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Plus les batteries ſont conſidérables, plus elles exigent de temps pour être chargées, autant qu’elles peuvent l’être : quand elles ſont conſidérables, il faut pluſieurs heures. On connoît qu’elles ſont ſuffiſamment chargées, lorſqu’on entend un bruiſſement, une crépitation produite par la tendance qu’a le fluide électrique pour paſſer de l’intérieur à l’extérieur. On emploie encore à cet effet un petit électromètre de Henley, qu’on peut viſſer en P ou à tout autre endroit auquel on aura pratiqué un écrou.

Si une ſeule jarre eſt caſſée, on ne peut charger la batterie, & il faut ôter cette jarre ; parce que ſans cette précaution les ſurfaces intérieures communiqueroient avec les ſuperficies extérieures, & le fluide électrique ne pourroient pas s’accumuler dans les jarres ; lorſqu’on ſoupçonne qu’une jarre eſt percée ou felée, on doit l’éprouver auparavant, afin de ne pas perdre un temps conſidérable à tourner la machine. On peut encore s’aſſurer s’il y a une jarre caſſée, à-peu-près de la même manière qu’on connoît ſi une bouteille de Leyde eſt fendue, en mettant en contact la tige de la jarre ou de la bouteille avec le conducteur électrique, & faiſant tirer des étincelles du conducteur. Si la jarre eſt fendue, le fluide électrique ſe diſſipe par le fond extérieur de la bouteille, & on ne tire pas d’étincelle du conducteur, comme on en tiroit avant le contact.

Pour qu’une batterie ſoit bonne, elle doit être compoſée de jarres électriques bien faites ; le verre blanc, comme le cryſtal, & peu épais, eſt préférable à celui qui n’auroit pas ces qualités. Les feuilles d’étain doivent être bien collées, afin que le contact ſoit le plus grand poſſible. Il eſt bon de mettre un couvercle de bois, bien ajuſté, & maſtiqué ſur l’ouverture de chaque jarre ; il eſt encore à propos de paſſer un vernis à la cire d’Eſpagne, par exemple, ſur la ſurface non étamée de chaque jarre. Par ces précautions on empêche la diſſipation du fluide électrique que l’humidité de l’air abſorbe facilement par une large ouverture. Chaque couvercle eſt percé dans le milieu pour laiſſer paſſer les tiges verticales de cuivre qui entrent dans la jarre, afin d’y tranſmettre le fluide électrique.

Si on n’a pas pris la précaution de paſſer un vernis de cire d’Eſpagne à l’eſprit de vin, au ſuccin, &c, il faut eſſuyer avec ſoin les jarres à l’endroit non étamé ; lorſque le temps eſt humide, il eſt néceſſaire même de les ſécher avec des linges chauds ou auprès du feu. Lorſque le nombre des jarres eſt conſidérable, l’embarras eſt ſi grand qu’on ne peut ſe ſervir de ces batteries que dans les bons temps, où il n’y a pas d’humidité ; mais des batteries de 2, 4 ou 6 jarres, peuvent toujours être employées avec ſuccès, lorſque la machine eſt bonne, & que le local n’eſt pas humide.

Toutes les expériences d’un cours de phyſique, même celles qui ſont relatives à la fuſion des métaux, peuvent ſe faire avec deux grandes & bonnes jarres dans les bons temps, ou avec quatre jarres ſi elles ſont moins grandes. Il eſt à propos que dans un cabinet de phyſique, il y ait pluſieurs batteries de 2, 4, 6, 8, &c. jarres électriques ; les jarres ordinaires ſont de neuf à dix pouces de diamètre & de hauteur.

L’expérience prouve que pluſieurs petites jarres, égales en surface à celle de quelques grandes jarres, ne produiſent pas autant d’effet que ces dernières ; la raiſon en eſt que la diviſion d’une ſurface totale en pluſieurs portions de ſurface, favoriſe davantage la diſſipation du fluide électrique dans l’air, où il y a toujours plus ou moins d’humidité. Une glace étamée, comme ſont les carreaux électriques, toutes choſes égales, ne le charge jamais ſi bien, ne conſerve jamais autant le fluide électrique qu’une jarre de même ſurface ; parce que dans le premier cas la diſſipation du fluide électrique eſt plus grande que dans le ſecond. Si quelqu’un a éprouvé le contraire, c’eſt que tout n’étoit pas égal, & que le verre du tableau étoit, par exemple, plus mince que celui de la jarre, ou d’une meilleure qualité. C’eſt ce que j’ai moi même éprouvé de différentes manières (Voyez Bouteille de Leyde, Électricité, Commotion).

La batterie du muſée de Teyler à Harlem, avec laquelle M. Vanmarum a fait pluſieurs expériences intéreſſantes, fut d’abord compoſée de neuf batteries dont chacune contenoit 15 bouteilles. La partie armée de chaque bouteille faiſoit environ un pied quarré : ainſi toute la batterie avoit à-peu-près 130 pieds quarrés. Ces bouteilles, placées dans des caiſſes doublées de plomb, communiquent enſemble. Lorſqu’on veut réunir toutes les batteries, on rapproche toutes les caiſſes, & on les fait communiquer enſemble.

Les expériences ſuivantes donnent une idée de la force de cette grande batterie. Lorſqu’elle ſe décharge le long du bord d’une des bouteilles, elle fond la ſurface du verre, & y produit des traces raboteuſes d’un quart, quelquefois de demi-pouce de largeur. La décharge perce 192 feuilles de papier, & y fait un trou d’un dixième de pouce de largeur. On fit paſſer la décharge à travers un cylindre de buis de trois pouces de diamètre & autant de hauteur ; des trous d’un pouce de profondeur avoient été pratiqués dans les centres des baſes de ce cylindre pour y placer deux fils de laiton pour conducteur. Le cylindre fut fendu en deux pièces égales ; on a calculé ſur d’autres cylindres ſemblables, qu’il avoit fallu une force de 5535 livres pour fendre celui-ci.

M. Naime avoit fondu par la décharge électrique trois pieds neuf pouces de fil de fer, avec