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DISCOURS PRÉLIMINAIRE.


recueillir le superflu de son organisation, & en obtenir ces chefs d’œuvres dont le brillant effet est moins admirable encore, que l’enchaînement des moyens qui l’ont fait naître. La toison des troupeaux subit des métamorphoses aussi éclatantes, l’écorce d’une plante transformée en voiles établit la communication entre toutes les parties du globe : l’extrait des bois, des fruits, des fleurs, combinés avec les minéraux, produit des nuances variées à l’infini ; & la teinture étend partout ses aimables prestiges.

Voyons la nature presqu’égalée dans sa fécondité, par les imitations de la broderie, & par la multiplicité des petits prodiges du Passementier. Il n’est pas jusqu’aux parties les plus grossières des animaux, dont l’industrie ne fasse des objets de commodités, d’agrément pour l’homme ; par elle, le cuir épais du bœuf devient également propre à garantir le guerrier, ou à chauffer le citadin ; la graisse du même animal est rendue capable de suppléer au jour & d’éclairer d’autres travaux.

La molesse & le luxe donnèrent, il est vrai, naissance à tous les Arts ; mais ils font devenus des besoins ; &, loin du tems où ç’eût été un crime de les exercer, aujourd’hui c’est servir la société que de les décrire.

Pline, l’homme le plus studieux de son siècle, & l’un des plus savans de l’antiquité, associa les arts à la connoissance de la nature, & fit tout dépendre d’elle. Que sont en effet les Arts, si ce n’est l’imitation de la nature ? Procéder par son exemple, c’est tendre au même but. Sans ce guide, on marche en aveugle ; les découvertes sont rares & longtems incertaines. Pline, vit l’enchaînement des connoissances & la marche que doit suivre l’esprit humain pour les embrasser : avec le nom d’un très-grand nombre d’Artistes, il nous a laissé des détails précieux sur les Arts que beaucoup ont exercés & que plusieurs ont décrits, à commencer par Homere, qui sçut les embellir de tous les charmes de la Poësie.

Mais les époques du savoir sont rares, & la barbarie, dans ses révolutions, renferme de si grands espaces, occupe de si longs intervalles, qu’on ignora bien des fois si Homere & Pline avoient existé.

La fin du denier siècle vit reparoître Pline ; car on l’avoit traduit bien des fois sans le comprendre. C’est pour nous l’époque de la renaissance des Arts : ce fut en lisant cet Auteur, qu’on eut quelque idée du savoir des Anciens, & que l’on sentit combien de connoissances étoient rentrées dans l’oubli ; ce fut en l’étudiant que l’on comprit sa propre ignorance, & qu’on se pénétra du desir de s’instruire. C’est alors que l’Académie des Sciences de Paris conçut le dessein d’étendre & de perpétuer les Arts, & que, pour moyen, elle détermina de les décrire. Elle en prit la résolution avec ces vues profondes & ce sentiment qui rapprochent les hommes & qui les font tous envisager comme frères.

Ce seroit un beau spectacle que l’homme, une fois jetté dans la société, y vécût en paix, eût tous les hommes pour amis, ne pensât & ne s’occupât