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tems de Procope, qui écrivoit son histoire vers le milieu du seizieme siécle.[1] Ctésias,[2] Pythéas de Marseille, & plusieurs autres historiens, ou géographes, avoient dit beaucoup de choses incertaines & fabuleuses de cette isle. Elle commença d’être mieux connue sous l’empire de Justinien,[3] parce que les Herules, qu’Anastase, l’un de ces predécesseurs, avoit reçus & établis dans une contrée de l’Illyrie, ayant tué leur roi Ochon dans une émeute, envoyerent des ambassadeurs dans cette isle, une partie de leur nation étoit établie, pour y chercher des princes qui fussent de la race royale. Ce que des personnes qui avoient été de l’ambassade raconterent à Procope de la situation de l’isle, convient assez à l’Islande.[4] Elle étoit au delà du Danemarck, & au nord de la grande Bretagne. Le soleil ne s’y couchoit pas pendant 41 jours de l’été, & ne s’y montroit pas pendant 41 jours de l’hiver. Cependant[5] Grotius prétend que l’isle de Thulé n’est pas l’islande, mais la scandinavie, parce que c’est là qu’on trouve les scristisirmes, & les gautes, que Procope place dans l’isle dont il fait la description. C’est une question qu’il ne m’importe pas de décider.

Quelque parti que l’on prenne, il sera toujours constant que les islandois, ou les suedois, du VI. Siecle, étoient des peuples qui n’avoient aucun commerce avec les nations policées, & que par conséquent leur théologie n’étoit pas encore altérée par des idées étrangères. Voici ce qu’elle portoit sur le sujet que nous examinons. » Ils servent, dit Procope,[6] plusieurs dieux & plusieurs génies qu’ils placent dans le ciel, dans l’air, sur la terre, & dans la mer. Ils ont encore d’autres divinités moins considérables, qui résident, comme ils le croyent, dans les eaux, courantes & dans les fontaines. Soigneux à leur immoler des victimes de toute espece, ils regardent l’homme comme la plus excellente de toutes les victimes. Aussi le premier prisonnier qu’ils font à la guerre est-il immolé à Mars, qui passe chez eux pour le plus grand des dieux ».

La théologie des scytes & des Celtes ne différoit donc point, au moins à cet égard, de celle des chinois, qui reconnoissant un dieu suprême, assignent encore à chaque être corporel une intelligence particulière, qu’ils appellent l’esprit de la montagne, l’esprit du fleuve, &c. Je n’oserois assurer, comme quelques uns l’ont fait, que Pythagore eut pris des Celtes la plus grande partie de sa philosophie, & en particulier, la doctrine des élémens, ou des esprits. Il est vrai que ce Philosophe avoit fait un voyage en Thrace. L’historien Hermippus avoit même remarqué, au rapport de Josephe,[7] que Pythagore avoit suivi en plusieurs choses le sentiment des thraces. On sçait d’ailleurs que ce Philosophe passa les dernières années de sa vie dans la grande Grece, c’est-à-dire, dans le royaume de Naples. Il n’est pas impossible, par conséquent, qu’il ait connu la théologie des samnites, & des autres peuples Celtes, qui demeuroient dans le voisinage de Crotone & d’Alexandrie. Il porte[8] que son maître avoit entendu les Gaulois. Mais Pythagore avoit aussi parcouru l’Égypte, la Phénicie, & l’Assyrien. On voit même assez clairement dans ce que les anciens rapportent de ses dogmes, qu’il en avoit emprunté une bonne partie, des Chaldéens, des mages & des prêtres égyptiens.

Il faut avouer cependant que la théologie de Pythagore approchoit par rapport à plusieurs articles, de celle des Celtes. Je le prouverai dans la suite. Il suffira de remarquer ici que ce philosophe regardoit la divinité comme l’ame du monde.[9] Il appelloient dieu, l’esprit qui est

  1. ’’Servius ad Georgic’’. 1. vs. 30. p. 64. Bochart. Canaan. lib. 1 cap. 40. p. 726.
  2. Strabo, lib. 1. p. 63. lib. 4. p. 101.
  3. Procop. Gotth. lib. 2. cap. 15. p. 423.
  4. Procop. ubi sup.
  5. In præsat. ad Procop.
  6. Thulitæ complures Deos ac genios colunt, aëreos, terrestres, marinos, & alia minora dæmonia, quæ in aquis fontium & fiunnimum versari dicuntur. Mactant assidue victimas omnis generis, iisque litant. Præstantissuna victimarum apud illos homo est ; quem primum bello ceperint, hunc immolant Marti, quem Deorum maximum reputant. Sic autem sacrificant, ut captivum non mactent cæde simplici, sed e ligno suspendant, vel projiciant in spinas, & quovis alio mortis genere miserando conficiant. Procop. Gotth. lib. 2. cap. 15. p. 424.
  7. Hæc autem agebat, atque dicebat, judærum & Thracum opiniones imitatus. Joseph. cont. App. lib. 1. 22. p.1345. Edit. Hudson.
  8. Alexander in libro de symbolis Pythagoricis, vuit Pythagoram Gallos audivisse. Clem. Alex. Strom. lib. 1. c. 15. p. 358.
  9. {{lang|la|Pythagoras censuit deum animum esse per naturam rerum omnem intentum & commeantem, ex quo nostri animi carperentur. Cicero de Nat. Deor. lib. 1. c. 27.

    Pythagoræ deus est, animus per universam rerum naturam commeans & intentus, ex quo etiam ani-