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DISCOURS PRÉLIMINAIRE.


éloges sur lesquels on ne tarira que quand on ne jugera plus par intérêt, par habitude, ou sur caution. Qu’attendre en effet d’une conduite dont le but est moins la prospérité publique que l’envie d’y faire croire ? On faisoit par-tout chercher les gens instruits, non pas tant pour les connoître & pour que la France profitât de leurs connoissances, que pour être connu d’eux, & faire emboucher par-tout la trompette de sa renommée.

L’argent avoit cependant attiré des hommes de toutes parts ; mais la révocation de l’édit de Nantes rejetta bientôt ces étrangers, & avec eux une foule de nationaux ; les arts, les manufactures, les richesses & la prétendue gloire, tout disparut pour aller peupler les contrées & instruire l’univers. Ce n’est pas sans raison qu’à tant d’égards l’on compara ce siècle à celui d’Auguste ; siècle de politesse & de corruption, où l’agriculture méprisée & les arts mis en honneur, le grand mérite fut de bien dire, & tout enfin finit par être vénal à commencer par les louanges.

Alors on put mesurer la sagesse des princes de l’Europe, dont la face changea tout-à-coup, par l’accueil qu’ils firent aux hommes & aux arts que nous chassions. Les étrangers reportèrent dans leur pays les richesses dont nous les avions comblés ; &, comme les nationaux, fuyant & cherchant un asyle, ils répandirent l’instruction par tout.

La Saxe, la Prusse, le Bas-Rhin, les villes libres, toute l’Allemagne singulièrement, s’enrichirent de nos dépouilles ; la Hollande & l’Angleterre se récupérèrent au centuple de ce qu’elles avoient pu perdre : les arts s’étoient éclairés les uns par les autres & perfectionnés par leur concours ; nous y ajoutions les hommes & l’argent. La régence avoit tant de malheurs à réparer, elle donna lieu de s’occuper de tant d’autres, que les manufactures, depuis le commencement du règne de Louis XV jusqu’au temps de l’administration de M. Fagon, furent aussi négligées (& c’est beaucoup dire) qu’elles l’avoient été vers la fin de celui de Louis XIV ; & c’est à, M. Trudaine, l’un des grands administrateurs qu’ait eu la France, qu’est due leur restauration.

Depuis près d’un siècle, depuis que le Louvois établit son crédit & ruina la France, aux dépens & en dépit de Colbert, l’industrie contrainte se heurtoit de ses chaînes : enfin les idées s’étendirent, les vues se multiplièrent, les connoissances s’approfondirent ; jamais les arts ne furent Exercés en France avec une semblable activité ni autant d’intelligence. la doctrine de Jean Wit, l’homme de son siècle qui connut le mieux les intérêts de son pays, jugea plus sainement de la manière de diriger les arts pour la plus grande utilité du commerce ; cette doctrine, dis-je, prêchée aux Anglois par Davenant, seroit, de son temps même, devenue le code des nations fabricantes, si par-tout les préjugés & l’intérét des particuliers ne croisoient le bien public.

Tome I.
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