Page:Encyclopédie méthodique - Physique, T1.djvu/17

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
ABE
3

fixes. Voici une idée de ſon explication, d’après l’hiſtorien de l’académie.

Qu’on imagine des files de petits corps allant par des directions parallèles entr’elles, comme, par exemple, une pluie ſans aucun vent & tombant perpendiculairement à l’horiſon ; qu’on expoſe à cette pluie un tuyau droit immobile & placé dans la même ſituation verticale ; il eſt évident que la goutte d’eau qui entre par ſon orifice ſupérieur, ſortira par l’orifice inférieur, ſans avoir, en aucune façon, touché les parties intérieures du tuyau. Mais ſi on fait mouvoir le tuyau parallèlement à lui-même, quoique ſa ſituation reſte toujours parallèle à la direction des gouttes de pluie, il arrivera néceſſairement que le mouvement du tuyau leur fera rencontrer l’une de ſes parois d’autant plutôt, que le mouvement des gouttes ſera plus lent relativement à celui du tuyau ; & il eſt aiſé de démontrer que ſi l’un & l’autre mouvement étoient égaux, la goutte de pluie qui tomberoit au centre de l’ouverture ſupérieure du tuyau rencontreroit la paroi intérieure, après avoir ſeulement parcouru une longueur égale au demi-diamètre du tuyau, & que ſa direction feroit par conſéquent, avec l’axe de ce tuyau, un angle de 45 dégrés ; d’où il ſuit que ſi l’on vouloit que les gouttes d’eau ne ſe touchaſſent point malgré ſon mouvement, il faudroit l’incliner de 45 dégrés dans le ſens de ce mouvement, & que s’il ſe faiſoit dans la circonférence d’un cercle, le tuyau décriroit autour de la ligne verticale qui paſſeroit par le centre de ſa baſe, un cône dont l’angle ſeroit de 90 dégrés.

Ce qu’on vient de dire a dû faire voir que le changement d’inclinaiſon qu’il faut faire ſubir au tuyau, pour que, malgré ſon mouvement, les gouttes de pluie ne touchent point les parois intérieures, dépend abſolument de la proportion qu’il y aura entre la viteſſe de ce mouvement & celle des gouttes de pluie, & que plus cette dernière ſera grande, relativement à l’autre, moins il faudra incliner le tuyau, enſorte que ſi elle devenoit infinie à ſon égard, il n’y auroit plus aucun changement à faire, puiſque la goutte ſeroit auſſi-tôt arrivée en bas qu’entrée par le haut ; & que le tuyau n’auroit pu avancer pendant ce temps que d’une quantité infiniment petite.

En appliquant cette théorie à l’aberration des étoiles, il ne ſera pas difficile de reconnoître que les files des gouttes de pluie ſont les rayons venant des étoiles ; que le tuyau qu’on a d’abord ſuppoſé en repos & enſuite en mouvement, eſt celui de la lunette de l’inſtrument qui ſert à déterminer la poſition des étoiles, & qui eſt toujours emporté par le mouvement de la terre autour du ſoleil, & qu’enfin la viteſſe du mouvement de la lumière, ayant un rapport avec celle du mouvement de la terre, le tuyau doit changer d’inclinaiſon, à meſure que ce mouvement change de direction ; d’où il ſuit que chaque étoile doit avoir une ſuite de poſitions différentes, ou, ce qui revient au même, un mouvement apparent dans le ciel qui lui faſſe décrire, dans l’eſpace d’un an, ſelon ſa poſition, des ellipſes plus ou moins allongées.

Telle eſt la belle théorie de l’aberration que Bradley publia en 1727, & qui fut reçue de tout le monde ſavant, avec les juſtes applaudiſſemens qu’elle méritoit. M. Clairaut en fit depuis le ſujet d’un excellent mémoire imprimé en 1737, dans lequel il examine à fond la théorie de l’aberration, & donne les règles néceſſaires pour l’appliquer à la pratique. Il réſulte de ſon calcul, que la viteſſe que les aberrations obſervées des étoiles obligent de donner à la lumière, eſt abſolument la même que celle que lui avoit attribuée l’ingénieuſe explication que Roëmer avoit donnée du retardement des éclipſes du premier ſatellite de Jupiter : nouvelle preuve de l’hypothèſe, ſi elle avoit beſoin d’être prouvée. Ainſi l’aberration des fixes eſt un changement apparent qu’on obſerve dans la ſituation des étoiles, par lequel elles ſemblent éloignées quelquefois de 20 ſecondes du point réel où elles ſe trouvent ; changement qui dépend, comme on l’a dit, du mouvement annuel de la terre combiné avec le mouvement ſucceſſif de la lumière.

M. Clairaut a donné à l’académie un travail précieux ſur l’aberration des étoiles, ainſi qu’on vient de le dire ; nonſeulement il éclaira cette théorie, mais il calcula cette aberration & en donna des tables. Quelques années après, une autre branche de cette même théorie, à laquelle on n’avoit pas penſé, fut créé entre ſes mains ; c’étoit l’aberration des planètes, d’autant plus compliquée, qu’il y faut faire entrer leur mouvement & ſes inégalités, & leur poſition à l’égard du ſoleil & de la terre. La théorie de l’aberration des fixes fut bientôt après ſuivie d’un mémoire dans lequel il enſeigne à les dépouiller de l’effet de cette inégalité, pour voir ſi on ne pourroit pas leur découvrir une parallaxe. Voyez les mémoires de l’académie des ſciences.

Aberration. Optique. L’aberration en optique, eſt l’eſpèce de diſperſion ou d’incoïncidence qu’éprouvent les rayons de lumière qui ont été réfractés en paſſant par divers milieux, principalement de l’air dans le verre. Ce qui regarde cet objet eſt de la plus grande importance, relativement à la perfection des lunettes ; car ſi, par différentes cauſes, les rayons de lumière ne ſe réuniſſent pas au même point, mais en pluſieurs, il y aura néceſſairement une confuſion dans les images repréſentées. On diſtingue deux ſortes d’aberration, ſavoir, l’aberration de ſphéricité, & l’aberration de réfrangibilité.

L’aberration de ſphéricité dépend de la forme ſphérique des verres qu’on emploie ordinairement. L’expérience prouve que les rayons de lumière qui ont paſſé par des ſurfaces réfringentes, dont la courbure eſt ſphérique, comme les verres lenticulaires des lunettes, ne ſe réuniſſent pas en un point, mais dans un petit eſpace circulaire qui a d’autant plus d’étendue, que la ſurface ſphérique qui reçoit les rayons incidens, eſt plus grande. Il n’y a que les rayons qui traverſent une même