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ſes totales de ſoleil, immédiatement avant l’immerſion un tremblement dans le limbe de la lune, avec une apparence de fumée claire qui ſe tenoit ſuſpendue au-deſſus durant l’immerſion ; phénomènes qu’on remarque dans notre air quand il eſt chargé de vapeurs ; & phénomènes qu’on n’obſerve pas en d’autres temps dans la lune, lorſque ſon air eſt pur & tranſparent, de même qu’on ne les voye pas dans notre atmoſphère, lorſqu’elle eſt exempte de vapeurs & d’exhalaiſons.

On a encore ajouté que M. le Monnier a obſervé en 1736 & 1738, que l’étoile Aldébaran s’avançoit en plein jour un peu ſur le diſque éclairé de la lune, où cette même étoile diſparut enſuite, après avoir entamé très-ſenſiblement le diſque, & cela vers le diamètre horiſontal de la lune.

On a obſervé ſouvent dans les éclipſes d’étoiles ou de planètes par la lune, que l’aſtre éclipſé paroiſſoit tout entier pendant quelques ſecondes ſur le diſque éclairé de la lune. Or, ce phénomène, ſelon pluſieurs, dépend de l’atmoſphère de la lune. Cependant nous devons dire que M. Deliſle l’attribuoit à l’inflexion des rayons lumineux qui raſent les bords de la lune, & qui en ſont attirés ; il rapportoit auſſi à la même cauſe les anneaux que l’on obſerve quelquefois autour du ſoleil dans les éclipſes totales. M. de la Lande penſe que c’eſt une ſimple illuſion oblique, occaſionnée par l’irradiation ou le débordement de lumière de la lune. L’atmoſphère de la lune, dit-il, ne ſauroit produire un effet ſi ſenſible ; car dans les éclipſes de ſoleil on voit le bord de la lune très-net & très-bien terminé, à l’exception de quelques inégalités dans certaines parties de ſa circonférence ; les taches de la lune ſont toujours de la même couleur ; vénus, quand elle eſt éclipſée par la lune, ne change pas de forme & de couleur ; enfin on a vu dans une occultation de Jupiter par la lune, que le bord de la lune paroiſſoit ſur le bord même de Jupiter. Néanmoins cet habile aſtronome ne rejette pas l’exiſtence de toute atmoſphère de la lune, il en admet une qu’il croit peu conſidérable & inſuffiſante pour faire paroître les étoiles ſur le diſque éclairé de la lune.

Il n’eſt guère poſſible maintenant de douter de la réalité d’une atmoſphère lunaire, sur-tout depuis que M. Duſéjour a démontré par les obſervations de l’éclipſe de 1764, l’inflexion des rayons qui raſent les bords de la lune, inflexion qui eſt de quatre ſecondes & demie, & qu’on ne peut s’empêcher d’attribuer à une petite réfraction de l’atmoſphère de la lune.

M. Huyghins qui croyoit que la lune n’avoit point d’atmoſphère, diſoit, pour prouver ſon opinion, 1°. qu’on ne voyoit jamais la ſurface de la lune couverte de nuages, comme cela arrive à la terre ; 2°. que les étoiles éclipſées par la lune, en diſparoiſſant derrière ſon diſque, ou en venant à reparoître, ne ſouffroient aucune réfraction ſenſible. M. de Mairan a répondu à la première de ces objections,(traité de l’aurore boréale, pag. 276) qu’indépendamment « de la différence qu’on ſeroit en droit de ſuppoſer entre l’air qui environne la terre, & celui de l’atmoſphère lunaire, où les particules d’eau ne ſauroient peut-être ſe ſoutenir, il y a des pays ſur le globe terreſtre, tels que le Pérou & de grandes contrées d’Afrique, où il ne pleut jamais, & qu’on ne voit point chargés de ces nuages qui ſont ailleurs les avant-coureurs de la pluie. Les vapeurs élevées par la chaleur du ſoleil pendant le jour, y retombent en forme de roſée pendant la nuit. Un obſervateur placé ſur la lune, ſeroit-il fondé d’en conclure qu’il n’y a point d’atmoſphère pour toutes ces parties de la terre… Ajoutez enfin que le ſoleil, dardant ſes rayons près de quinze de nos jours de ſuite ſur le même hémiſphère de la lune, il y doit prodigieuſement atténuer les vapeurs & les exhalaiſons qui s’élèvent de ſa ſurface, en diſſiper les petits amas à meſure que ſa lumière gagne la partie qui va nous devenir viſible, & n’y rien laiſſer d’opaque pour le ſpectateur qui la voit de la terre. N’eſt-ce point à quelqu’un de ces petits amas de vapeurs qui n’étoit pas encore diſſipé, qu’il faut attribuer cette traînée de lumière rougeâtre que M. Bianchi apperçut dans l’intérieur de la tache de Platon, le 16 août 1725, une heure & demie après le coucher du ſoleil, avec une lunette de Campani, de 150 palmes romains ? Car la lune venoit d’atteindre ſon premier quartier le jour précédent, & la tache de Platon, ainſi que cette traînée rougeâtre, dirigée en ligne droite à l’oppoſite du ſoleil, portoient ſur les confins de la lumière & de l’ombre du diſque de la lune. Or, de quelque manière qu’on imagine que les rayons du ſoleil, qui ſe levoient alors ſur l’horiſon de cette tache, y ayent pénétré, ſoit par une ouverture ou par un trou de ſes bords montagneux, & en vertu d’une eſpèce de réfraction ou de diffraction, comment s’y ſeroient-ils rendus viſibles & colorés, s’ils n’y avoient trouvé une atmoſphère ou des vapeurs qui ſuppoſent une atmoſphère ?

Quant à la ſeconde objection, remarquez que vraiſemblablement la matière réfractive de l’atmoſphère terreſtre eſt quelque choſe de différent de l’air, & que cette matière ne s’étend, ſelon d’habiles aſtronomes, qu’environ 2 000 toiſes au-deſſus de la ſurface de la terre, ce qui ne fait pas la 3000me partie de ſon diamètre. Donc toutes proportions gardées entre le globe lunaire & le globe terreſtre, en ſuppoſant la partie inférieure de l’atmoſphère de ces deux globes ſemblablement douée d’une vertu réfractive & de même force ; ſuppoſition d’ailleurs très-gratuite, cette partie n’occupera pas au-deſſus de la ſurface de la lune un 3000me de ſon diamètre. Or, tout le diſque de la lune ne mettant qu’environ une heure à paſſer devant une étoile fixe, il ſuit que ſon bord réfringent, & toute la matière qui en fait l’épaiſſeur,