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AIR
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après quatre heures & un quart, il fut ſuffoqué. Ce chardonneret étant retiré, un ſecond fut auſſitôt introduit par le même moyen. Il y fut ſuffoqué en deux minutes, &, dès le commencement, la reſpiration fut cruellement laborieuſe, quoique quelques bulles d’air ſe fuſſent introduites dans le récipient, lors du paſſage de la cage. Un troiſième chardonneret n’y vécut qu’une minute, & le quatrième y périt dans une ſeconde. D’autres oiſeaux furent introduits dans cet air vicié, & ſur-le-champ ils furent attaqués de convulſions violentes, de vomiſſement, d’aſſoupiſſement profond. L’eau, après les quatre premières heures, n’a plus paru s’élever ſenſiblement. On verſa enſuite une partie de cette eau, de manière que, l’air étant moins condenſé dans le récipient, l’eau revint à ſon premier niveau. Un nouveau chardonneret fut introduit, & il n’y vécut pas une minute.

On a obſervé que la durée de la vie des animaux ainſi renfermés dans l’air vicié, eſt en raiſon directe du volume de l’air, & inverſe du nombre des animaux renfermés. M. Verati, qui a fait cette obſervation, aſſure cependant avoir remarqué une différence dans les grenouilles ; elles ne périſſent pas plus tôt, quel que ſoit le nombre employé à ces expériences. La reſpiration de ces animaux ne paroît point être laborieuſe, quoiqu’ils vicient l’air & y périſſent comme les autres animaux renfermés.

M. Cigna, ayant déſiré de nouvelles connoiſſances ſur cet objet, fit des expériences intéreſſantes. Pour s’aſſurer d’abord ſi les grenouilles périſſoient faute de reſpiration, il voulut s’aſſurer ſi elles pouvoient vivre dans l’eau, ſans remonter ſouvent à la ſurface pour y reſpirer comme le ſemble indiquer leur manière de vivre. Pour cet effet, il les retint, au moyen d’un lien, au fond d’un vaſe plein d’eau. Au bout d’une heure, elles parurent mortes & flotter comme des cadavres, ſans donner aucun ſigne de mouvement ; mais il apperçut, en les obſervant attentivement pendant huit ou dix minutes, qu’elles avoient, même ſous les eaux, un mouvement ſemblable à celui de la reſpiration ; qu’elles faiſoient enſuite des efforts pour ſe débarraſſer de leurs liens, & qu’enfin elles paroiſſoient mortes de nouveau pendant huit ou dix minutes. « Cinq heures après, n’apercevant plus, dit-il, aucun des mouvemens dont je viens de parler, j’en retirai une ; mais, croyant avoir vu les mêmes mouvemens dans les autres, j’attendis encore une heure avant d’en retirer une ſeconde : enfin, ſept heures après, ne voyant plus aucun mouvement, je retirai les trois dernières grenouilles. Elles furent ſucceſſivement placées dans des endroits différens. Les deux grenouilles retirées de l’eau après la cinquième & ſixième heure, commencèrent à donner ſigne de vie ; & les trois autres, qui avoient reſté ſous l’eau pendant ſept, n’ont jamais pu être rappelées à la vie, même avec les ſecours de l’art : ces expériences furent faites au mois de ſeptembre ; la liqueur du thermomètre, échelle de Réaumur, étoit au quinzième degré au-deſſus de zéro. Cette obſervation eſt eſſentielle, relativement à d’autres expériences ſuivant leſquelles des grenouilles ont reſté ſous l’eau pendant plus de ſix jours. Il peut très-bien arriver, ſuivant la remarque de M. Haller, que les grenouilles & pluſieurs autres animaux engourdis par le froid, vivent pendant long-temps ſans reſpirer. »

À préſent nous allons rapporter les différens phénomènes obſervés ſur les grenouilles renfermées dans l’air. Une grenouille fut placée dans un vaſe capable de contenir deux onces d’eau ; la ſeconde dans un vaſe du double de capacité ; la troiſième dans un vaſe trois fois plus grand que le premier, & la quatrième fut laiſſée à l’air libre. Le thermomètre de Réaumur étoit alors au 20e degré. Toutes les grenouilles, après 48 heures, étoient pleines de vie ; mais, après 60 heures, elles furent réellement mortes, & il ne fut plus poſſible de les rappeler à la vie. Aucun ſigne de reſpiration gênée ne ſe manifeſta avant leur mort.

Comme M. Cigna avoit obſervé que les grenouilles périſſoient à-peu-près dans le même temps, & dans l’air libre, & dans l’air renfermé, il ſoupçonna que leur mort devoit être attribuée à une autre cauſe, par exemple, au manque d’eau, puiſqu’il eſt prouvé que des grenouilles vivent des ſemaines & des mois entiers dans de l’eau très-pure, ſans autre aliment. Cet habile phyſicien crut donc devoir renfermer les grenouilles dans l’air, & avec de l’eau, afin de pouvoir connoître ſûrement juſqu’à quel point le vice d’un air renfermé contribuoit à leur mort, après en avoir retranché toute autre cauſe. Pour cela il renferma une grenouille dans un vaiſſeau de verre, plein d’eau ; trois autres furent miſes dans des vaiſſeaux ſemblables. L’eſpace occupé par l’air au-deſſus de l’eau, auroit pu, dans l’un & l’autre vaiſſeau, contenir encore vingt onces de ce liquide. Une autre grenouille fut renfermée avec le même volume d’air ſans eau ; enfin, la quatrième laiſſée à l’air libre. Le thermomètre de M. de Réaumur étoit alors au quinzième degré au-deſſus de zéro. Après quinze heures, ces grenouilles étoient pleines de vie ; mais au bout de vingt heures, les trois renfermées dans l’eau étoient mortes, & ne donnèrent aucun ſigne de vie, après que le vaſe fut ouvert ; celle, au contraire, qui avoit été placée toute ſeule & dans l’eau, vivoit encore après cinquante-cinq heures ; mais elle mourut à la 63e : celle qui étoit renfermée dans l’air & ſans eau, vivoit à la 26e, & mourut à la 28e ; l’air extérieur lui fut alors rendu inutilement ; enfin, celle qui avoit été laiſſée en plein air, vivoit encore le cinquième jour ; ſon état étoit celui de langueur.