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DISCOURS PRÉLIMINAIRE

Sur la nature & l’emploi des différentes Matières propres à l’habillement des hommes.

Lhomme est sorti de la terre pour vivre, se procréer & rentrer dans son sein ; voilà ce qui est de la Nature: elle n’a que des appétits. Vertus & vices, savoir & besoins, tout vient de la Société.

La première cabane comme le premier vêtement, ainsi que les premiers fruits de l’industrie, furent les premiers signes de la corruption. Quis enim indicavit tibi quod nudus esses?

L’homme eût vécu en paix, rien ne manquoit à sa destination. Entouré maintenant des objets de son industrie, je le vois lutter contre les intempéries, s’efforcer de s’y soustraîre, adoucir le climat, dompter les élémens, maîtriser & embellir la nature. Par-tout on reconnoît l’empreinte de ses facultés exercées à là recherche du bonheur, se créant des jouissances, les propageant & les renouvellant sans cesse.

Tous les hommes, sans doute, sont mûs par le desir d’être heureux : aucun ne l’est donc dans la société ? & loin que tous ses biens apparens procurent le bonheur, il est douteux que ses membres les plus éclairés & les plus vertueux, puissent jamais compenser la foule de maux qu’elle a produit.

Qui osera calculer la somme de ces maux ? Qui mesurera les efforts & les succès de ceux qui ont travaillé à les adoucir ? Celui-là pourra fixer le degré d’estime & de reconnoissance que la Société doit à ses bienfaiteurs. Philosophie ! c’est à toi qu’il appartient de mesurer l’intelligence qui crée ; toi seule, considérant les rapports, fait les apprécier par l’utilité des objets créés, & déterminer le rang de ceux-ci.

C’est à ses lumières que les Arts doivent l’espèce de distinction qui les encourage & les développe. Longtems l’orgueilleuse ignorance confondit dans ses dédains le génie des inventions, avec les pratiques communes qui les mettent à profit par les soins de l’artisan laborieux. Les jouissances procurées par l’industrie, lui parurent des tributs dûs à la richesse; & des spéculations brillantes, de vagues hypothèses, qui l’éblouissoient sans la détruire, captivoient seules l’admiration. Mais assez de monumens nous sont témoins des écarts de l’esprit humain ; suivons-en le développement & les progrès dans les opérations raisonnées qui plient à l’usage de l’homme les substances végétales & la dépouille des animaux, depuis le sparte flexible jusqu’au

cèdre majestueux, depuis la laine des brebis jusqu’à l’ivoire de l’éléphant. Voyons-le dans l’emploi de tant de matières, dont il dispose & qu’il modifie à son gré, veiller à l’éducation d’un insecte,

Arts & Manufactures. Tome I. Prem. Part.
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