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couoit le baromètre, & que par conſéquent on faiſoit aller le mercure avec rapidité, tantôt au-deſſus, tantôt au-deſſous du point d’équilibre, la lumière ne ſe montroit que dans la deſcente du mercure, & qu’elle paroiſſoit comme attachée à ſa ſurface ſupérieure. De-là il conjectura que quand par cette deſcente il ſe forme dans un tuyau un plus grand vide que celui qui y étoit naturellement, il peut ſortir du mercure pour remplir ce vide en partie, une matière très-fine, qui étoit auparavant renfermée & diſpersée dans les interſtices très-étroits de ce minéral. D’ailleurs il peut entrer dans ce même moment par les pores du verre, plus grands apparemment que ceux du mercure, une autre matière moins déliée, quoique beaucoup plus déliée que l’air, & la matière ſortie du mercure, & toute raſſemblée au-deſſus de ſa ſurface ſupérieure, venant à choquer impétueuſement celle qui eſt entrée par les pores du verre, y fait le même effet que le premier élément de Deſcartes ſur le ſecond, c’eſt-à-dire, produit la lumière.

Mais pourquoi ce phénomène n’eſt-il pas commun à tous les baromètres ? Pour l’expliquer, M. Bernoulli imagina que le mouvement de la matière ſubtile qui ſort du mercure avec impétuoſité, lorſqu’il deſcend, pouvoit être détruit, affoibli, interrompu par quelque matière hétérogène au mercure qui ſe ſeroit amaſſée ſur ſa ſurface ſupérieure, & y auroit été pouſſée par ce minéral plus peſant qu’elle ; que cette eſpèce de pellicule ne manquoit pas de ſe former ſur le mercure, dès qu’il n’étoit pas extrêmement pur ; que même, quelque pur qu’il fût de lui-même, il contractoit en peu de temps, par le ſeul attouchement de l’air, les ſaletés qui compoſent cette pellicule ; qu’afin qu’il les contractât en un inſtant, il ne falloit que le verſer en l’air de haut en bas, comme l’on fait ordinairement dans la conſtruction des baromètres ; que ce mouvement lui faiſoit ramaſſer dans l’air plus de ſaletés qu’il n’auroit fait durant pluſieurs jours étant en repos ; qu’enfin cela ſupposé, une méthode ſûre pour avoir un baromètre lumineux, étoit de le faire d’un mercure bien pur, & qui ſur-tout, quand on le feroit entrer dans ſon tuyau, ne traverſât point l’air & ne s’y ſouillât point.

Le ſuccès des expériences répondit à tout ce raiſonnement de M. Bernoulli, qu’il avoit fait ſans aucune expérience préalable, excepté peut-être ce qui regardoit la pellicule formée ſur la ſurface du vif-argent.

En effet, ſi on expoſe du vif-argent dans quelque vaſe à l’air libre, on trouvera au bout de quelque temps ſa ſuperficie extérieure trouble & couverte d’une pellicule très-mince, laquelle étant ôtée par le moyen d’une plume nette, la ſurface redevient polie : mais ſi on le laiſſe encore expoſé à l’air, une autre pellicule, d’abord ſemblable à une toile d’araignée qui s’épaiſſit avec le temps, s’étendra par-deſſus. Cette pellicule paroît au microſcope fort ſemblable à de l’argent battu en feuille : en effet, ce n’eſt qu’un tiſſu très-fin d’une eſpèce de mouſſe ou de poil très-fin, qui, ſéparée du vif-argent par l’agitation de l’air, eſt repouſſée à la ſurface ; & ſe mêlant là avec les corps hétérogènes que l’air y amène, forme cette eſpèce de pellicule. Cette pellicule paroît plus ou moins dans toutes les liqueurs expoſées à l’air ; elle eſt fermée par les corpuſcules qui s’exhalent & retombent enſuite deſſus.

Si on laiſſe tomber de la hauteur d’un pied ſeulement une goutte de vif argent le plus net qu’il ſoit poſſible, dans un vaſe où il y en ait auſſi de ſi net, que la ſuperficie ſoit polie comme celle d’un miroir, la goutte tombant ſur cette ſurface polie, la ternira à lendroit où elle tombera ; preuve que toute nette qu’elle étoit, elle avoit été infectée de l’impureté de l’air : ainſi quand on fait tomber le vif-argent goutte-à-goutte dans le baromètre, ces gouttes tombant les unes ſur les autres, font crever les petites pellicules, qui bientôt après remontent à la ſurface, & ſe mettent entre la ſurface convexe du mercure & la ſurface concave du verre. En effet, ſi le tuyau étant ainſi rempli on le renverſe pour en faire un baromètre en le fermant du bout du doigt, on verra que le mercure, en deſcendant dans le tuyau, laiſſera en arrière des reſtes de cette pellicule attachés aux parois du verre.

En ſuppoſant que cette pellicule couvre exactement les pores de la ſurface du vif-argent, il ſera aiſé de concevoir qu’elle bouche le paſſage à la matière renfermée dans le mercure, de même que le vif-argent qui paſſe par les peaux de preſque tous les animaux, n’y ſauroit paſſer quand on n’en ôte pas cette peau fine que les médecins appellent épiderme ou cuticule.

Rien de ſi nuiſible à l’apparition de cette lumière que l’humidité ; car ſi l’on fait entrer de l’eau dans le tuyau, bien diſpoſé d’ailleurs, avec le vif-argent ou même de l’eſprit-de-vin rectifié (quoique l’eſprit-de-vin ſoit par lui-même inflammable), ces matières ſe mettant dans le tuyau au haut du vif-argent, font l’effet de la petite pellicule, qui eſt d’empêcher la lumière. Il faut donc que le tuyau ſoit bien dégraiſſé & net en dedans. Cela poſé, voici deux manières pour empêcher que le mercure ne contracte d’impuretés en paſſant dans le tuyau.

Première manière. Pour cela il faut plonger