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ADH

mouille donc les corps à ſa manière comme fait l’eau. »

Mais pour ne pas rapporter un plus grand nombre de preuves, je me contenterai d’aſſurer, ainſi que je le prouve dans mes cours publics, qu’il n’y a point de corps, même parmi ceux qui ſont très-durs, & dont les ſurfaces ont un plus grand poli, deſquels on ne voit s’échapper pluſieurs parcelles d’air, ſous la forme de bulles, qu’après qu’ils ont été plongés dans l’eau.

Les expériences multipliées que j’ai faites, principalement avec des marbres très-polis, des bois fort durs, des métaux de différentes eſpèces & parfaitement polis, m’ont démontré que c’eſt dans les temps ſecs que ces expériences réuſſiſſent le mieux ; qu’elles ſont d’autant plus ſenſibles que les ſurfaces ſont plus grandes ; que ſi les corps ont été un peu échauffés, les bulles paroiſſent moins, (ſi les corps étoient fortement échauffés, les bulles qu’on verroit s’échapper, ſeroient celles de l’air interpoſé dans l’eau). Il eſt inutile d’obſerver que ſi les corps plongés dans l’eau étoient plus poreux que ceux qui ont ſervi aux expériences, les bulles ſeroient plus ſenſibles & plus multipliées ; & que ſi les corps qui donnent des bulles d’air ont été mouillés ou plongés dans l’eau pendant quelque temps, le phénomène n’a pas lieu.

Non-ſeulement les vapeurs aqueuſes & l’air adhèrent à tous les corps, mais encore tous les fluides ſenſibles que nous connoiſſons, tels que l’eau, le vin, l’eſprit-de-vin, l’huile & les différens corps oléagineux ; car toutes les ſubſtances qui ont été plongées pendant quelque temps dans ces fluides, en reſtent mouillées, quoiqu’on faſſe des efforts pour les en ſéparer par des ſecouſſes.

Il eſt probable que les autres fluides, tels que le fluide magnétique, le feu, le fluide électrique, les gaz divers, &c., adhèrent également à tous les corps.

La cauſe de cette adhérence eſt, ſans contredit, l’attraction qui règne entre toutes les parties de la matière ; voyez le mot Attraction. Cette force générale, qui maîtriſe tous les corps & toutes leurs parties, produit l’union de toutes les parties de matière, ſoit entr’elles, dans un même corps, ſoit entre différens corps, lorſque les uns & les autres ſont dans la ſphère d’activité de leur attraction réciproque.

L’eau eſt facilement attirée par le verre ; elle y adhère enſuite fortement, & il faut employer des efforts pour l’en ſéparer : auſſi les verres ſont-ils preſque toujours couverts d’une vapeur aqueuſe plus ou moins légère, à moins que l’air environnant ne ſoit d’une grande ſiccité. Tous ceux qui ſe ſont adonnés aux expériences d’électricité, en ſont convaincus par un grand nombre d’obſervations. Les phénomènes des tuyaux capillaires le démontrent encore d’une manière bien ſûre. Voyez Tuyaux capillaires : on y prouvera que l’adhérence ou l’attraction qui règne entre les molécules de l’eau, eſt moins forte que celle qui a lieu entre les parties de l’eau & les parties du verre.

Quoiqu’on ne puiſſe douter qu’il n’y ait une union entre toutes les parties d’un même corps, laquelle ſoit un effet d’attraction, & qu’en ce ſens on ne puiſſe dire qu’il y a entr’elles une adhérence, cependant il vaut mieux, ainſi que nous l’avons obſervé au commencement de cet article, employer, pour cette eſpèce d’union des parties, le mot de cohérence. La cauſe de la cohérence eſt la même que celle de l’adhérence ; elles ne diffèrent l’une & l’autre qu’accidentellement ; car, dans la cohérence, les ſurfaces des molécules adhèrent entr’elles, non par un ſeul de leurs côtés, comme dans l’adhérence des grands corps, mais par tous leurs côtés, avec d’autres molécules intégrantes ou conſtituantes. (Voyez Parties intégrantes & constituantes) ; c’eſt ce qui rend la cohérence plus forte.

On regarde encore comme un effet & une preuve de l’adhérence des corps, pluſieurs expériences dont nous allons faire connoître les principales. Si l’on prend deux plans de glace, par exemple, égaux & bien unis, qu’on les preſſe l’un contre l’autre, pour en chaſſer l’air intercepté, il faudra, pour les ſéparer, employer une force très-ſenſible. Cette force ne ſera pas ſeulement égale à celle de la preſſion d’une colonne d’air de même hauteur que celle de l’atmoſphère, & d’une baſe égale à celle de la ſurface des plans de glace, mais encore elle lui ſera ſupérieure. Or, cette ſupériorité de force vient de l’adhérence des plans, produite par l’attraction des ſurfaces ; car elle ſera proportionnelle aux points du contact.

Pour le prouver, prenons deux plans de glace a & b, environnés chacun d’un cercle de cuivre, un peu moins large que l’épaiſſeur de la glace, & auquel on ait ſoudé une lame de cuivre, comme un diamètre, au milieu duquel ſera un crochet. Il eſt évident que cet appareil, qu’on voit repréſenté à la fig. 2e, étant ſuſpendu en c, ſoutiendra, ſous le récipient d’une machine pneumatique où on aura fait le vide, non-ſeulement le poids e, qui eſt égal à la preſſion de la colonne d’air dont nous venons de parler, mais encore le poids g, à-peu-près égal à la force d’adhérence qui a lieu entre les deux plans de glace, & que cette force eſt d’autant plus grande, que la ſurface eſt plus conſidérable.

On cite encore l’expérience de deux balles de plomb, à chacune deſquelles on a retranché un ſegment. Placées l’une ſur l’autre & preſſées fortement, elles ſupportent un poids beaucoup plus grand que celui qui répond à la preſſion de la colonne d’air correſpondante, comme on le montre en les mettant ſous le même récipient, & de la même manière que les deux plans de glace dont on vient de parler. Voyez la figure 3e.

On a objecté que, ſous le récipient de la machine pneumatique, on ne fait jamais de vide parfait ; qu’il y reſte toujours un peu d’air, & que c’eſt à cette petite quantité d’air qu’on doit attribuer cette adhérence. Mais ce qui détruit cette objection, c’eſt que, dans de bonnes machines, on peut raréfier l’air juſquà ce que l’éprouvette ne ſoit qu’en-