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AIR
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Afin que l’air ſoit très-propre à la reſpiration, il doit avoir pluſieurs qualités. Il ne doit pas être trop ſec, autrement il deſſécheroit trop le poumon : auſſi les perſonnes dont la poitrine eſt délicate, ſouffrent-elles dans des lieux où l’air n’a pas aſſez d’humidité ; & on doit leur conſeiller d’habiter les endroits où coulent des rivières. Mais l’air d’une habitation ne doit pas être trop humide, parce que, dans ce cas, il ne pourroit ſe ſaiſir & emporter la portion ſurabondante de l’humidité des poumons dont il doit ſe charger. L’air qu’on reſpire ne doit être ni trop chaud, ni trop froid, ni trop raréfié, ni trop condenſé. Un air qui a un juſte degré de température, eſt bien préférable à celui qui approcheroit d’un des deux extrêmes, & il n’eſt perſonne qui ne ſoit perſuadé qu’un air trop échauffé ou trop refroidi, eſt nuiſible. Les perſonnes dont la poitrine eſt affectée l’éprouvent journellement dans le fort de l’été ou dans celui de l’hiver. Un air trop condenſé comprime plus qu’il ne faut les véſicules bronchiques, & les vaiſſeaux ſanguins. Si au contraire l’air qu’on reſpire eſt trop raréfié, celui qui eſt contenu dans les poumons acquiert alors plus d’expanſion : de là, des diſtenſions nuiſibles & des ruptures de pluſieurs petits vaiſſeaux capillaires, lorſque la raréfaction eſt portée trop loin. Ainſi, dans le fond des mines ou ſur le ſommet des montagnes, on ſouffre également & par trop de condenſation, & par trop de raréfaction dans l’air, ainſi que l’expérience le prouve. La théorie eſt ici parfaitement d’accord dans tous ces points avec l’expérience, puiſque celle-ci démontre que les poitrines ſont plus ou moins affectées par un excès d’humidité ou de ſiccité, de froid ou de chaud, de condenſation ou de raréfaction, de peſanteur ou de légèreté, &c. &c., comme la théorie l’indique. Des températures plus chaudes ou plus froides qu’on n’a coutume de l’éprouver ; un air plus humide ou plus ſec que d’ordinaire &c. &c. ſont ſouvent cauſes de maladies épidémiques qui ne ceſſent que lorſque l’air d’un pays a recouvré ſes qualités ordinaires. Je vais apporter ici en preuve pluſieurs obſervations.

L’air ſec eſt plus ſain que l’air humide ; le premier eſt moins mêlé avec les émanations des corps qui y tranſpirent, c’eſt pourquoi Celſe appelle la ſéchereſſe de l’air, la ſérénité du temps. L’air humide, au contraire, eſt plus chargé de différentes matières élevées dans l’air avec les matières aqueuſes, ce qui le rend plus ſuſceptible de corruption ; c’eſt pourquoi l’humidité de l’air produit un plus grand nombre de maladies, mais celles qui viennent de la ſéchereſſe ſont plus vives, ſelon les obſervations de M. Malouin. L’humidité fait les maladies plus longues, en affoibliſſant les fibres par relâchement, & elle peut produire toutes les maladies qui viennent de cacochymie ; elle fait auſſi des catarres, des bouffiſſures & des hydropiſies. Les maladies que cauſe la ſéchereſſe ſont la mélancolie, la conſomption, la pulmonie, des éréſipèles & des inflammations bilieuſes, ſur-tout des ophtalmies ſèches. mem. de l’académie des ſc. 1749.

L’humidité qui eſt dans l’air, plus abondamment dans certaines contrées que dans d’autres, & ſur mer que ſur terre, produit ou occaſionne des maladies qu’on ne peut guérir, ou dont on ne peut ſe préſerver qu’en détruiſant le principe du mal. Si le capitaine Cook eſt venu à bout de conſerver tous les gens de ſon équipage, durant de longues navigations, autour du monde, qui ont duré pluſieurs années, c’eſt en grande partie aux ſoins de faire ſécher les habits & les appartemens du vaiſſeau, qu’il faut l’attribuer. Voici ce qu’il dit dans ſon ſecond voyage (page 68.) « Pour conſerver notre ſanté, & d’après quelques idées que m’avoient ſuggérées Sir Hugh Palliſer & le capitaine Campbell, je pris toutes les précautions néceſſaires, en faiſant aérer & ſécher le vaiſſeau, en allumant des feux entre les ponts, en fumant l’intérieur, & obligeant les équipages d’expoſer à l’air leurs lits, de laver & ſécher leurs habits, quand on en trouvoit l’occaſion. Si on néglige ſes précautions, le vaiſſeau exhale une odeur déſagréable, l’air ſe corrompt, & on manque rarement d’avoir des maladies, ſur-tout dans les temps chauds & humides. »

Lors donc que les différens degrés de reſſort & de peſanteur de l’air intérieur & extérieur, de chaleur & d’humidité, &c., ne ſont pas proportionnés entr’eux, ou qu’ils ne ſont pas tels qu’ils doivent être dans chaque ſaiſon, les animaux & même les végétaux auxquels l’air eſt ſi néceſſaire, en ſont plus ou moins affectés : ces variations ſont donc capables de produire diverſes maladies, & ſur-tout des maladies communes dans certains temps, & qu’on nomme épidémiques & populaires, comme on en voit dans certains pays qui leur ſont propres & qu’on appelle endémiques.

Il ſeroit donc à-propos qu’on apportât plus d’attention qu’on ne le fait communément dans le choix des habitations, ſur-tout dans les campagnes ; & qu’on examinât les circonſtances locales, & les qualités de l’air qu’on ſe propoſe d’habiter. Combien de fautes de ce genre n’ont pas fait diverſes perſonnes, libres de conſtruire des édifices dans un lieu plutôt que dans un autre ? combien n’en ont pas fait les adminiſtrations de provinces & d’états, en fondant des villes, ſur-tout dans les colonies, &c ? Il ſeroit à ſouhaiter qu’on penſât également à rendre plus ſalubre l’air des lieux habités, en détruiſant tant de cauſes, ſans ceſſe renaiſſantes, qui vicient cet air & qui détruiſent ordinairement ſes qualités, dans ces gouffres habités qu’on décore du nom de villes, & où des millions d’hommes vont ſe précipiter.

Ces conſidérations diverſes ſont d’autant plus importantes, que, quelque pur que ſoit l’air d’une contrée, il deviendra bientôt vicié uniquement par