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viron un quart de ligne du niveau[1], & que la petite quantité d’air, qui répond à cette élévation du mercure, n’eſt pas capable de ſoutenir, avec le degré d’intenſité qu’on y remarque, les deux plaques de glace, ni les deux balles de plomb, puiſqu’elles ſupportent dans le vide un poids de beaucoup ſupérieur à la preſſion ſuppoſée de cette colonne d’air très-raréfié. Rien n’eſt plus facile que de faire cette comparaiſon, ſelon les différentes plaques & balles qu’on met en expérience ; car on connoit leur diamètre, conſéquemment leur ſurface, qui eſt néceſſairement égale à la baſe de la colonne d’air qu’on ſuppoſe exercer ſa preſſion ; on connoît encore le poids d’un pied & d’un pouce cube de mercure, & par conſéquent celui d’une ligne & d’un quart de ligne cube de mercure. Il ſera donc aiſé d’évaluer l’effort de la preſſion de cette colonne d’air qui ſoutient ce quart de ligne de mercure, & qui eſt abſolument égale à ce poids. Mais le poids qu’on ajoutera pour ſéparer les deux plaques & les deux balles, excède de beaucoup celui qui répond à la preſſion correſpondante des colonnes d’air raréfié qui preſſent les plaques : avec des plaques de deux pouces de diamètre, je l’ai trouvé dix fois plus grand.

Qu’on ne diſe pas qu’outre l’air très-raréfié qui ſe trouve dans le récipient d’une machine pneumatique dont on a fait le vide, il y a encore une matière ſubtile, un fluide très délié qui paſſe, avec la plus grande facilité, au travers des pores du récipient, & comprime les plans de glace l’un contre l’autre ; car ce fluide ſubtile devroit traverſer auſſi aiſément les pores des plans de verre, que ceux du récipient qui eſt de la même matière ; dans ce cas, il ne pourroit exercer contre les plans une preſſion capable de les faire adhérer entr’eux.

De tout ce qu’on vient d’établir, on doit conclure, 1o. que l’attraction eſt la cauſe de l’adhérence des corps, puiſque l’effet de la peſanteur de l’air étant ſupprimé, l’adhérence a encore lieu ; 2o. que la preſſion d’un fluide extérieur, tel que l’air ambiant, augmente de beaucoup cette adhérence mutuelle des corps, comme on le voit dans l’expérience des hémiſphères de Magdebourg. (Voyez Hémisphères de Magdebourg) dans celle des plaques de marbre polies, des plans de glace, des balles de plomb, &c. Si on veut mettre de la préciſion dans la manière d’évaluer ces ſortes d’effets compoſés, il faut diſtinguer les cauſes qui les produiſent, & nommer adhérence proprement dite, l’union des ſurfaces qui dépend de la force attractive ; & application des ſurfaces, preſſion des corps, l’effet qui réſulte de la peſanteur de l’air. Le premier effet doit être regardé comme provenant d’une cauſe intrinſèque, & le ſecond comme le réſultat d’un principe extérieur. Voyez les articles Cohérence, Attraction.

Cette matière étant très-importante, continuons de l’examiner ſous différens rapports ; préſentons quelques détails, afin d’éclaircir & de confirmer les vérités qu’on a établies. Si les ſurfaces qu’on applique les unes ſur les autres, n’ont pas reçu un certain poli, le contact ne ſe faiſant qu’en un petit nombre de points, à cauſe des aſpérités des ſurfaces qui ſont ſaillantes, le degré de cohéſion ſera très-foible ; mais il augmentera ſi on a ſoin d’enduire les ſurfaces d’une matière fluide ou molle, qui rempliſſe les cavités que laiſſent entr’elles les aſpérités. Cet effet eſt un équivalent du poli, puiſqu’il augmente le contact, & que le nombre de points qui ſe touchent eſt alors incomparablement plus grand : auſſi la force d’adhérence devient-elle, dans ce cas, bien plus conſidérable, comme la force attractive elle-même.

Plus les parties des corps mous ou fluides, dont on aura ſoin d’oindre les ſurfaces des corps qu’on veut faire adhérer, ſeront propres à ſe mouler entre les petites éminences des ſurfaces, à en remplir exactement les vides, plus auſſi le contact ſera grand, plus le nombre des petites forces attractives ſera conſidérable, ainſi que l’adhérence totale qui en dépend, parce que les parties du fluide interpoſé ſeront attirées, ſoit entr’elles, ſoit par les parties des corps adhérens[2]. Ces principes peuvent ſervir à expliquer l’effet des colles, des ſoudures, des maſtics & des linimens quelconques.

Si les matières graſſes, dont on ſe ſert pour faire ces linimens, ſont de diverſe nature, la cohéſion entre les mêmes ſurfaces ſera différente. On en dira autant ſi le même liniment a été appliqué aux ſurfaces de différentes eſpèces de corps. La première propoſition n’a pas beſoin de preuve ; car il n’eſt perſonne qui doute que les matières interpoſées ne ſoient plus propres, ſelon leur différente nature, à remplir les cavités qui ſont entre les aſpérités des ſurfaces, & que la cohérence ne dépende de la manière plus ou moins parfaite avec laquelle cette condition ſera remplie, ainſi qu’on vient de le prouver dans le paragraphe précédent. Il ſuffit donc de démontrer ici la ſeconde propoſition, en rapportant pluſieurs expériences de Muſſchenbroeck ſur cet objet.

Ces expériences ont été faites avec des cylindres de différentes matières, dont les diamètres étoient égaux entr’eux, chacun étant de 1 916 de pouces du Rhin ; les ſurfaces circulaires étoient bien planes & polies juſqu’au brillant. Afin de leur communiquer un degré égal de chaleur, on les plongea dans l’eau bouillante. Après les avoir bien eſſuyées, on enduiſit auſſi-tôt leurs ſurfaces avec de la graiſſe de bœuf, qui dut s’inſinuer un peu dans les pores dilatés par la chaleur préparatoire. Enſuite on appliqua ſucceſſivement deux de ces cylindres de même nature par leurs ſurfaces ; &, après les avoir mus

  1. Dans la machine pneumatique de M. Smeaton, l’air eſt mille fois raréfié, & néanmoins l’adhérence des plaques y eſt toujours reſpectivement très-grande.
  2. Pour que cette dernière condition ait lieu, il faut que la couche de fluide ou de matière molle interpoſée n’ait pas trop d’épaiſſeur.