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de cette découverte, dit que les premières idées ſur les loix de l’attraction univerſelle ſe préſentèrent à l’eſprit de cet illuſtre géomètre, en 1666, lorſqu’il eut quitté Cambridge, à l’occaſion de la peſte. Se promenant ſeul dans un jardin, & méditant ſur la peſanteur & ſur ſes propriétés, il obſerva que cette force ne diminue pas ſenſiblement, quoiqu’on s’élève au ſommet des plus hautes montagnes, qu’il en ſeroit de même plus haut & probablement juſqu’à la lune. Mais ſi cela eſt, diſoit-il, il faut que cette peſanteur influe ſur le mouvement de la lune, peut-être ſert-elle à retenir la lune dans ſon orbite ? & quoique la force de la gravité ne ſoit pas ſenſiblement affoiblie par un petit changement de diſtance, tel que nous pouvons l’éprouver près de la ſurface de la terre, il eſt très-poſſible que dans l’éloignement où se trouve la lune, cette force ſoit fort diminuée. « Pour parvenir à eſtimer quel pouvoit être la quantité de cette diminution, Newton ſongea que ſi la lune étoit retenue dans ſon orbite par la force de la gravité, il n’y avoit pas de doute que les planètes principales ne tournaſſent autour du ſoleil en vertu de la même puiſſance. En comparant les périodes des différentes planètes avec leurs diſtances au ſoleil, il trouva que ſi une puiſſance ſemblable à la gravité les retenoit dans leurs orbites, ſa force devroit diminuer en raiſon inverſe du quarré de la diſtance. Il ſuppoſa donc que le pouvoir de la gravité s’étendoit juſqu’à la lune, & diminuoit dans le même rapport, & il calcula ſi cette force ſeroit ſuffiſante pour retenir la lune dans ſon orbite. »

Newton, faiſant ſes premiers calculs, ſuppoſa avec les géographes & les marins de ce temps, que la valeur d’un degré de latitude ſur la terre, n’étoit que de ſoixante milles d’Angleterre, mais cette eſtime commune étant défectueuſe, le calcul ne lui donna point le réſultat qu’il attendoit, & il abandonna cette recherche. Mais ayant repris enſuite ſes premières idées ſur la peſanteur, après la meſure du degré de la terre, que M. Picard venoit de faire en France, & employant cette nouvelle évaluation, il trouva que la lune étoit retenue dans ſon orbite par le ſeul pouvoir de la gravité ; d’où il ſuivroit que cette gravité diminuoit en s’éloignant du centre de la terre, de la même manière qu’il l’avoit auparavant conjecturé. « D’après ce principe, Newton trouva que la ligne décrite par la chûte d’un corps, étoit une ellipſe dont le centre de la terre occupoit un foyer ; or, les planètes principales décrivent auſſi des ellipſes autour du ſoleil ; il eut donc la ſatisfaction de voir que cette ſolution, qu’il avoit entrepriſe par pure curioſité, pourroit s’appliquer aux plus grandes recherches. En conſéquence il compoſa une douzaine de propoſitions relatives au mouvement des planètes principales autour du ſoleil. Pluſieurs années après, le docteur Halley étant allé voir Newton à Cambridge, l’engagea dans la converſation, à reprendre ſes méditations ſur ce sujet, & fut l’occaſion du grand ouvrage des principes, qui parut en 1687. » On peut ajouter que Newton avoit dès-lors ſous les yeux pluſieurs indications de cette attraction, non-ſeulement les ouvrages de Roberval, de Hook & de pluſieurs autres, mais encore la diminution du pendule, obſervée à Cayenne, par M. Richer, en 1672, l’aplatissement de jupiter, obſervé par Caſſini, la libration de la lune, obſervée par Horoccius, &c.

Après avoir rapporté l’hiſtoire de cette brillante découverte, il eſt néceſſaire d’expliquer d’une manière particulière ce qu’on entend par le mot d’attraction univerſelle, d’en montrer la poſſibilité ; d’en prouver l’exiſtence, & d’en déterminer les loix.

Quelques Newtoniens Anglois, & parmi nous M. de Maupertuis, ont penſé que l’attraction qui eſt une tendance d’un corps vers un autre, étoit une propriété de la matière, qu’elle lui étoit auſſi inhérente & intrinſèque que l’impénétrabilité, la figure, la diviſibilité, &c., que cette propriété n’eſt pas moins concevable que les autres.

Il y en a qui ont cru que l’attraction étoit produite par une cauſe impulſive, par un fluide, par le mouvement des arômes, &c. Newton, dans un endroit de ſon fameux livre des principes, (liv. I. pag. 147) aſſure qu’il conſidère les forces centripètes, comme des attractions, quoique peut-être elles ne ſoient, phyſiquement parlant, que de véritables impulsions ;& à la fin de ſon traité d’optique, il dit : « Je n’examine point ici qu’elle peut être la cauſe de ces attractions ; ce que j’appelle ici attraction peut être produit par impulſion ou par d’autres moyens qui me ſont inconnus. Je n’emploie ici ce mot attraction, que pour ſignifier en général une force quelconque, par laquelle les corps tendent réciproquement les uns vers les autres, quelle qu’en soit la cause.» M. Leſage, de Genève, a également soutenu que l’attraction provenoit de l’impulſion d’un fluide, dans ſon eſſai de chimie mécanique, couronné par l’académie de Rouen, & dans ſa lettre inſérée dans le mercure de mai 1756.

Mais le plus grand nombre des Newtoniens regarde l’attraction comme l’effet d’une loi univerſelle, établie par le créateur, comme un fait général dont l’exiſtence eſt prouvée par un grand nombre de phénomènes certains ; & cette loi eſt un premier principe comme l’impulſion en est un ; ni l’une ni l’autre ne ſuffit ſeule ; toutes les deux doivent être admiſes comme des loix primitives, qui dépendent immédiatement d’une volonté permanente de l’être ſuprême. C’eſt dans ce sens que le plus grand nombre des phyſiciens modernes, des aſtronomes & des géomètres entend l’attraction newtonienne.

L’idée qu’on doit attacher au mot d’attraction,