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AIR

Ces mêmes expériences furent répétées avec les mêmes ſoins & très-exactement. Il en réſulta que de trois grenouilles, renfermées enſemble dans l’eau, l’une ne vécut que 20 heures, l’autre 30, & la dernière 35. De ſorte que la durée de la vie de chacune, additionnée, ne paſſoit pas 85 heures. La grenouille renfermée toute ſeule dans l’eau parut morte après 75 heures, & le vaſe ayant été découvert, elle revint à la vie. Celle qui étoit renfermée ſans eau, périt dans l’eſpace de 24 heures ; & celle qui avoit été laiſſée en plein air, vivoit encore le dixième jour. Les grenouilles renfermées avec de l’eau, ſe précipitoient auſſitôt au fond du vaſe, & remontoient ſeulement & de temps en temps à la ſurface du fluide, pour reſpirer ; peu-à-peu elles y venoient plus fréquemment, & à la fin elles nageoient & reſpiroient continuellement. Leur reſpiration étoit dans le commencement petite & fréquente, enſuite fréquente, forte & laborieuſe ; enfin, lorſque ces animaux approchoient de leur fin, ils ne pouvoient preſque plus ſurnager l’eau, leur tête s’enfonçoit la première ; ils revenoient de temps en temps vers la ſurface, y reſpiroient alors avec force, & étoient agités de violentes convulſions. Les grenouilles, au contraire, renfermées ſans eau, n’éprouvèrent aucune convulſion, & leur reſpiration ne paroiſſoit pas ſenſiblement gênée.

Il paroît réſulter de ces expériences, que les grenouilles renfermées dans l’eau, ne vivent que relativement à la quantité d’air contenu dans l’étendue du vaiſſeau ; qu’elles y périſſent comme les autres animaux, par la difficulté de reſpirer. La preuve la plus ſenſible de la juſteſſe de ces concluſions, eſt que ſi dans le moment où elles ſont tourmentées par les convulſions ou ſur le point d’expirer, on leur donne un air nouveau, elles reviennent ſur le champ, on peut voir dans les mémoires de l’académie de Turin d’autres expériences du même auteur. Quoiqu’en général on rencontre ſouvent des anomalies qui dépendent ou d’une conſtitution particulière des animaux, ou d’autres cauſes particulières, cependant il eſt conſtamment vrai que la reſpiration vicie l’air, & qu’il devient impropre à être reſpiré de nouveau ; & que cette altération dépend principalement de l’abſorption ou conſommation de la portion reſpirable de l’air à laquelle on a donné le nom d’air vital, de gaz oxygène.

L’obſervation prouve encore que les plantes renfermées dans un air qui ne ſe renouvelle pas, le vicient par les émanations qui s’en échappent, de telle ſorte que ces plantes languiſſent bientôt, périſſent enſuite ; & que de nouvelles plantes qu’on introduit, périſſent tout-à-coup, ſelon M. Cigna.

La pureté de l’air eſt ſi néceſſaire pour tous les animaux, que les poiſſons même périſſent, lorſqu’ils ſont expoſés à un air méphitique quoiqu’ils ſoient dans l’eau. Si on met un vaſe d’eau contenant des poiſſons ſous un récipient rempli de gaz fixe, de gaz inflammable ou de tout autre gaz méphitique, on les voit bientôt s’agiter d’une manière inſolite, être dans un état de ſouffrance & d’une violente inquiétude & mourir enſuite dans un temps plus ou moins court ſelon la force & la quantité des gaz, ſelon la nature du poiſſon, & ſuivant d’autres circonſtances. Pluſieurs faits naturels confirment cette vérité, nous en choiſiſſons un récent.

On ſait que l’hiver de 1788 à 1789 a été remarquable ſoit par l’intenſité du froid qui s’eſt fait ſentir dans l’Europe entière, ſoit par l’énorme quantité de neige dont la terre a été couverte, ſoit par les animaux & les végétaux. Or, on a remarqué dans cet hiver que, quoiqu’on n’ait pas perdu de poiſſon dans les étangs profonds dont on caſſoit la glace en quelques endroits, & dans leſquels il ſe trouvoit des ſources ; cependant les étangs dont le terrain étoit vaſeux & marécageux, ont été funeſtes aux poiſſons, parce que l’air méphitique qui s’exhaloit de cette vaſe, ne trouvant point d’iſſue, a corrompu l’air de ces étangs, ſuivant la remarque du P. Cotte, & fait périr le poiſſon.

Puiſque l’air eſt ſi néceſſaire aux animaux & qu’il peut être vicié, il eſt donc indiſpenſable de pouvoir connoître ſa ſalubrité & le degré de ſalubrité qu’il peut avoir, c’eſt ce dont on vient à bout par le ſecours de ces inſtrumens qu’on nomme Eudiomètres. Voyez Eudiomètre & Salubrité. Ce genre d’appareils appartient à la phyſique moderne, & ſuppoſe la connoiſſance de la doctrine des gaz qu’il eſt néceſſaire de connoître avant que de traiter des Eudiomètres & de la manière de s’en ſervir.

Lorſqu’on s’eſt aſſuré par le moyen des eudiomètres que l’air dans un endroit particulier, comme dans des appartemens, dans des hôpitaux, dans des priſons, dans des ſalles de ſpectacle, &c. eſt vicié & corrompu, on a recours aux divers moyens qui ont été imaginés pour purifier & renouveller la maſſe d’air qui y eſt contenue. Voyez Renouvellement de l’air, Ventouses, Soufflets, Ventilateur, Respirateur.

Pour connoître ſi une eſpèce d’air eſt mortelle, on ſe ſert ordinairement de l’épreuve d’une bougie allumée. Si elle s’éteint, on conclut communément que cet air eſt pernicieux, mais ſi elle y brûle, il faut examiner, ſi elle y brûle ſombrement ou non, car dans ce premier cas, il ſeroit encore vicieux & funeſte aux animaux. M. Sage, dans un mémoire intitulé : examen du tartre manganéſé fulminant, ou muriate de potaſſe oxigéné, parle d’un gaz retiré de la maganèſe & de l’acide marin où la bougie ne s’éteint point, mais brûle ſombrement. Il frappe auſſitôt de mort les animaux ; ſi on plonge une grenouille dans ſon atmoſphère, elle y perd auſſitôt la vie, & en ſort, toute blanche. J’aurois pu rapporter d’autres faits analogues, mais celui-là, m’a paru auſſi curieux que déciſif.