grandeur, il semble être né au milieu d’eux. Quand je le quicce pour lire Pluearque, je sens bien quelque différence de génie ,’/nais je ne sens poinc la différence de siècle. Aussi Plutarque est-il l’auceur qui a pénétré plus avanc dans son ame & son efpric. Pluraique écoic lui-même héricier de la sagesse & de la vercu des anciens dans un cemps où peu d’hommes la retraçaient encore. C’est là, peut-êcre , ce qui U

’J :. T ; l/l~’ u..n . établit cette conformité frappante. On aime beaucoup plus le caractère de Montaigne qu’on n’est tenté de Tadmirer. Je crois cependant qu’avec une force attention on remarquera en lui la plupart de ces vertus qui produisent de grands exemples quand la fortune les exerce. Ce tableau qu’il fait de ion amitié pour la Béotie ne cranfporte t-il point aux plus beaux jours de l’antiquité ou même de la fable. Deux hommes de ce caractère , nés dans un tel siècle , dévoient , il est vrai, s’embrasser aussitôt cjue se rencontrer. II représence son ami comme fait pour orner les beaux siècles d’Athènes &deRomejcombien je conçois cette opinion de lui-5 même, j’aime à payer cet éloge à deux noms qu’on cite trop peu ensemble, quoiqu’il y en ait si peu à cicer comme modèle de l’amirié. II est encore deux traits dans le caractère de Montaigne, qui eussent pu produire les plus grands exemples dans une vie exercée par les événemens , son respect pour la vérité Si son désintéressement. Peu de personnes osent douter de la franchise de Montaigne , mais beaucoup en diminuent le merice en disanc qu’elle ne lui a arraché aucun aveu bien pénible ; il n’avoit, dit on, a développer qu’un caractère assez aimable , Sc il l’a fait avec beaucoup de complaisance , mais bien loin que fa franchise ait moins de prix quand elle accompagne les vertus , il faut penser que c’est elle qui les fait naître ou les entrecient. A l’égard du désintéressement de Montaigne, il tenoit en quelque sorte à son tempérament, & fa philosophiel’avoit mií à toure épreuve 5 nulle vertu n’a plus

! parmi nous la couleur ancique que celle-là. 

Je ne parle pas de fa fermecé à supp crter les maux, de cette patience qu’il s’étoicoformée fans le secours du stoïcisme. Je ne p arle pas de cetee humanicé , de cecce pitié vive qui respire par-tout dans ses écrits , avec un accent si touchant & si vrai. De telles qualités ne sont poinc le parcage d’une ame ordinaire ; ne regrertons point qu’elles n’ayent été déposées que dans ses écries. Ceux qui donYient aux hommes d’utiles leçons, doivent marcher à côcé de ceux qui leur donnent de ^ vn/>vi*Jo i/rvta Tfs T 1111 Encyclopédie t Logique, Métaphysique &* morale. Tome IV* L1111