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ARI
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qui ne faſſe reſſort pour ſe mouvoir. Il conclut de là que la nature inspire une espèce de néceſſité à la matière ; que celle-ci eſt aſſujettie à recevoir toutes les formes qui ſe préſentent, & qui ſe ſuccèdent dans un certain ordre. C’eſt là cette fameuſe entélechie qui a fait dire tant d’extravagances aux ſcolaſtiques.

Avant Socrate, on croyoit que nul être ne périſſoit, & qu’il ne s’en reproduiſoit aucun, & que tous les changemens des corps n’étoient que de nouveaux arrangemens. Ariſtote rejetant ces idées, établit une génération & une corruption proprement dites. Il reconnut qu’il ſe formoit de nouveaux êtres, & qu’ils périſſoient à leur tour. De-là ont pris naiſſance les formes ſubſtantielles, les entités, les modalités, les intentions réflexes ; &c. Tous termes qui ne réveillant aucune idée, dit judicieusement M. Diderot, dans ſon grand article aristotéliſme dont nous tirons ce qu’il y a de principal ſur cette doctrine du prince des philosophes ; tous termes disons-nous, qui perpétuent vainement les diſputes & l’envie de diſputer. Ariſtote deſcend enſuite à un très-grand nombre d’explications de phyſique particulière : on lit avec plaiſir ce qu’il dit dans ſes quatre livres ſur les météores.

L’hiſtoire des animaux d’Ariſtote, qu’on peut rapporter à la phyſique particulière, ſelon M. de Buffon, eſt peut-être encore aujourd’hui ce que nous avons de mieux en ce genre ; il ſeroit à déſirer qu’il nous eût laiſſé quelque choſe d’auſſi complet ſur les végétaux & ſur les minéraux. « Cet ouvrage d’Ariſtote s’eſt préſenté à mes yeux, comme une table des matières qu’on auroit extraite avec le plus grand ſoin de pluſieurs milliers de volumes remplis de deſcriptions & d’obſervations de toute eſpèce : c’eſt l’abrégé le plus ſavant qui ait jamais été fait, ſi la ſcience eſt en effet l’hiſtoire des faits. »

Voici de nouveaux dogmes de la phyſique d’Ariſtote : de la matière première combinée avec la forme, ce philoſophe tire quatre élémens, le feu, l’air, l’eau & la terre ; mais pour former les cieux, & les corps électriques, il imagina une quinteſſence incorruptible, une cinquième nature de corps qui ſe meut toujours circulairement. C’eſt des quatre élémens que ſont compoſés tous les corps sublunaires, & le mouvement qui leur convient eſt celui qui eſt en ligne droite. L’air & le feu ſont légers, tendent en haut, & vont ſe ranger à la circonférence. L’eau & la terre ſont au contraire peſans & ſont pouſſés vers le centre. Les fauſſes idées qu’Ariſtote s’étoit faites ſur le mouvement, l’avoient conduit à croire l’éternité du monde.

En liſant ſes ouvrages, on eſt bientôt convaincu que ce prince des philoſophes n’a point eu d’idées ſaines de la divinité, qu’il n’a nullement connu la nature de l’âme, ni ſon immortalité, ni la fin pour laquelle elle eſt née. N’eſt-il pas étonnant d’après la, que même dans les plus beaux ſiècles de l’Égliſe des ſcolaſtiques aient été aſſez prévenus en faveur de ſes ouvrages pour les élever à la dignité de texte divin.

Lorſque les injuſtes perſécutions des prêtres de Cérès contraignirent Ariſtote de ſe retirer à Chalcis, il nomma Théophraſte pour ſon ſucceſſeur, & lui légua tous ſes manuſcrits. Ce philoſophe jouit toute ſa vie d’une très-grande réputation ; mais par ſa mort le lycée perdit beaucoup, néanmoins on continua toujours d’y enſeigner. Les profeſſeurs furent Démétrius de Phalère, Straton, ſurnommé le phyſicien ; Lycon, Ariſton de l’iſle de Céa, Crytolaüs & Diodore qui vécut ſur la fin de la 160e olympiade.

Quoique la philoſophie fût fort cultivée sous les empereurs Romains, ſa décadence ſuivit bientôt celle de l’empire, & les Barbares portèrent le dernier coup à l’un & à l’autre. Les peuples croupirent long-temps dans l’ignorance, une fauſſe dialectique dont la fineſſe conſiſtoit dans l’équivoque des mots & dans des diſtinctions qui ne ſignifioient rien, étoit alors ſeule en honneur. À la naiſſance des lettres, quelques ſavans verſés dans la langue grecque donnèrent une verſion exacte des ouvrages d’Ariſtote, à la place de ces traductions barbares qui repréſentoient plutôt l’esprit tudeſque des traducteurs, que le beau génie de ce philoſophe. Juſques-là on n’avoit conſulté qu’Averroès ; c’étoit là qu’alloient ſe briſer toutes les diſputes de ſavans. Ce commentateur arabe d’Ariſtote, naquit à Cordoue dans le douzième ſiècle ; & on n’eut long-temps en Europe qu’une verſion latine trés-inexacte, faite ſur une copie arabe qui ne l’étoit pas moins, de la traduction infidèle qu’Averroès avoit faite en arabe des œuvres d’Ariſtote, ce qui lui fit cependant donner le nom de chef du péripatétiſme.

Théodore de Gaza & George dé Trebiſonde, cultivèrent enſuite la philoſophie de Péripatéticiens, & la défendirent avec un très-grand zèle contre leurs ennemis. Les ſavans, à la renaiſſance des lettres, étoient partagés entre Platon & Ariſtote. On fit des volumes de part & d’autre ; on trouve plus aiſément des injures que de bonnes raiſons. Pomponace fut un des plus célèbres péripatéticiens du ſeizième ſiècle, ainſi qu’Auguſtin Niphus, Zábòrella Pillotomini, Céſalpin Cremonin, &c. & en dernier lieu Corringius avec qui, du temps de Deſcartes, mourut le péripatétiſme.

ARISTOXÈNE de Tarente, diſciple d’Ariſtote, eſt regardé comme le chef de la ſecte des Ariſtoxéniens qui étoit oppoſée à celle des Pytagoriciens, ſur la meſure des intervalles & ſur la manière de déterminer les rapports des ſons. Les prerniers s’en rapportoient uniquement au jugement de l’oreille, & les ſeconds à la préciſion du calcul. Ariſtoxène, s’appliqua non-ſeulement à la muſique, mais encore à la philoſophie, il vécut du temps d’Aléxandre