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Le baromètre eſt un inſtrument qui n’eſt connu que depuis la découverte de la peſanteur de l’air, (Voyez Air ; peſanteur de l’air). On ſait que les anciens attribuoient à l’horreur du vide tous les effets qui réſultent de la peſanteur de l’air ; que Galilée, mécontent de la réponſe qu’il avoit été contraint de faire à un fontainier du grand duc de Toſcane, que dans les pompes aſpirantes l’eau ne s’élevoit pas plus haut que 32 pieds, parce que la nature n’abhorrait le vide que juſqu’à un certain point ; que Galilée, diſons-nous, ſoupçonna enſuite une cauſe mécanique ; & que Toricelli, ſon diſciple, plus heureux, ayant pris un tube fermé par un bout & rempli de mercure, comme nous l’avons expliqué à l’article Air, & à celui Toricelli, fut bientôt convaincu que la peſanteur de l’air étoit cauſe de cette ſuſpenſion du mercure. En effet, en comparant la hauteur de cette colonne avec celle de l’eau élevée dans les pompes, on reconnoît bientôt que ces deux hauteurs ſont en raiſon inverſe de la peſanteur ſpécifique de l’eau & du mercure, & que leur ſuſpenſion eſt due à un contre-poids commun. Cette célèbre expérience fut faite en 1643.

Il paroît, ſuivant MM. de Montucla, de Luc, &c, que Deſcartes n’avoit pas attendu l’expérience de Toricelli pour aſſigner à la peſanteur de l’air, les effets que Galilée attribuoit encore à l’horreur du vide, car on voit dans une lettre écrite par Deſcartes, au père Merſenne, qu’il attribue au poids de l’air l’adhérence des parties des corps, & l’élévation de l’eau dans les pompes, contre le ſyſtême que Galilée avoit établi ſur ce ſujet dans des dialogues dont cette lettre du philoſophe françois eſt une critique (Ren. Deſcartes, epiſtolœ &c, Amſt. 1682. Pars. II. Epiſt. 91). Dans une autre lettre écrite à ce père, il explique auſſi par la même cauſe la ſuſpenſion de l’eau dans certains vaſes percés à leurs deux extrémités, lorſqu’on bouche l’ouverture ſupérieure ; il explique encore de cette manière la ſuſpenſion du mercure dans un tube ſcellé par le haut (Voyez Pesanteur de l’Air ; à l’article Air & à celui de Pesanteur).

Dès que l’expérience de Toricelli & ſa cauſe furent répandues en France par le père Merſenne, qui en fut inſtruit en 1644, par une lettre d’Italie, M. Paſcal chercha à les confirmer par de nouvelles expériences. Il penſa que ſi le poids de l’air dans lui-même étoit la cauſe des phénomènes qu’il obſervoit, le poids de l’eau dans elle-même devoit en produire de ſemblables ; c’eſt-à-dire, que la privation d’eau devoit rompre l’équilibre de la même manière que la privation d’air. Il fit donc toutes les expériences du vide dans l’eau ; il y plongea des ſoufflets, des baromètres, des syphons, des ſeringues, &c., en diſpoſant les choſes de manière que l’air extérieur communiquoit par-tout où devoit ſe faire le vide dans les expériences ordinaires, & que le poids de l’eau repréſentoit celui de l’air : dans toutes ces expériences, les effets furent proportionnels à la hauteur de l’eau.

Mais l’expérience célèbre du Puy-de-Dôme, faite par M. Perrier, d’après le plan de Paſchal, à qui Deſcartes l’avoit indiquée, démontra bientôt de la manière la plus déciſive, que la peſanteur de l’air étoit la cauſe de la ſuſpenſion du mercure dans le tube de Toricelli, puiſque la colonne de mercure y étoit plus haute au bas d’une montagne, & plus courte ſur le ſommet, & proportionnelle aux hauteurs dans les eſpaces intermédiaires, ainſi que nous l’avons expoſé à l’article Air, n°. 111.

M. Perrier qui avoit fait, le 19 ſeptembre 1648, l’expérience du Puy-de-Dôme, obſerva enſuite jour par jour, depuis le commencement de l’année 1649, juſqu’au dernier mars 1651, le tube qui avoit été mis en expérience d’une manière fixe : un de ſes amis à Paris, & Deſcartes, alors à Stockolm, firent auſſi, pendant ce temps, des obſervations correſpondantes, & s’apperçurent que la hauteur de la colonne de mercure varioit continuellement, ſelon la température, les vents, l’humidité & d’autres circonſtances.

Le tube de Toricelli, mis en expérience continuelle, eſt un véritable baromètre, c’eſt-à-dire, un inſtrument propre à faire connoître, & conſéquemment à meſurer les variations de la peſanteur de l’air, &c. ; ainſi, l’invention du baromètre qui n’eſt qu’une application, ou plutôt une conſéquence de la découverte de Toricelli, a dû ſuivre de près l’époque de cette belle expérience. On a prétendu que Otto de Guericke, ayant laiſſé en expérience le tube de Toricelli, s’étoit apperçu des variations en hauteur de la colonne de mercure, ſelon les circonſtances du temps, & avoit regardé cet inſtrument comme propre à les indiquer ; mais cette idée ſi facile, étoit une ſuite naturelle des obſervations de Perrier, de Deſcartes & de Chanut, en ſuppoſant qu’ils ne l’euſſent pas eue, ce qui eſt difficile à croire.

Quoiqu’il en ſoit, la preſſion que l’air de l’atmoſphère exerce ſur la ſurface du mercure contenu dans la cuvette ou réſervoir E D F, figure 160, ſoutient la colonne de mercure renfermée dans le tube ; & l’air de l’atmoſphère preſſant plus ou moins dans un temps que dans un autre, ſelon ſes différentes qualités, il eſt néceſſaire que cette colonne ſoit tantôt plus haute, tantôt plus baſſe.

Des différentes eſpèces de baromètre. L’expérience de Toricelli étoit ſi ſimple, ſi curieuſe, ſi importante & ſi facile à varier, qu’on ne doit pas être étonné que tous les eſprits qui s’étoient dirigés de ce côté ne la reçuſſent avec une eſpèce d’enthouſiaſme & avec le déſir de la tourner & de