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pas à côté, & ne s’écarte pas des pieds. Ils veulent auſſi que l’on recherche avec ſoin quelles ſont les forces de chaque pôle ; & comme elles ſe trouvent ordinairement inégales, ils ordonnent que l’on diviſe ce fer en raiſon inverſe de ces forces, & que l’on faſſe le trou, dans lequel eſt ajuſté le crochet L, ſur le point où ces deux raiſons viennent ſe réunir, afin que de cette manière, chaque pied ou pôle porte un poids qui ſoit proportionnel à ſes forces. Ces deux choses ſont ingénieuſes & plauſibles dans la théorie ; mais, après les avoir miſes en pratique, on s’eſt aperçu qu’elles étoient pour le moins inutiles, & que ſouvent, elles ne valoient rien. En effet, il arrive quelquefois que l’aimant attire avec plus de force lorſque les ſurfaces plates du fer & des pieds de l’armure ſe touchent exactement, tantôt il attire de cette manière plus foiblement, tantôt avec plus de force, lorſque les coins des pieds ne font que toucher légèrement les coins du fer. Quelquefois il attire plus fortement, quand les pieds de l’armure touchent en travers les coins du fer : il y a même des cas où il faut que le trou de ce fer ſe trouve au milieu entre les deux pieds ; dans d’autres cas, ce trou doit être placé plus proche du pôle le plus foible ; & dans d’autres enfin, il faut qu’il ſoit plus proche du pôle qui a le plus de force. De quel uſage pourront donc être ici les tourniquets, & à quoi aboutira cette exacte obſervation touchant l’endroit où le trou doit être placé ? Les phénomènes de l’aimant ſont encore au-deſſus de tous les raiſonnemens humains ; & ce qui avoit paru autrefois le mieux imaginé, eſt très-ſouvent ce qui répond le moins à l’expérience : plus on prend de peine à examiner & à rechercher la nature de ces phénomènes, moins on peut les comprendre & les expliquer.

Nous nous sommes contentés d’expoſer ici la manière dont on doit armer les aimans réguliers ; d’où l’on pourra tirer quelques lumières pour ce qui concerne l’armure des aimans irréguliers.

[ Lorſqu’on préſente à un aimant armé un morceau de gros fil de fer Α B, (fig. 350) aſſez peſant pour que le bouton de l’armure duquel on l’approche, ne puiſſe pas le ſupporter, on le fera attirer auſſitôt, ſi on ajoute la traverſe G dans la ſituation que la figure le repréſente ; & ſi on ôte cette pièce, lorſque le fil de fer Α B ſera auſſi fortement attiré, il tombera auſſitôt & ceſſera d’être ſoutenu.

On a mis ſur un des boutons de l’armure une petite plaque d’acier poli de dix à onze lignes de long, de ſept lignes de large, & d’une ligne d’épaiſſeur. Cette plaque T (fig. 351), portoit un petit crochet auquel étoit ſuſpendu le plateau d’une balance ; à l’autre pied de l’armure étoit placée la traverſe G, de façon que la traverſe & la plaque ſe touchoient : on a enſuite mis des poids dans le plateau S juſqu’à ce que l’aimant ait ceſſé de ſoutenir la plaque T, & on a trouvé qu’il falloit dix-huit onces : ayant enſuite ôté la traverſe, & laiſſé la plaque toute ſeule, appliquée contre l’aimant, un poids de deux onces dans la balance a ſuffi pour ſéparer la plaque ; ce qui prouve que la proximité de la traverſe a augmenté de ſeize onces la vertu attractive du pôle auquel la plaque étoit appliquée.

Quoique l’attraction d’un aimant armé paroiſſe conſidérable, il arrive cependant que des cauſes aſſez foibles en détruiſent l’effet en un inſtant : par exemple, lorſqu’on ſoutient un morceau de fer oblong F (fig. 352), ſous le pôle d’un excellent aimant M, & qu’on préſente à l’extrémité inférieure de ce morceau de fer le pôle de différent nom d’un autre aimant N plus foible, Celui-ci enlèvera le fer au plus fort. On jugera bien mieux du ſuccès de cette expérience, ſi elle eſt faite ſur une glace polie & horiſontale. La même choſe arrive auſſi à une boule d’acier qu’on touche avec un aimant foible dans le point diamétralement oppoſé au pôle de l’aimant vigoureux ſous lequel elle eſt ſuſpendue.

Pareillement ſi on met la pointe d’une aiguille S, (fig. 353) ſous un des pôles de l’aimant, en ſorte qu’elle ſoit pendante par ſa tête, & qu’on préſente à cette tête une barre de fer quelconque F par ſon extrémité ſupérieure, l’aiguille quittera auſſitôt l’aimant pour s’attacher à la barre : cependant ſi l’aiguille tient par ſa tête au pôle de l’aimant, alors, ni la barre de fer, ni un aimant foible ne la détacheront : il ſembleroit d’abord que l’aiguille s’attacheroit à celui des deux, qu’elle toucheroit en plus de points ; mais des expériences faites à deſſein ont prouvé le contraire.

Une autre circonſtance assez légère fait encore qu’un aimant armé & vigoureux paroît n’avoir plus de force ; c’est la trop grande longueur du fer qu’on veut ſoulever par un des pôles. Il ſeroit facile de faire lever à de certains aimans un morceau cubique de fer peſant une livre, mais le même aimant ne pourroit pas ſoutenir un fil de fer d’un pied de longueur ; enſorte qu’augmenter la longueur du corps ſuſpendu, eſt un moyen de diminuer l’effet de la vertu attractive des pôles de l’aimant. C’eſt par cette raiſon que lorſque l’on préſente le pôle d’un bon aimant ſur un tas d’aiguilles, de petits clous ou d’anneaux, l’aimant en attire ſeulement ſept ou huit au bout les uns des autres ; & il eſt facile de remarquer que l’attraction du premier clou au ſecond, eſt beaucoup plus forte que celle du ſecond au troiſième, & ainſi de ſuite ; de manière que l’attraction du pénultième au dernier eſt extrêmement foible. Voyez fig. 354. ]

L’expérience a prouvé que l’armure d’un aimant augmente beaucoup ſa force attractive, ainſi qu’on l’a dit au commencement de cet article. La cauſe de cette augmentation de force, paroît être la réunion & concentration de la vertu magnétique des