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peut avoir la faculté de penser, ou un sentiment intérieur individuel, soit comme une addition faite à sa substance.

Par le terme d’individuel appliqué au sentiment intérieur, nous entendons, M. Clarke & moi, un seul sentiment intérieur, en opposition à une certaine quantité de sentimens intérieurs distincts.

Par la faculté de penser, j’ai cru devoir entendre la pensée actuelle, & non la simple capacité de pensée : « autrement, ai-je dit, le docteur Clarke ne pourroit pas employer le terme de sentiment intérieur individuel comme synonyme pour désigner la faculté de penser ».


M. Clarke ne paroît pas approuver cette distinction. Il dit qu’il ne voit pas la raison de ma délicatesse sur ce point. « Car, ajoute-t-il, il s’agit de prouver qu’une substance divisible n’est pas capable de recevoir la faculté de penser. Or que l’on entende par la faculté de penser la pensée actuelle, ou la simple capacité d’avoir une pensée, quelle différence cela peut-il mettre dans la question présente ? Aucune assurément ; car je ne présume pas que l’on nie que ce qui est prouvé incapable d’avoir une pensée actuelle, ne soit également prouvé à posséder la simple capacité de penser ? & que de même tout ce qui est prouvé inhabile à posséder la simple de penser, ne soit aussi prouvé incapable d’avoir une pensée actuelle ».

Pour mieux faire voir l’inutilité de ma distinction entre la pensée actuelle & la capacité de penser, M. Clarke permet au lecteur » d’entendre indifféremment par le terme de sentiment intérieur, ou la capacité de penser, ou la pensée actuelle, ou l’acte réfléchi de la pensée, parce que son argument prouve universellement que la matière est également incapable & de la pensée directe ou actuelle, & de l’acte réfléchi de la pensée, & de la capacité de penser ».

1o. Après cette explication de M. Clarke, n’a-t-on pas lieu de s’étonner qu’il me fasse une querelle d’avoir voulu fixer le sens de ces expressions faculté de penser, ou sentiment intérieur ? De trois sens qu’il propose indifféremment, j’en ai adopté un. De quoi peut-il donc se plaindre ? Je ne pouvois pas mieux entrer dans ses vues, & certainement n’ai point falsifié son raisonnement, en adoptant un des trois sens qu’il permet au lecteur d’adopter indifféremment. « Mon argument, dit-il, prouve universellement que la matière est également incapable & de la pensée directe ou actuelle, & de l’acte réfléchi de la pensée, & de la capacité de penser ?…,… « Tout ce qui est prouvé incapable de la pensée actuelle, est également prouvé inhabile à posséder la capacité de penser «. Et je pourrois ajouter que tout ce qui est prouvé incapable de la pensée actuelle est aussi prouvé incapable de l’acte réfléchi de la pensée. J’ai donc entendu M. Clarke dans un sens qui répond parfaitement à ses vues,

2o. Ce qui prouve combien M. Clarke a mauvaise grace de se plaindre de moi en cette occasion, c’est qu’il permet au lecteur d’entendre indifféremment par le terme de sentiment intérieur ou la pensée actuelle, ou l’acte réfléchi de la pensée, ou la simple capacité de penser ; de sorte que si le lecteur adopte la première signification à l’exclusion des deux autres, M. Clarke ne peut pas le trouver mauvais. J’ai pris la liberté qu’il permet au lecteur de prendre. Peut-il m’en faire un crime ? Je n’ai donc pas besoin de justification, à moins que M. Clarke ne me fasse voir que la permission générale qu’il accorde à tout lecteur, ne me regarde pas.

Afin que l’on soit plus en état de juger si la plainte de M. Clarke est bien fondée, & quelle espèce de satisfaction je lui dois, j’en vais rapporter les propres termes, d’autant plus qu’ils me semblent contenir une distinction des plus délicates que j’aye jamais entendue. » Le lecteur, dit-il ne doit point s’embarrasser de cette distinction délicate, mais il peut donner indifféremment au sentiment intérieur, l’une de ces trois significations, ou toutes les trois ensemble ». C’est-à-dire que le lecteur ne doit pas, ou n’est pas obligé de donner indifféremment au terme de sentiment intérieur, l’un de ces trois significations mentionnées, & que cependant il peut lui donner indifféremment l’une ou l’autre. Voilà une subtilité que je ne comprends pas, & qui n’a point ici d’application. Si l’on peut entendre indifféremment par le sentiment intérieur, ou la pensée actuelle, ou l’acte réfléchi de la pensée, ou la simple capacité de penser, ou ces trois choses ensemble, il est bien permis aussi d’en adopter une à l’exclusion des deux autres, & de l’en distinguer ainsi, sans faire tort au raisonnement de M. Clarke. Car qu’est-ce qu’adopter l’une ou l’autre de ces explications, sinon s’en tenir à l’une des trois, abstraction ou exclusion faite des deux autres ?

3o. Puisque j’ai entendu M. Clarke dans un sens qui répond parfaitement à ses vues, & dans lequel il permet à tout lecteur de l’entendre, auroit-il dû me supposer une intention aussi peu louable que celle qu’il m’attribue ? Il prétend qu’en distinguant la pensée actuelle de la capacité de penser, j’ai voulu embarrasser le lecteur en mêlant une nouvelle question à la question présente. » Je ne vois pas pourquoi, me dit-il, (si ce n’est pour embarrasser le lecteur, par une nouvelle question, savoir si l’ame pense toujours actuel-