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De la forme d’aigrettes que le fluide électrique prend en débouchant d’un conducteur électriſé dans l’air, il s’enſuit que les liquides qui s’écouleront par des orifices capillaires, préſenteront également cette forme de rayons divergens, & c’eſt ce que l’expérience prouve. Il en ſera de même des gouttelettes d’eau qu’on répandroit ſur la ſuperficie d’un conducteur, ou des petits tas d’une pouſſière quelconque de bois, de farine, de tabac bien ſec qu’on mettroit ſur ce même conducteur ; en approchant la main près de ces endroits, on facilitera l’émigration des aigrettes électriques & l’enlèvement des corps légers ſelon les mêmes directions divergentes. Mais on ne doit pas, dans ces derniers cas, s’attendre à voir des jets de pouſſière bien divergens, trop de cauſes doivent troubler le mouvement primitivement imprimé : ce n’eſt que dans les vaſes électriſés où l’écoulement de l’eau ſe fait par des orifices capillaires. Voyez la figure 8.

Autour du conducteur qu’on électriſe eſt une eſpèce d’atmoſphère formée par le fluide électrique qui l’environne ; elle eſt ſenſible par une impreſſion qu’on reſſent lorſqu’on en approche, & qu’on a comparée à celle d’un petit ſouffle ou vent : c’eſt l’effet du fluide électrique qui entre dans le corps. À cette diſtance, les rayons qui compoſent la maſſe de ce fluide ſont très-épanouis & très-rares ; on les ſent, mais on ne les voit pas. En s’approchant plus près du conducteur électriſé, on les appercevra s’il y a une pointe, réunis en forme d’aigrette : alors l’atmoſphère ne s’étendra pas ſi loin qu’auparavant, la matière électrique, contenue dans le conducteur, ayant moins d’intenſité, à cauſe de la diſſipation faite par la pointe. Si on s’approchoit encore plus près, les rayons étant plus réunis, on auroit une très-petite étincelle, laquelle ſeroit bien plus forte ſi on avoit ôté la pointe. Les aigrettes ne diffèrent donc des étincelles que du plus ou moins ; celles-ci n’ont plus d’intenſité que les aigrettes, qu’à cauſe de la denſité plus grande du fluide électrique qui ſort du conducteur. Cette manière claire d’expliquer les aigrettes a déja été expoſée avec détail dans notre Électricité du corps humain, ſeconde édition, 2 vol. in 8.o

Les aigrettes n’ont lieu que dans l’air ; dans le vide, on n’en voit plus, ainſi que l’expérience le prouve. Si on ſuſpend au conducteur électriſé une eſpèce de petit matras ellipſoïde à deux goulots, dont l’un ſoit fermé par une virole & un crochet A, comme il eſt repréſenté dans la figure 9, & l’autre par une virole & un robinet B ; qu’il y ait dans l’intérieur en C une pointe mouſſe, & en D une chaîne qui pende juſqu’à terre, on appercevra d’abord une aigrette. Mais dès qu’on aura fait le vuide dans ce vaiſſeau, en le viſſant ſur la tétine de la machine pneumatique, & qu’après avoir fermé le robinet on reportera ce petit appareil pour le ſuſpendre de nouveau au conducteur électriſé, on n’appercevra aucune aigrette électrique, mais ſeulement une belle lumière diffuſe qui ſe répandra dans toute la capacité intérieure du matras. Cet appareil eſt bien plus ſimple que celui que M. l’abbé Nollet a repréſenté dans ſes Recherches ſur l’électricité, & qui conſiſte en une grande tringle de fer de quatre pieds de longueur, fixée à une des extrémités d’un matras de verre de quatre à cinq pouces de diamètre, comme on le voit dans la figure 10.

Le vide étant fait dans un de ces vaiſſeaux, des jets plus brillans de lumière paroîtront aux endroits où l’on appliquera les doigts, par exemple, on verra un même courant de lumière très-marqué, ſi le bout de la tige, inſéré dans le vaiſſeau, eſt aſſez près du robinet, ou ſi l’énergie du fluide électrique eſt aſſez grande. Pour produire ce phénomène à volonté, on peut faire paſſer la tige qui ſe termine en crochet A, fig. 9, dans une boîte à cuir : alors on peut facilement augmenter ou diminuer les diſtances, & varier un peu les phénomènes.

Maintenant que nous ſavons que dans le vide il n’y a point d’aigrettes, qu’elles n’ont lieu que dans l’air, & que la réſiſtance de ce fluide eſt néceſſaire pour que la matière électrique, ſortant des corps électriſés, paroiſſe ſous forme d’aigrettes, il eſt néceſſaire de rechercher pourquoi le fluide électrique, dans l’air, affecte cette forme plutôt que toute autre. Car dire, avec pluſieurs phyſiciens, que la forme d’aigrettes que prend la matière électrique, en ſortant d’un corps actuellement électriſé, lui vient de la réſiſtance de l’air qu’elle éprouve en ſortant, c’eſt prendre une circonſtance pour la cauſe de l’effet.

Le fluide électrique eſt compoſé de parties qui ſont toutes douées d’une force répulſive ; les rayons électriques ne ſont formés que par de petits globules lumineux qui ſont ſéparés entr’eux par un intervalle ; chaque ſuite de globules forme les filets ou rayons électriques qui tendent toujours à s’écarter les uns des autres, parce qu’entre les rayons, règne la même force répulſive, qu’entre les globules de chaque rayon, la répulſion étant une propriété conſtante de toutes les parties de la matière, électriques entr’elles. Ceci ſuppoſe que le fluide électrique contenu dans un conducteur qu’on électriſe continuellement, y eſt condenſé. L’air réſiſtant de toutes parts, & les pointes lui donnant un paſſage facile, ainſi que l’expérience le prouve, le fluide électrique ſortira plus aiſément par la pointe. S’il y a, par exemple, vingt rayons dans une aigrette, chacun des vingts globules qui commence la file d’un rayon, percera l’air, en écartant les molécules de l’air qui l’environnent de tous côtés, il ſera aidé dans l’effort qu’il fera, par la ſérie des globules qui le ſuivent ; & ceux-ci trouvant une iſſue libre, & vingt petits canaux, s’il eſt permis de parler ainſi, formés dans l’air, y entreront avec facilité & continueront de s’écouler de cette manière, tant que la ſource fournira de fluide électrique.

Dans le vide, ces rayons n’étant pas obligés de