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par le feu juſqu’au deſſus des plus hautes montagnes ; & ſi elles ſe meuvent lentement, comment peuvent-elles exercer contre l’air une action ſuffiſante pour diminuer ſenſiblement l’effet de ſon poids ?

19o. L’élaſticité de l’air a auſſi joué un rôle parmi les cauſes qu’on a imaginées au phénomène qui nous occupe. Quelques phyſiciens ont cru que les variations du baromètre étoient produites par des changemens dans l’élaſticité de l’air ; le reſſort de l’air diminuant, l’abaiſſement du mercure dans le baromètre doit avoir lieu. Selon pluſieurs d’entre eux, la cauſe de cet affoibliſſement de l’élaſticité de l’air vient des exhalaiſons ſulphureuſes. Mais comme M. Deluc l’a très-bien remarqué, quelle que soit la cauſe qui affoiblit le reſſort de l’air, ſi elle ne diminue pas en même-temps ſa peſanteur ſpécifique, elle doit produire un effet abſolument contraire ſur la hauteur du mercure ; car le reſſort de l’air étant affoibli, ſon volume doit néceſſairement diminuer l’air voiſin, pour rétablir l’équilibre, & ſe porte néceſſairement dans le lieu où l’air s’eſt ainſi condenſé par le rapprochement de ſes parties, qui par la ſuppoſition ne tendent plus à s’écarter avec la même force.

20o. M. Daniel Bernoulli a imaginé que l’air renfermé dans les grandes cavités de la terre & même dans ſes pores, fait partie de l’atmoſphère libre ; qu’il agit par le moyen de la chaleur interne de la terre, & que la ſortie de cet air fait monter le mercure, & réciproquement ; parce que cet air dilaté par la chaleur, ſe joignant à l’air extérieur, augmente ſa preſſion ſur le baromètre. La diminution de hauteur du mercure eſt, ſuivant lui, l’effet de la même cauſe qui agit en ſens contraire ; c’eſt à-dire, que ſi la chaleur diminue, l’air intérieur ſe condenſe, & l’atmoſphère s’abaiſſant alors pour remplir les cavités, il ne preſſe plus autant ſur le mercure du baromètre.

L’hypothèſe de M. Bernoulli ſuppoſe de grandes variations de chaleur dans les entrailles de la terre ; mais l’expérience prouve au contraire que la température de notre globe eſt toujours ſenſiblement la même. Toutes les expériences du thermomètre faites à de grandes profondeurs le prouvent inconteſtablement. Voyez l’article Température des caves de l’Obſervatoire de Paris, & Thermomètre de température. Si ces grandes variations de chaleur & conſéquemment de dilatations & de condenſations avoient lieu, elles ſeroient ſenſibles à la ſurface de la terre ; on y appercevroit des courans d’air qui s’ouvriroient des paſſages, ſur-tout lorſque dans l’eſpace de peu de jours le baromètre variant de deux pouces, la quatorzième partie de l’atmoſphère ſortiroit des entrailles de la terre ou s’y précipiteroit. D’un autre côté, le baromètre devroit, dans les principes de M. Bernoulli, monter par la chaleur ; & c’eſt le contraire qui arrive. Ajoutons que cette hypothèſe n’indique pas la liaiſon des changemens de temps avec les variations du baromètre, car cet air renfermé dans les cavités de la terre, peut éprouver des condenſations & des dilatations ſans que la pluie ou la ſérénité de l’air en réſulte.

21o. Muſſchenbroek, pour expliquer les variations du baromètre, a réuni la plupart des hypothèſes qu’on vient d’expoſer, mais ce projet n’eſt pas heureux ; car il eſt ſujet à un grand nombre des inconvéniens qu’on a relevés, dans chaque opinion particulière.

22o. Afin de fixer la mémoire ſur ce grand nombre de cauſes qui ont été imaginées ſucceſſivement par les divers phyſiciens, il eſt peut-étre à propos d’en préſenter une eſpèce de tableau. Ces principales cauſes ſont donc : l’augmentation de l’atmoſphère par l’introduction des vapeurs & fa diminution par leur chûte : les variations de la chaleur : les changemens de peſanteur ſpécifique de l’air : l’accumulation ou la diſperſion de l’air, produites par des vents contraires : la différence de preſſion verticale de l’air en mouvement ou en repos : des variations dans l’élaſticité de l’air, auxquelles on a prétendu que la hauteur du baromètre étoit directement proportionnelle : des contractions & dilatations dans le mercure même : des vibrations produites dans les particules d’air par les vents : les tranſports de l’air du ſud au nord & du nord au ſud : l’inclinaiſon plus ou moins grande des vents, par rapport à la ſurface de la terre : le choc des vapeurs contre l’air quand elles montent, & la ceſſation de ce choc quand elles ſont en repos : la diminution du poids de l’air quand la pluie tombe : une agitation occaſionnée dans l’air par les vapeurs : l’augmentation de l’atmoſphère produite par la ſortie de l’air renfermé dans les entrailles de la terre, & ſa diminution dans le cas oppoſé.

Il nous a paru utile de ne pas ſe contenter de donner cette ſimple indication, mais une notice ſuffiſamment détaillée, des diverſes hypothèſes que les phyſiciens ont imaginées pour expliquer les variations du baromètre, comme on l’a fait plus haut. Ceux qui déſireront encore plus de détails & d’étendue, pourront avoir recours à l’ouvrage ſur les modifications de l’atmoſphère, de M. Deluc. La plupart de ces ſentimens ſont preſque oubliés, mais on aime à connoître l’hiſtoire des recherches & des efforts que l’eſprit humain a faits en divers temps, pour ſurmonter les difficultés qui ſe préſentoient à lui. Une diſcuſſion de ces opinions ſert à parvenir au but avec plus de ſûreté, en apprenant à s’éloigner des routes de l’erreur, ſouvent très-ſéduiſantes ; c’eſt ce qu’on a pu remarquer ci-deſſus par les réfutations de quelques-unes de