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DISCOURS SUR L’OBJET DE LA MORALE.


més ; je n’en connois point de plus vrais » Bien des personnes se sont servis des tableaux enchanteurs que les poëtes, les historiens ou même des philosophes sublimes ont tracé de l’amitié pour en nier l’existence parmi nous. Je pourrois renvoyer ces personnes au traité de madame Lambert, & j’ose croire qu’après l’avoir lu, elles sentiront que si leur cœur est pur & digne d’aimer, elles peuvent rencontrer un ami, elles apprendront à connoître, à honorer ce sentimeot dans les soins les plus délicats, ainsi que dans les plus nobles sacrifices, elles apprendront à ne plus séparer les charmes de l’amitié des devoirs qu’elle prescrit.

Il est un plus grand nombre de personnes qui se croyent désabusés de l’amour & de la perfection qu’on lui attribue, c’est encore madame Lambert qui peut les convaincre que l’amour existe, que l’amour conduit à la vertu & reçoit d’elle ses plus pures délices. Rien n’est, profane dans ce tableau, rien n’y porte le caractère de l’exagéracion ; l’ame se sent émue, élevée, & reconnoît avec une douce satisfaction, que ce n’est point un rêve, qu’elle peut jouir d’un si grand bien. Peut-être des âmes passionnées ne trouveront pas dans ce tableau tout ce qu’elles ont éprouvé de violent & d’impétueux. Mais madame Lambert n’écrit pas pour charmer les âmes passionnées, elle écrit au cntraire pour les calmer ; que l’on exagère à l’envi, le talent qui fait décrire la passion dans tous ses excès & jusques dans son délire, il est sans doute plus utile & plus beau de l’épurer, de l’anoblir.

Madame Lambert dans les réflexions sur les femmes, porte plus loin la sévérité. Dans les confeils à sa fille, elle va plus loin encore, elle sembie jetter dans son ame une grande crainte de l’amour. Que cette circonspection est touchante dans une mère, une amie qui sembie prévoir de grands dangers, qui fait qu’un choix imprudent peut faire le malheur de la vie entière ! Plus on lit madame Lambert, plus on voit qu’elle a médité profondément sur la condition de son sexe, elle a va combien les devoirs en étoieni éten-


dus & impérieux, elle s’est étudié à les rendre faciles. Avec quelle vive persuasion elle recommande cette patience, cette douceur qui font le charme des femmes, & si souvent leur empire, en même temps qu’elles font les délices & la consolation de notre vie ! Comme elle les attache aux habitudes domestiques auxquelles la nature à attaché plus de plaisir que la société n’en peut fournir, comme elle les conduit au respect d’elles-mêmes, à cette jouissance intérieure qui répand tant de sérénité sur leur vie & de douceur sur leur vieillesse !


Son traité de la vieillesse est encore une des excellentes productions qui enrichissela morale. Cicéron a peint la vieillesse des grands hommes, madame Lambert a peint la vieillesse de toutes les âmes vertueuses.

Duclos.

Duclos sembie n’avoîr connu qu’une seule classe, c’est celle qui s’appelloit autrefois le monde, le grand monde. Rien ne parotc moins philosophique que ce but, rien ne l’est plus que la manière dont il l’a rempli. L’éloge de l’ouvrage de Duclos est tout entier dans ce mot, dit dans un esprit satyrique par un gentilhomme, c’est l’ouvrage d’un Plébéien révolté. Ce mot peint, il est vrai, l’exagération d’une ame blessée. Duclos n’exprime jamais une vive indignation contre les travers & les vices qu’il décrit, il en pénètre trop bien les causes, il en connoît trop bien l’empire pour se livrer à un emportement qui, dit-on, étoit quelquefois dans son humeur, mais qui, à coup sûr, n’étoit pas dans son ame & qui ne paroit jamais dans ses écrits ; il apprend à connoitre les charmes par lesquels les grands éblouissent le vulgaire. Sans paroître avoir un dessein formé de ruiner leur puissance, il en attaque tous les fondemens, il en montre toute la fragilité. Tantôt il les peint empruntanc tout leur éclat dé la faveur des monarques, tandis que leurs fiers ancêtres osoient chacun dans leur empire rivaliser la puissaoce des rois. Tantôt il découvre les fausses maxi-