Page:Encyclopédie méthodique - Physique, T1.djvu/214

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
200
ANT

ſont point prouvés ; ce ſont des abſurdités complètes, qui ne méritent aucune réfutation ſérieuſe. Les anciens ouvrages en ſont pleins ; on entend encore quelquefois dans la ſociété des vieillards, rapporter des exemples de ce genre. Mais ce ne ſont que ceux qui ont forte doſe de crédulité ; il ſuffit de réfléchir ſur le défaut de rapport qu’il y a entre l’effet suppoſé & la prétendue cauſe, pour être perſuadé de la fauſſeté de l’opinion qui admet des antipathies : d’ailleurs on en ſera bientôt convaincu en répétant l’expérience prétendue du tambour, celle des cordes de renard, &c.

ANTIPÉRISTASE. On a défini l’antipériſtaſe, l’action de deux qualités contraires, dont l’une par ſon oppoſition excite & fortifie l’autre. Les péripatéticiens, & tous ceux qui ont ſuivi leur doctrine, non-ſeulement ont admis l’antipériſtaſe, mais encore lui ont fait jouer un très-grand rôle dans la plupart des explications des phénomènes de la phyſique. Ce mot vuide de ſens a été pour eux de la plus grande reſſource.

C’eſt par l’effet de l’antipériſtaſe, c’eſt-à-dire, par l’effet de l’activité d’une qualité augmentée par l’oppoſition d’une autre qualité, que le froid, en bien des occaſions, augmente le degré de la chaleur, & l’humide celui de la ſéchereſſe ; « qu’en été le froid chaſſé de la terre & de l’eau par les brûlantes ardeurs du ſoleil, ſe retire dans la moyenne région de l’air, & s’y défend contre la chaleur qui eſt au-deſſus, & contre celle qui au-deſſous de lui ; de même en été, dit-on, quand l’air qui nous environne eſt d’une chaleur étouffante, nous trouvons la qualité contraire dans les ſouterrains & dans les caves : au contraire en hiver, quand le froid fait geler les lacs & les rivières, l’air enfermé dans les ſouterrains & les caves, devient l’aſyle de la chaleur ; l’eau fraîchement tirée des puits & des ſources profondes en hiver, eſt non ſeulement chaude, mais encore ſenſiblement fumante. » C’eſt par l’effet de l’antipériſtaſe, c’eſt-à-dire, de l’action par laquelle un corps auquel un autre réſiſte, devient plus fort à cauſe de l’oppoſition qu’il éprouve ; que de la chaux vive prend feu par la ſimple effuſion de l’eau froide ; que le feu eſt plus en hiver qu’en été ; c’eſt encore par antipériſtaſe que ſont produits le tonnerre & les éclairs dans la moyenne région où le froid eſt perpétuel, &c, &c. M. Boyle a examiné cette opinion avec beaucoup de ſoin dans ſon hiſtoire du froid.

Il eſt peu d’opinions de l’ancienne école plus abſurde que celle de l’antipériſtaſe ; car enfin, dit très-judicieuſement M. d’Alembert, dans un article dont la ſubſtance ſe trouve dans celui-ci, il eſt naturel de penſer qu’un contraire n’en fortifie point un autre, mais qu’il le détruit ; eſt-ce que le froid & la chaleur, par exemple, ſont environnés de leur contraire, comme ſi chacune de ces qualités avoit une intelligence, & prévoyoit, qu’en négligeant de rappeler toutes ſes forces, & de s’en faire un rempart contre son ennemi, elle périroit inévitablement : c’eſt là tranſformer des agens phyſiques en agens moraux.

Les obſervations & les expériences, citées en faveur de l’antipériſtaſe, ſont bien éloignées d’être concluantes. L’efferveſcence de la chaux vive ſur laquelle on verſe de l’eau chaude, a également lieu comme par l’effuſion de l’eau froide. D’ailleurs cette efferveſcence dépend d’une cauſe qui ſera expoſée dans les articles où on traitera des Gaz, & on ne pourroit ici l’entendre, qu’en rapportant pluſieurs principes modernes, qui exigeroient une trop grande étendue pour cet article particulier, où ils n’ont qu’un rapport indirect.

Si l’on peut faire geler de l’eau dans un baſſin plongé dans un mélange de neige & de ſel auprès du feu, ce n’eſt point l’effet de l’antipériſtaſe, puiſque l’effet eſt le même ſans aucun feu, ainſi que Boyle l’a éprouvé, & tout le monde peut répéter cette expérience avec un égal ſuccès. Ce n’eſt point non plus par un effet de l’antipériſtaſe, que deux gouttes d’eau ſe rapprochent en globules ſur une table ; c’eſt l’attraction qui produit cet effet. (Voyez Attraction.)

Si la grêle ne s’engendre qu’en été, ce n’eſt pas parce que le froid de la baſſe région où l’on ſuppoſe que la grêle ſe forme, eſt augmenté par la chaleur qui règne dans l’air voiſin de la terre, comme on le verra aux articles Météores, Grêle.

La fraîcheur que l’on reſſent en été dans les caves & les ſouterrains, & la chaleur qu’on y éprouve en hiver, ne prouvent point l’exiſtence de l’antipériſtaſe, puiſque les expériences les plus exactes & les plus conſtantes, faites avec le thermomètre, démontrent que la température eſt toujours la même dans les caves profondes, comme celles de l’obſervatoire de Paris, par exemple ; quant à celles qui ont peu de profondeur, il eſt sûr qu’elles ſont plus chaudes en été qu’en hiver. Si cependant nous jugeons le contraire, c’eſt une erreur dans laquelle nous entraînent les ſenſations que nous éprouvons dans ces différentes circonſtances. Lorſqu’en été nous deſcendons dans des ſouterrains, nous paſſons de l’air de l’atmoſphère qui eſt échauffé, dans des lieux où la température eſt de beaucoup inférieure ; nous paſſons d’une température de vingt degrés, par exemple, à une autre qui eſt conſtamment de dix degrés ; nous devons donc éprouver de la fraîcheur. En hiver, au contraire, si le thermomètre expoſé à l’air eſt, par exemple, de 5 degrés au deſſus de zéro, nous devons reſſentir de la chaleur en entrant dans des caves qui ſont conſtamment à dix degrés. Voyez Chaleur, Froid, Caves.

Cette