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ARI

maître. Bien loin de-là, il parla toujours avec respect de Platon, & fit ſon oraiſon funèbre. Aristote ſe retira enſuite à Atarne, petite ville de la Myſie, auprès du Roi Hermias, ſon condiſciple, dont il épousa la nièce.

Lorſqu’Alexandre le grand eut atteint l’âge de 14 ans, Philippe son père, inſtruit de la grande réputation d’Ariſtote, lui écrivit cette lettre ſi connue, dans laquelle il lui diſoit ces paroles remarquables : je vous apprend que j’ai un fils ; je remercie les dieux, non pas tant de me l’avoir donné, que de me l’avoir donné du temps d’Ariſtote. J’espère que vous en ferez un ſucceſſeur digne de moi, & un roi digne de la Macédoine. Le Philoſophe travailla pendant huit ans, au rapport de Plutarque, à lui inſpirer le goût des vertus & celui des ſciences. Mais l’amour des conquêtes l’emporta & le prince partit enſuite pour l’Aſie.

On dit que Philippe, en reconnoiſſance des ſervices d’Ariſtote, lui fit élever une ſtatue & rebâtir ſa patrie, ruinée par les guerres. Ariſtote retourna à Athènes, lorſqu’Alexandre, dévoré par la ſoif des conquêtes, ſe détermina à ravager le monde. Les honneurs l’y attendoient : les habitans lui donnèrent le lycée. Il y donna, pendant treize ans, ſes leçons, ce qui fit appeler ſa ſecte la ſecte des péripatéticiens. Le bruit de ſes ſuccès parvint juſqu’à Alexandre : ce prince grand en tout, lui donna 800 talens, ſomme conſidérable pour le temps, & lui fit fournir tous les moyens poſſibles pour faire des recherches dans la ſcience de l’hiſtoire naturelle. Son hiſtoire des animaux eſt un des plus excellens ouvrages que l’antiquité ait produits : on y trouve des obſervations qui feroient honneur aux derniers ſiècles ; il ſuffit de dire que notre célèbre Buffon en a fait les plus grand éloges.

Parvenu au plus haut période de gloire, Ariſtote eut encore celle d’être attaqué par l’envie qui la ſuit preſque toujours de près. Eurimon, prêtre de Cérès l’accuſa d’impiété. Se ſouvenant de la mort de Socrate, il s’enfuit à Chalcis en Eubée, pour empêcher, diſoit-il, qu’on ne commit une ſeconde injuſtice contre la philoſophie ; il y mourut, dit-on, d’une colique, à l’âge de ſoixante-trois ans, deux ans après la mort d’Alexandre. Quelques hiſtoriens ont aſſuré qu’il périt accablé de veilles & de travaux ; d’autres prétendent qu’il ſe précipita dans l’Euripe par déſeſpoir, ne pouvant comprendre la cauſe des irrégularités du flux & du reflux de ce fleuve. Cette dernière opinion qui n’a aucun fondement ſolide, eſt de la dernière invraiſemblance. Après ſa mort, ſes compatriotes lui élevèrent des temples, lui dreſſèrent des statues, & lui conſacrèrent tous les ans un jour de fête.

Les ouvrages d’Ariſtote ſont en grand nombre ; il les confia en mourant à ſon diſciple Théophraſte. Les principaux & les plus eſtimés ſont, ſa dialectique, ſa morale, ſa poétique, ſa rhétorique & ſon hiſtoire des animaux. La meilleure édition de ſes ouvrages eſt celle de paris, donnée par Duval en 2 vol in-fol. On a dit que le nombre des commentateurs des ouvrsges d’Ariſtote, ſe montoit à plus de quatorze mille. À la décadence de l’empire Romain & des lettres, ſes ouvrages paſſèrent chez les Arabes, qui les défigurèrent & y ajoutèrent une infinité d’abſurdités. L’Afrique, la Perſe, la Tartarie & d’autres contrées, maintenant barbares, les reçurent & les adoptèrent avec tranſport. Vers le onzième ſiècle, les ſcolaſtiques les remirent en honneur dans l’occident, avee les nombreux & ridicules commentaires des Arabes ; & l’empire de ce prince des philoſophes fut ſi bien établi, que Deſcartes & ſes diſciples eurent de grands obſtacles à surmonter pour faire percer la nouvelle méthode de philoſopher.

Le reproche qu’on peut faire aux ouvrages phyſiques d’Ariſtote, c’eſt qu’ils ne ſont guère, ſur-tout ſa phyſique générale, que de la métaphyſique. On trouve dans ſa phyſique particulière quelques bonnes obſervations, mais dans l’enfance des ſciences, il n’étoit pas poſſible de faire quelque chose de mieux ; la phyſique expérimentale n’étoit pas encore née. C’eſt à l’article péripatétiſme, qu’on doit renvoyer l’expoſé de la doctrine que ce prince des philoſophes enſeigna dans le lycée.

Aristotélisme. Par cette expreſſion on doit entendre la doctrine d’Ariſtote. La rhétorique & la poétique de ce philoſophe ſont peut-être ceux de ſes ouvrages qui ſont les plus eſtimés ; une lecture des productions d’Homère lui avoit formé le goût. Ses traités de morale viennent enſuite. Dans ſa logique, il a tracé les principales ſources de l’art de raiſonner ; mais on lui reproche quelques défauts, l’obſcurité & la prolixité. Ces objets n’étant point du reſſort de cet ouvrage, nous paſſerons à ſa phyſique.

Ariſtote admet trois principes qui ſont, ſelon lui, la matière, la forme, la privation. Cette matière première, principe de tous les corps eſt définie ce qui n’eſt, ni qui, ni combien grand, ni quel, ni rien de ce par quoi l’être eſt déterminé ; la forme eſt ſecond principe ; c’eſt le principe actif qui conſtitue le corps ; & il y a autant de formes naturelles, qu’il y a de corps primitifs. La privation n’eſt point une ſubſtance ; mais tout corps qui reçoit une telle forme, ne doit pas l’avoir auparavant. Paſſant enſuite à l’explication des cauſes, il dit que la nature eſt un principe effectif, une cauſe plénière qui rend tous les corps où elle réſide, capables eux-mêmes de mouvement & de repos ; c’eſt elle qui produit les formes, ou plutôt qui ſe diviſe & ſubdiviſe en une infinité de formes, ſuivant les beſoins de la matière : par là il explique tous les changemens qui arrivent aux corps. Il n’y en a aucun qui ſoit parfaitement en repos, parce qu’il n’y en a aucun