Page:Encyclopédie méthodique - Physique, T1.djvu/417

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décompoſition des rayons de lumière, ſelon la doctrine de Newton ; jetez encore les yeux dans certains temps ſur les nuages qui ſont au couchant, lorſque le ſoleil commence à diſparoître, & vous les verrez très-ſouvent teints d’une couleur rouge & vive comme du ſang, malgré l’état du jour ; c’eſt une obſervation que j’ai faite fréquemment. Les rayons du ſoleil, dans ce cas, ſont ou réfléchis, ou réfractés par les nuages.

Septième principe. La matière électrique qui eſt très-abondante dans les hautes régions, ſe porte aux pôles plutôt qu’à l’équateur, à cauſe de la vertu centrifuge qui eſt moindre vers le pôle ; ſuite néceſſaire de la rotation de la terre ſur ſon axe. Voyez les beaux théorèmes d’Huyghens & de Newton, ſur cette matière. Le fluide électrique eſt donc néceſſairement déterminé à tendre plutôt à la zone polaire que vers les régions qui répondent à la zone torride.

Huitième principe. Le fluide électrique ne ſe manifeſte jamais avec plus de force & d’abondance que dans les temps froids, dans les lieux ſeptentrionaux, & dans les endroits où le froid le plus vif règne ; il ſemble avoir pour eux quelqu’eſpèce de préférence. Cette propoſition eſt prouvée par les obſervations de M. l’abbé Chappe, à Tobolsk, & dans le reſte de la Sibérie, où il a vu des foudres plus fréquentes que dans aucune autre région ; par les obſervations d’électricité faites dans toute l’Europe, deſquelles il réſulte que la vertu électrique a plus d’énergie dans l’hiver, que dans l’été, dans les temps froids, que dans les temps chauds ; par les nouvelles expériences de M. Achard, excellent phyſicien, de l’académie de Berlin, publiées depuis peu, & deſquelles on doit conclure, que la glace ou l’eau, dans l’état de congellation, eſt très-électrique à un degré de froid conſidérable, à 27 degrés au-deſſous de zéro. Auſſi a-t-il fait toutes les expériences d’électricité avec des globes de glace, avec des bouteilles & des tableaux de glace étamés : voilà des faits nouveaux que nous connoiſſons ſeulement depuis peu, & qui confirmenr merveilleuſement ce principe.


Remarque.

Plus en s’élevant on s’éloigne de la ſurface de la terre, plus il fait froid ; voilà pourquoi le ſommet des plus hautes montagnes eſt toujours couvert de neige. À la hauteur d’environ 2 300 toiſes d’élévation au-deſſus du niveau de la mer, il n’y a aucune plante quelconque ; à celle de 2 434 toiſes ſeulement, la neige eſt perpétuelle & ne fond jamais en aucuns temps de l’année, même ſous l’équateur, ainſi que l’ont obſervé MM. Godin, Bouguer, & la Condamine, académiciens français, envoyés par ordre du roi, en 1735, pour y mesurer un degré du cercle équinoxial. Auſſi cette zone ou ceinture forme-t-elle partout une ligne de niveau relativement à la hauteur où elle ne fond plus ; & le sommet de Chimboraco, une des cordillères, dont la hauteur meſurée géométriquement eſt de 3 120 toises, eſt-il inacceſſible relativement au grand froid qui règne dans la partie de l’atmoſphère qui le couvre quoique dans la zone torride & preſque ſous la ligne. Ce froid qu’on éprouve ſur le Phitchincha, le Cotopaxi & Chimboraco & ſur les autres cordillères, montagnes du Pérou, dont l’élévation ſurpaſſe celle des plus hautes montagnes qu’il y ait dans le monde, eſt si vif, que les animaux ne peuvent y réſiſter ; il gèle les corps & les durcit tellement, qu’ils ne ſe corrompent point. Au rapport de Zarate, dans l’hiſtoire de la conquête du Pérou, (liv. III, chap. II,) « Dom Diègue d’Almagro, allant découvrir le Chili, vit périr de froid, dans ces montagnes, pluſieurs ſoldats. Lorſqu’il y repaſſa cinq mois après, au fort de l’été il trouva leurs corps encore débout appuyés contre des rochers, & tout auſſi frais que s’il n’y avoit eu que quelques momens qu’ils euſſent expiré. Il y en avoit même qui tenoient encore la bride de leurs chevaux ſur pied, dont la chair ſervit de nourriture à Almagro & à ceux qui l’accompagnoient. »


Explication de l’aurore boréale.

Le fluide électrique, par le premier, le ſecond & le troiſième principe, régnant avec plus d’abondance & de force dans les plus hautes régions de l’atmoſphère, qui s’étend au moins à deux ou trois cents lieues, ſelon les calculs de MM. de Mairan & Euler ; ce fluide doit ſe porter vers les régions baſſes de l’atmoſphère par le quatrième & premier principe, & il tendra du côté du pôle plutôt qu’à l’équateur, par le ſeptième & le huitième principe ; mais par le troiſième il se manifeſtera dans ce paſſage ſous la forme de lumière pâle, diffuſe & phoſphorique, ſemblable à celle des colonnes & des jets lumineux, comme dans le rnatras & les tubes vuides d’air. Cette lumière paroîtra brillante, blanche ou rouge, ſelon les différens degrés de denſité du fluide électrique par le cinquième principe ; & cette couleur ſera encore diverſement modifiée, relativement aux vapeurs & aux exhalaiſons répandues dans divers endroits de l’atmoſphère, conformément-au ſixième principe. Voilà ce qu’il y a d’essentiel dans ce phénomène, dont l’explication ne peut être goûtée, à moins qu’on n’ait bien préſent à l’eſprit les principes démontrés par l’expérience & l’obſervation que j’ai rapportées. Mais ſouvent des circonſtances accidentelles ou étrangères ſe mêlant à ce phénomène, très-variable en lui-même, occaſionnent des grandes différences ; c’eſt pourquoi je penſe qu’il eſt néceſſaire de donner ici le précis d’une explication plus développée.