Page:Encyclopédie méthodique - Physique, T1.djvu/62

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
48
AIG

d’un morceau d’excellente mine de fer, qui rendoit 23 livres de fer par chaque quintal (110 liv.), ſans que l’aiguille en ait été ſenſiblement dérangée. Mais il y a d’autres cauſes inconnues, dépendantes ſans doute des météores, qui dérangent ſenſiblement l’aiguille aimantée : par exemple, à la latitude de 41 degrés 10 minutes du nord, & à 28 degrés 0 minutes de longitude du cap Henri, en Virginie, le 2 ſeptembre 1724, l’aiguille aimantée devint d’une agitation ſi grande, qu’il fut impoſſible de ſe ſervir de la bouſſole pour faire la route ; & on eut beau mettre pluſieurs aiguilles en différens endroits du vaiſſeau, & en aimanter quelques-unes de nouveau, la même agitation continua & dura plus d’une heure, après quoi elle ſe calma, & l’aiguille ſe dirigea comme à l’ordinaire.

Il y a quelque apparence que le grand froid détruit, ou du moins ſuſpend la vertu directive de l’aiguille aimantée. Le capitaine Ellis rapporte dans ſon voyage à la baie d’Hudſon, qu’un jour que ſon vaiſſeau étoit environné de beaucoup de glace, ſes aiguilles aimantées perdirent entièrement leur vertu directive ; que pendant que l’une ſuivoit une certaine direction, l’autre en marquoit une toute différente, & que pas une ne reſta long-temps dans la même direction ; qu’il tâcha de remédier à ces accidens, en touchant ſes aiguilles à un aimant artificiel : mais qu’il y perdit ſes peines, & qu’elles perdoient en un moment la vertu qu’elles acquéroient par ce moyen ; & qu’il fut bien convaincu, après pluſieurs eſſais, que ce dérangement des aiguilles ne pouvoit être corrigé par l’attouchement de l’aimant ; que le moyen qui lui réuſſit le mieux pour remédier à cet accident, fut de placer ſes aiguilles dans un lieu chaud, où elles reprirent effectivement leur activité, & pointèrent juſte comme à l’ordinaire : d’où il conclut que le froid exceſſif, cauſé par les montagnes de glace dont il étoit environné, en reſſerrant trop les pores des aiguilles, empêchoit les écoulemens de la matière magnétique de les traverſer, & que la chaleur, dilatant ces mêmes pores, rendoit la liberté au paſſage de cette même matière.]

Une aiguille aimantée étant un véritable aimant artificiel qui jouit de toutes les propriétés de l’aimant naturel, a conſéquemment une vertu attractive qui s’étend à une diſtance plus ou moins grande. Si donc on ſuppoſe deux aiguilles aimantées, librement ſuſpendues, & ſe trouvant dans leur ſphère d’activité réciproque, elles agiront l’une ſur l’autre, & leur direction primitive & naturelle en ſera altérée à proportion de leur mobilité ſur le pivot, de leur degré de magnétiſme, de la proximité des centres des bouſſoles, & de l’angle que fait avec les aiguilles la ligne qui joint les centres. M. Blondeau, dans un mémoire inſéré dans le tome premier des mémoires de l’académie de marine, a examiné dans quel degré de chaque circonſtance le dérangement étoit nul, afin qu’on pût ſe régler en conſéquence lorſqu’on veut employer deux bouſſoles à côté l’une de l’autre, comme dans les habitacles des vaiſſeaux, ou afin de décider ſi l’on doit n’en employer jamais qu’une. Une des conſéquences les plus importantes que ce phyſicien ait tirées, c’eſt que ſi l’on veut continuer à tenir deux bouſſoles dans l’habitacle, il faut mettre entre leurs centres au moins trois pieds de diſtance, tant que les bouſſoles ne ſeront pas plus parfaites que celles qui ſont fabriquées ordinairement dans nos ports, & davantage à meſure que cette perfection deviendra plus grande par rapport au magnétiſme des aiguilles & quant à leur mobilité.

Des maſſes de fer, placées proche de l’aimant, produiroient de ſemblables perturbations dans la direction de l’aimant ; c’eſt pourquoi il faut en éloigner les aiguilles de bouſſole, de ſorte que les premières ſoient hors de la ſphère d’activité des aiguilles. Voyez Boussole & Aimant, Attraction.

Le cuivre jaune a une influence ſur la direction de l’aiguille aimantée, & conſéquemment on doit l’en éloigner ſuffiſamment. Pluſieurs faits prouvent cette vérité. M. Dulac, profeſſeur d’hydrographie à Rouen, & M. le chevalier d’Angos, obſervèrent un graphomètre fait à Paris par le ſieur Canivet, dont l’aiguille aimantée tournoit avec l’inſtrument, & ſe fixoit indifféremment ſur un point ou ſur un autre. Ils firent aimanter cette aiguille pluſieurs fois ; elle produiſit toujours le même phénomène. En lui préſentant un barreau aimanté, & en le retirant enſuite, l’aiguille reſtoit au point où on l’amenoit, & on la fixoit même à douze degrés de ſa véritable ſituation. On préſenta enſuite de très-près un compas de proportion de cuivre jaune à l’aiguille de la bouſſole, & auſſi-tôt cette aiguille ſuivit les mouvemens du compas. M. d’Angos prit enſuite du cuivre jaune plus matériel, & il amena l’aiguille juſqu’à faire un tour entier.

Cet effet vient de ce que le zinc ou la calamine, qui entre dans la compoſition du cuivre jaune, contient du fer. On doit donc proſcrire le cuivre jaune des bouſſoles, & de toutes les boètes ou appareils qui renferment des aiguilles aimantées ; ou, ſi on ne veut pas en abandonner l’uſage, il faut eſſayer, chaque fois, le cuivre dont on deſire ſe ſervir. L’académie des ſciences a reçu pluſieurs obſervations ſemblables à celle qu’on vient de rapporter. On s’eſt auſſi aperçu en Angleterre du même fait ; car à préſent on n’y conſtruit preſque plus de bouſſole en cuivre. Voyez Aimant, première propriété, attraction.

L’uſage de l’aiguille aimantée étant ſi avantageux, on doit être curieux d’en connoître la première époque. Un poète du douzième ſiècle, Guyot de Provins, qui ſe trouva à la cour de

l’empereur