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l’empereur Frédéric, tenue à Mayence en 1181, atteſte que les pilotes français faiſoient uſage d’une aiguille aimantée, qu’ils nommoient la marinette, parce que, dans les temps nébuleux, elle indiquoit aux marins l’étoile polaire (Voyez Abbat Uſperg, & Fauchet antiquit.) Mais cette aiguille n’étoit alors que couchée ſur du liége ou ſur deux brins de paille flottans ſur l’eau. Bientôt après on ſuſpendit l’aiguille ſur un pivot. Dans le quatorzième ſiècle, on plaça ſur l’aiguille la roſe des vents, c’eſt-à-dire, un carton diviſé en 360 degrés, ſur lequel on avoit marqué les principaux vents.

On ignore le véritable auteur de l’invention de la bouſſole. Les Italiens prétendent que Flavio Gioïa conſtruiſit à Melphi, au royaume de Naples, la première bouſſole qui ait paru. Les Français ſoutiennent que, dès le douzième ſiècle, on trouve chez eux l’uſage de l’aiguille aimantée pour régler la navigation, & que la fleur-de-lis, qu’on met par-tout pour déſigner le nord, prouve que les autres nations ont reçu d’eux ce précieux inſtrument. Les Anglois, renonçant à l’honneur de la découverte, s’attribuent celui du perfectionnement de la bouſſole amenée à une forme plus commode, en diſant qu’on lui donne, en beaucoup d’endroits, le nom de compas de mer (mariner’s compaſs). En vain quelques-uns citent-ils ici les Chinois qui, encore aujourd’hui, font nager ſur l’eau l’aiguille aimantée, en la plaçant ſur un ſupport de liége ; il eſt probable que les Vénitiens qui alloient aux Indes ou à la Chine par la mer rouge, ont fait connoître, dès le treiſième ſiècle, cette précieuſe découverte juſqu’au fond de l’Aſie.

Aiguille de déclinaison. L’aiguille de déclinaiſon eſt celle qui indique la déviation que fait du vrai nord l’aiguille aimantée, & la quantité de cette aberration, ſoit vers l’eſt, ſoit vers l’oueſt. Si l’aiguille avoit une direction conſtante vers le nord ou vers tout autre point de l’horiſon, pourvu qu’elle ne changeât jamais, quand une fois on auroit, par exemple, réglé la route du vaiſſeau pour faire un certain angle avec la direction de l’aiguille, il ſuffiroit de conſerver cet angle toujours le même, dit un célèbre phyſicien, & l’on ſeroit aſſuré que la route ne ſeroit point changée, ou l’on ſauroit du moins de quelle quantité elle eſt ; mais cette direction varie d’un lieu & d’un temps à l’autre ; & il y a, ſur la ſurface du globe de la terre, pluſieurs endroits où l’aiguille aimantée affecte de ſe tourner exactement au nord & au ſud ; & il y en a une infinité d’autres où elle s’en écarte plus ou moins. Cette différence entre la direction de l’aimant & la ligne méridienne du lieu dans lequel on obſerve, forme la déclinaiſon ; & les aiguilles deſtinées à connoître la quantité de cette différence, ſe nomment aiguilles de déclinaiſon.

[Lorſqu’on place une aiguille aimantée ſur une bonne méridienne, enſorte que ſon pivot ſoit bien perpendiculaire & dans le plan de cette méridienne, & qu’on la laiſſe enſuite ſe diriger d’elle-même ſuivant ſon méridien magnétique, on obſerve qu’elle ne ſe dirige pas exactement vers les pôles du monde, mais qu’elle en décline de quelques degrés, tantôt à l’eſt, tantôt à l’oueſt, ſuivant les différens lieux, & en différens temps dans le même lieu.

La découverte de cette déclinaiſon de l’aiguille aimantée, a ſuivi de peu de temps celle de ſa direction. Il étoit naturel de chercher à approfondir les circonſtances de cette vertu directive, & en la mettant ſi ſouvent ſur la ligne méridienne, on ſe ſera bientôt aperçu qu’elle déclinoit. Thévenot aſſure dans ſes voyages, avoir vû une lettre de Pierre Adſiger, écrite en 1269, dans laquelle il eſt dit que l’aiguille aimantée déclinoit de cinq degrés : & M. Deliſle, le Géographe, poſſédoit un manuſcrit d’un pilote de Dieppe, nommé Crignon, dédié en 1534 à Sebaſtien Chabot, Vénitien, dans lequel on fait mention de la déclinaiſon de l’aiguille aimantée ; cependant on fait honneur de cette découverte à Chabot lui-même, à Gonzales de Oviedo, à Robert Normann, à Dalencé, & autres.

Il paroît, au reſte, que cette découverte étoit très connue dans le xvj. ſiècle ; car Hartmann l’a obſervée en Allemagne de 10d 15m en l’année 1536. Dans le commencement on attribuoit cette déclinaiſon de l’aiguille à ce qu’elle avoit été mal aimantée, ou à ce que la vertu magnétique s’affoibliſſoit ; mais les obſervations réitérées ont mis cette vérité hors de doute.

La variation de la déclinaiſon, c’eſt-à-dire, ce mouvement continuel dans l’aiguille aimantée, qui fait que dans une même année, dans le même mois, & même à toutes les heures du jour, elle ſe tourne vers différens points de l’horiſon ; cette variation, dis-je, paroît avoir été connue de bonne-heure en France. Les plus anciennes obſervations ſont celles qui ont été faites en 1550 à Paris ; l’aiguille déclinoit alors de 8d vers l’eſt ; en 1580 de 11d 30m vers l’eſt ; en 1610 de 8d 0 vers l’eſt, juſqu’à ce qu’en 1625, Gellibrand a fait en Angleterre des obſervations très-exactes ſur cette variation.

Pour obſerver commodément la déclinaiſon de l’aiguille aimantée, il faut tracer d’abord une ligne méridienne bien exacte ſur un plan horiſontal, dans un endroit qui ſoit éloigné des murs, ou des autres endroits où il pourroit y avoir du fer ; enſuite on placera ſur cette ligne la boîte graduée d’une aiguille bien ſuſpendue ſur ſon axe, en ſorte que le point O de la graduation ſoit tourné & poſé bien exactement ſur la méridienne du côté du nord. On aura ſoin que la boîte ſoit bien horiſontale ſur le plan, & que rien n’empêche la liberté des vibrations de l’aiguille ; alors l’extrémité B de l’aiguille marquera ſa déclinaiſon, qui