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l’idée de l’immatérialité ; puisqu’il est évident que notre argument seroit sans force, si l’on ne supposoit pas comme un principe suffisamment prouvé, que la substance immatérielle qui pense, est inétendue ». C’est pour cette prétendue bévue que M. Milles me fait la faveur de supposer qui je méprise la logique. En vérité, il me fait bien de la grace. Je ne lui rendrai point politesse pour politesse ; & quoique sa méprise soit aussi réelle que la mienne est imaginaire de sa part, je prendrai la liberté de l’attribuer à une cause plus louable, d’autant plus qu’il a la modestie de dire qu’il a tâché d’imiter la méthode qu’a suivie le grand théologien Chillingworth dans son traité de l’immatérialité de l’ame.

Comme M. Milles n’est pas d’accord avec M. Clarke sur les principes de l’immatérialité de l’ame qu’ils soutiennent l’un & l’autre, de même nous ne sommes pas tout-à-fait d’accord, M. Milles & moi, sur les principes que l’on doit suivre dans des discussions telles que celle qui nous occupe. En fait de spéculations philosophiques, ce n’est ni l’autorité de Cicéron, quand même on pourroit reconnoître ses véritables sentimens qu’il est très-difficile de saisir au milieu des opinions diverses qu’il fait soutenir aux interlocuteurs de ses dialogues, ni l’autorité de tous les philosophes du monde, ni à plus forte raison celle des pères de l’église, qui me règlent. C’est la raison seule que je suis. De quelque côté qu’elle vienne, je m’y soumets. C’est par elle seule que nous nous proposons, M. Clarke & moi, de discuter la question présente. Lors donc que M. Milles, pour prouver que la faculté de penser est inséparable de l’être immatériel, se contente de dire » que la faculté de penser a toujours été & est encore aujourd’hui réputée par tout le monde pour une propriété nécessaire de l’immatérialité, » je ne pense pas qu’il convienne de répondre à un homme qui semble ignorer que l’objet que nous discutons, M. Clarke & moi, n’est pas une question qui se décide par l’autorité de personne, & que M. Clarke lui-même s’est proposé dans l’argument que j’examine, de démontrer l’immatérialité & l’immortalité naturelles de l’ame, par la seule raison.

En un mot, le fait ne prouve rien dans l’objet dont il s’agit ici. Ce que les autres ont pensé, ne décide rien pour nous : Comme si l’on prétendoit prouver par des raisonnemens profonds & recherchés que les pères de l’église étoient de grands philosophes, tandis que le contraire est évident par la confrontation de quelques passages de leurs ouvrages que l’on trouve dans les écrits de MM. Milles & Dodwell.


RÉFLEXIONS SUR LA SECONDE
DÉFENSE DE M. Clarke.

Vimque omnem eam, quatre-vingts vel agamus quid, vel sentiamus, in omnibus corporibus vivis equaliter esse fusam, nec quicquam, nisi corpus unum & simplex, ita figuratum ut temperatione natura vigeat & sentiat : affirmat Dicæarchus apud Ciceronem Tuscul. Quæst.

Nos autem animam corporalem & hic profitemur, & in suo volumine probamus, habentem proprium genus substantia, soliditatis, per quam quid & sentire & pati possit. Tertullianus de resurrectione carnis.

Si le lecteur n’est point fatigué de ma dispute philosophique avec M. Clarke, je vais continuer à examiner si la matière peut ou ne peut pas penser. Depuis que la seconde défense de cet habile théologien a paru, le public a eu tout le loisir d’en porter son jugement, & m’en rapportant entièrement aux lumières & à l’équité des savans, je ne chercherai point à les prévenir en ma faveur ni contre mon adversaire. Je commencerai plutôt par rendre à M. Clarke & au lecteur la justice que je leur dois, en avouant que, dans ma dernière réplique à la première défense de M. Clarke, j’ai omis une ligne d’un passage que j’ai cité[1]. Que cette omission soit une faute typographique, ou une négligence de ma part, je l’ignore ; mais je suis bien sûr qu’elle n’a pas été préméditée, & que je n’ai point eu dessein d’altérer le sens de ce passage. J’espère que le lecteur voudra bien me croire, en considérant que je n’ai tiré aucun avantage de cette omission, & me le pardonner avec la même indulgence dont M. Clarke a usé à mon égard.

Il s’agit donc de savoir si un systême de matière

  1. M. Clarke se plaint dan sa seconde défense, que M. Collins a tronqué un passage de sa première défense, en le citant. « En répétant ma réponse à votre première objection, lui dit-il, vous citez ainsi mes paroles : supposer qu’aucune faculté ou qualité de ce genre résulte des différentes parties qui composent le tout, c’est une contradiction directe & manifeste. Il y a une ligne entière omise dans ce passage. J’ai dit : Supposer qu’aucune faculté ou qualité de ce genre résulte de l’ensemble d’un systême de matière sans appartenir aux différentes parties qui composent le tout, c’est une contradiction directe & manifeste. Je ne doute point que cette omission ne soit une faute typographique. Je crois pourtant devoir la relever ici parce que le lecteur ne prendra peut-être pas la peine de confronter la citation avec l’original, & que peut-être ce passage ainsi tronqué pourroit avoir un sens différent de celui que j’ai eu en vue. Seconde défense de l’immatérialité & de l’immortalité naturelles de l’ame.