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circonférence concentrique à l’axe, qui ſe réuniſſent à un point de l’axe ; ceux qui paſſent par une circonférence plus grande, concourent auſſi à un même point de l’axe ; mais ce ſecond point diffère de celui auquel ſe ſont réunis les rayons admis par la première circonférence, & ce ſecond point eſt plus proche de la ſurface réfringente. C’eſt cette différence de points, de concours à l’axe, qu’on a nommé aberration de ſphéricité.

La courbure ſphérique n’étant donc point propre à réunir & à faire converger dans le plus petit eſpace poſſible, les rayons de la lumière qui partoient divergens de chaque point d’un objet, on chercha d’autres eſpèces de convexités plus propres à opérer cette coïncidence parfaite. Deſcartes s’en occupa beaucoup ; Newton fit à ce ſujet des recherches, ainſi que d’autres géomètres. On trouva que la courbure parabolique ou hyperbolique, étoit plus propre à faire concourir les rayons dans un petit eſpace, que la courbure ſphérique ; mais la difficulté de donner aux verres des formes paraboliques ou hyperboliques, ne permit pas aux artiſtes d’exécuter ce que la théorie enſeignoit. Newton découvrit enſuite un nouvel obſtacle qui l’écartoit encore davantage du but, & qu’on ne réuniroit pas parfaitement les rayons de la lumière, quand même le corps réfringent ſeroit taillé de la manière la plus convenable pour cet effet. Ce nouvel obſtacle étoit une autre eſpèce d’aberration, celle qu’on a nommée aberration de réfrangibilité, & cette dernière eſt bien plus oppoſée à la perfection des lunettes que la première ; car elles ſont dans le rapport de 1 à 5 449. Auſſi Newton crut-il devoir abandonner le projet de perfectionner les téleſcopes à réfraction, & ſe tourner du côté de ceux qui étoient compoſés de miroirs. Mais à l’article lunettes achromatiques, nous montrerons les moyens de remédier à l’erreur qui naît de l’aberration de réfrangibilité.

Aberration de réfrangibilité, c’eſt celle qui vient de la différence de réfrangibilité des rayons de lumière. Je m’apperçus, dit Newton, que ce qui avoit empêché qu’on ne perfectionnât les téleſcopes, n’étoit pas, comme on l’avoit cru, le défaut de la figure des verres, mais plutôt le mélange hétérogène des rayons, différemment réfrangibles. Puiſque ces rayons n’ont pas tous un égal degré de réfrangibilité ; c’eſt-à-dire, qu’en paſſant d’un milieu dans un autre de denſité différente, ils ſe plient les uns plus, les autres moins ; il s’enſuit néceſſairement que lorſqu’on les fait tomber ſur un verre lenticulaire, ces rayons ne rencontrent pas tous l’axe à la même diſtance, mais les uns plus près, & les autres plus loin, & forment ainſi autant de foyers & de peintures de l’objet, qu’il y a de couleurs. L’œil n’aperçoit ordinairement que la plus vive ; mais comme ces images ne ſont pas égales, celles qui ſont les plus grandes forment autour de celle-ci une couronne colorée qu’on nomme la couronne d’aberration. Cette aberration eſt donc produite uniquement par la différence de réfrangibilité des rayons de lumière, & très-diſtincte de celle qui eſt due au défaut de réunion des rayons, cauſée par la ſphéricité du verre.

L’erreur qui vient de l’aberration de réfrangibilité eſt très-conſidérable ; car Newton, dans ſon expérience d’un quarré de carton, peint par moitié en bleu & en rouge, avec un fil de ſoie noire entortillé, éclairé dans l’obſcurité par la lumière d’une groſſe bougie ; Newton a obſervé, en employant une lentille de 4 pouces & demi de diamètre, & de 3 pieds de foyer, placée à 6 pieds de diſtance du carton, que de l’autre côté de la lentille, les images diſtinctes de la moitié rouge & de la moitié bleue du carton, différoient d’un pouce & demi. Cette différence a été trouvée bien plus grande dans une expérience analogue à celle-ci, & faite avec la loupe à eſprit-de-vin de M. Trudaine. Les rayons rouges ſe réuniſſoient à 10 pieds 3 pouces 11 demi-lignes du centre de la loupe ; & les bleus à 9 pieds 7 pouces 10 demi-lignes ; les rayons violets coïncidoient à 9 pieds 6 pouces 4½ lignes du centre de la lentille. Mém. de l’acad. 1774. pag. 67, Voyez l’article Lunettes achromatiques.

Pour rendre plus intelligible ce que nous avons dit de l’aberration de ſphéricité & de celle de réfrangibilité, nous n’avons ſuppoſé, dans chacune de ces eſpèces, qu’une ſorte d’aberration, tandis qu’on peut en diſtinguer deux ſortes.

L’aberration de ſphéricité produit néceſſairement deux effets : premièrement, quelques-uns des rayons qui ſe rompent le moins, vont ſe réunir ſur l’axe au-delà du point où ſe forme l’image la plus vive, & le foyer qui devoit n’être qu’un point, devient une ligne, & c’eſt ce qu’on appelle l’aberration en longueur. Secondement, les images d’un même point de l’objet, ſe réuniſſant à des points différents, les différentes images de l’objet qui ſeront plus grandes que la plus vive, formeront, autour d’elle, une eſpèce de bordure ou de couronne qui empêche qu’elle ne paroiſſe tranchée, & c’eſt ce qu’on appelle aberration en largeur ; la première altère la longueur du foyer, & la ſeconde, le diamètre & la netteté de l’image.

Ce qu’on vient de dire de l’aberration de ſphéricité doit s’étendre, à plus forte raiſon, de celle de réfrangibilité ; les rayons les moins réfrangibles iront ſe réunir plus loin que les autres, & formeront auſſi une aberration en longueur & en largeur ; celle-ci eſt non-ſeulement plus grande que la première, mais elle produit encore un autre inconvénient plus fâcheux ; toutes les images ſéparées que produit l’aberration de réfraction ſont différemment colorées, & celles qui ſont plus grandes que l’image la plus vive, l’entourent non-ſeulement d’une eſpèce de nuage, mais encore d’une couronne colorée : ce ſont ces deux aberrations, & particulièrement la dernière, qu’il eſt queſtion de détruire pour former des objectifs auxquels on puiſſe donner une très-grande ou-