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ANN

au dictionnaire de mathématique de L’Encyclopédie, & ſur-tout à l’effai ſur les phénomènes relatifs aux diſparitions périodiques de l’anneau de ſaturne, par M. du Séjour.

Les phyſiciens & les aſtronomes ont imaginé diverſes hypothèſes ſur la formation de l’anneau de ſaturne. M. de Maupertuis, dans son ouvrage de la figure des aſtres, penſe que lorſque les comètes retournent de leur périhélie, on les voit traîner de longues queues qui, vraiſemblablement, ſont des torrens immenſes de vapeurs que l’ardeur du ſoleil a fait élever de leur corps. Si une comète dans cet état, paſſe auprès de quelque puiſſante planète, la peſanteur vers la planète pourra détourner ce torrent, & le déterminer à circuler autour d’elle, ſuivant quelque ellipſe ou quelque cercle, & la comète fourniſſant toujours de nouvelle matière, ou celle qui étoit déjà répandue étant ſuffiſante, il s’en formera un cours continu, ou une eſpèce d’anneau autour de la planète ; le corps même de la comète pourra être entraîné par l’aſtre & forcé de circuler autour de lui. Ces anneaux doivent, ſelon ce ſavant, ſe former plutôt autour des groſſes planètes que des petites puiſqu’ils ſont l’effet de la peſanteur plus forte vers les groſſes planètes que vers les petites : ils doivent auſſi ſe former plutôt autour des planètes les plus éloignées du ſoleil, qu’autour de celles qui en ſont les plus proches, puiſque dans ces lieux éloignés, la viteſſe des comètes ſe ralentit, & permet à la planète d’exercer ſon action plus long-temps & avec plus d’effet ſur le torrent.

L’opinion de M. de Mairan eſt que ſaturne a été originairement un globe beaucoup plus conſidérable qu’il ne l’eſt aujourd’hui, & que l’anneau eſt l’équateur de l’ancienne planète, réduite à un plus petit volume. M. de Buffon croyoit auſſi que l’anneau de ſaturne faiſoit autrefois partie de la planète, & qu’il s’en étoit détaché par l’excès de la force centrifuge,

Le ſentiment de M. Caſſini étoit que l’anneau de ſaturne n’étoit qu’un aſſemblage de ſatellites ſi multipliés & ſi proches les uns des autres, qu’on ne pouvoit apercevoir d’intervalle entr’eux.

On peut imaginer d’autres opinions de ce genre ; mais on n’en ſeroit pas plus avancé, puiſque ce ne ſeroit qu’une multitude de conjectures qui ne feroient faire aucun pas à la ſcience : il vaut mieux commencer par avouer ſon ignorance en ce genre.

M. de la Place a donné dans les mémoires de l’académie des ſciences pour l’année 1787, une théorie de l’anneau de ſaturne ; il ſuppoſe que toutes ſes parties doivent être en équilibre ; car il eſt contre toute vraiſemblance de ſuppoſer que l’anneau ſe ſoutient comme un pont & par l’adhérence de ſes molécules ; il paroît d’ailleurs qu’il y a pluſieurs anneaux ſéparés. Cet habile géomètre y prouve que ce doivent être des ſolides irréguliers d’une largeur inégale dans les divers points de leur circonférence ; enſorte que leurs centres de gravité ne coïncident point avec leurs centres de figure : ces centres de gravité peuvent être conſidérés comme autant de ſatellites qui ſe meuvent autour du centre de ſaturne, à des diſtances dépendantes de l’inégalité des parties de chaque anneau, & avec des vîteſſes de rotation égales à celles de leurs anneaux reſpectifs. Voyez le mot Saturne.

On a obſervé des points lumineux diſposés ſur les anſes de l’anneau de ſaturne ; on préſume qu’ils ſont adhérens à l’anneau de ſaturne. Pluſieurs obſervateurs ſont d’accord ſur l’exiſtence de ces points lumineux ; tels que MM. Meſſier, Bailly, Caſſini, Tofino, Varella, &c. Voyez le mot Points lumineux de l’anneau de ſaturne.

Rotation de l’anneau de ſaturne. M. Herſchel, ſi célèbre par un grand nombre de découvertes aſtronomiques qu’il a faites à l’aide des étonnans téleſcopes qu’il a lui-même conſtruits avec une patience & une dextérité juſqu’à lui inconnue, M. Herſchel avoit aperçu dans l’anneau de ſaturne, un point brillant qu’il avoit d’abord pris pour un huitième ſatellite ; mais il a reconnu que ce point appartenoit à l’anneau lui-même ; & en l’examinant attentivement, il s’eſt aſſuré que l’anneau entier avoit un mouvement de rotation dont il a déterminé la durée de dix heures trente-deux minutes & quinze ſecondes.

Cette obſervation curieuſe donne une confirmation bien ſatisfaiſante de la théorie par laquelle M. de la Place avoit déterminé les forces néceſſaires pour entretenir cet anneau à la diſtance où il ſe trouve ; car il en avoit conclu dans ſes mémoires de l’académie, année 1787, page 263, que la durée de la rotation de la partie intérieure de l’anneau, devoit être d’environ dix heures. Ce ſavant ſuppoſe, comme les géomètres l’ont fait dans leurs recherches ſur la figure des aſtres, qu’une couche infiniment mince de fluide, répandue ſur la ſurface de l’anneau, y reſteroit en équilibre, en vertu des forces dont elle ſeroit animée. Cette hypothèſe eſt la ſeule admiſſible ; il lui paroît contre toute vraiſemblance de ſuppoſer que l’anneau ne ſe ſoutient autour de ſaturne que par l’adhérence des molécules ; car alors les parties voiſines de la planète étant ſollicitées par l’action toujours renaiſſante de la peſanteur, une dégradation inſenſible auroit fini par le détruire, ainſi que tous les ouvrages de la nature, qui n’ont point eu les forces ſuffiſantes pour réſiſter à l’action des cauſes étrangères. C’eſt par les conditions de l’équilibre de ce fluide, que la figure de l’anneau devoit être déterminée ; & c’eſt auſſi par-là que M. de la Place avoit trouvé la rotation de dix heures ; mais il ſuppoſe qu’il y a pluſieurs anneaux concentriques, & l’on a déjà aperçu un trait noir qui ſemble l’indiquer.