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l’aurore boréale. « Si nous oſions dire que les aurores boréales ſont également engendrées par l’air inflammable, raſſemblé dans la région ſupérieure de l’atmoſphère, lequel, vu l’énorme quantité qui s’en dégage continuellement de toute la ſurface de la terre, & de l’eau, & vu ſon extrême legèreté, doit ſe trouver dans cette région à une telle hauteur, & en telle doſe, qu’il y forme comme un océan, & qui, également, à cause de ſa légèreté, doit ſe trouver en plus grande quantité vers les régions polaires, vers leſquelles il eſt chaſſé par la force centrifuge prépondérante de l’air atmoſphérique pur. » Lettres de M. Volta, ſur l’air inflammable des marais, cinquième lettre, &c.

Mais cet auteur ne propoſe ce ſentiment que comme une conjecture vague à laquelle il n’attache aucune importance, « je me repens même déjà, dit-il, d’avoir oſé avancer, quoiqu’en paſſant ſeulement quelques idées qui heurtent de front, pour me ſervir de l’expreſſion de M. Kinnerfley, l’orthodoxie électrique. »

L’expérience paroît détruire de fond en comble cette conjecture ; car le gaz inflammable (hydrogène) ne peut s’allumer dans le vuide de la machine pneumatique, ni conſéquemment dans les hautes régions de l’atmoſphère, siége de l’aurore boréale, où l’air atmoſphérique eſt prodigieuſement raréfié, parce que le concours de l’air vital (gaz oxigène) eſt néceſſaire pour cette inflammation en particulier, comme pour toute inflammation en général. Voyez Gaz inflammable.

9o. Syſtème de M. l’abbé Bertholon. J’ai attribué la cauſe de l’aurore boréale à une lumière phoſphorico-électrique, ainſi que je viens de l’annoncer ci-deſſus ; mais pour procéder avec plus de certitude dans la diſcuſſion préſente, je crois qu’il eſt néceſſaire d’établir des principes indubitables qui puiſſent ſervir de baſe à tout ce que nous dirons, & de faire ſortir, ſi je puis parler ainſi, de leur combinaiſon mutuelle une explication encore plus ſimple qu’heureuſe : telle doit être la marche de toutes les ſciences.

Premier principe. L’électricité qui règne par-tout, eſt d’autant plus forte & plus abondante, qu’on s’élève plus haut. Cette aſſertion eſt prouvée par les conducteurs élevés pour recevoir l’électricité atmoſphérique, l’énergie des étincelles qu’on en tire eſt proportionnelle à la hauteur. Les cerfs-volans électriques qui donnent des étincelles & des lames de feu, leſquelles augmentent de grandeur comme les hauteurs de leur élévation achèvent de nous convaincre de la vérité de ce principe ; je me contente ici d’indiquer les expériences faites avec des cerfs-volans, par MM. de Romas, Franklin, Beccaria, Bridoine & pluſieurs autres ; on peut conſulter leurs ouvrages.

Second principe. La raréfaction de l’air eſt en raiſon de ſon élévation ; il n’eſt perſonne qui puiſſe douter de cette propoſition ; la difficulté qu’on a à reſpirer ſur les plus hautes montagnes, & les abaiſſemens du mercure dans le baromètre, en ſont des preuves inconteſtables.

Troiſième principe. Plus l’air eſt rare, plus l’électricité ſe manifeſte ſous la figure d’une lumière phoſphorique. L’expérience dépoſe hautement en faveur de cette vérité. Dans un matras vuidé d’air par le moyen de la machine pneumatique, ou dans des tuyaux vuides d’air, après avoir été ſoudés au haut du baromètre, on voit des flammes blanches, des jets de lumière, & des colonnes reſplendiſſantes agitées de mouvemens divers, dont les apparitions & les diſparitions succeſſives les rendent plus brillantes, & on croit voir le ſpectacle d’une aurore boréale. Or, le vuide de la machine pneumatique n’eſt point un vuide parfait ; un air très-raréfié y eſt contenu ; & les degrés de raréfaction ſuivent une certaine progreſſion relative au rapport de la capacité du récipient & du corps de pompe ; ce qui prouve que ce vuide n’eſt point abſolu, mais ſeulement relatif.

Quatrième principe. Le fluide électrique ſe porte naturellement des lieux où il eſt plus abondant à ceux où il l’eſt moins ; c’eſt un principe d’hydroſtatique dont on ne ſauroit douter ; & de plus, l’expérience de tous les jours le démontre. Un corps électriſé en plus, partage ſon excès d’électricité avec celui qui eſt électriſé en moins ou même avec celui qui n’a que l’électricité naturelle ; & plus le corps électriſé en moins a de denſité, plus l’attraction réciproque ou la tendance du fluide électrique vers lui eſt forte. C’eſt ainſi qu’on détermine des aigrettes & des étincelles à s’échapper du conducteur à une plus ou moins grande diſtance, en lui présentant des corps plus ou moins denses.

Cinquième principe. Le feu électrique, dans ſes différens degrés, paroît blanc, rouge, jaune, &c. En chargeant plus ou moins le carreau magique, & en le déchargeant dans ces différentes circonſtances, avec l’excitateur, on s’aperçoit de cette variété de couleurs, & conſéquemment de ces divers degrés de densité.

Sixième principe. Tout feu, toute flamme vue au travers des vapeurs & des exhalaiſons, paroît rouge, & ſur-tout la lumière phoſphorique. Çette vérité n’a pas beſoin de preuves, une expérience journalière le démontre ; mais pour m’aſſurer que la lumière diffuſe qui brille dans les vaiſſeaux de verre vuide d’air, éprouve les mêmes modifications, tandis que la machine électrique mettoit en jeu mes phoſphores électriques, je les ai vus en pluſieurs endroits d’une couleur rouge, en les regardant à travers des vapeurs & des exhalaiſons que je faiſois élever à deſſein.

C’eſt un effet de la réfraction d’où réſulte la