Page:Encyclopédie méthodique - Physique, T1.djvu/676

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principaux objets de ſes études. Il retrouva le miroir d’Archimède, & il en forma un d’un grand nombre de petits plans de glace, tellement mobiles ſur des montures particulières, qu’on pouvoit leur donner le degré d’inclinaiſon néceſſaire pour que la totalité de ces petits miroirs formât un grand miroir concave, capable de réfléchir dans un foyer déterminé tous les rayons du ſoleil qui y étoient reçus. C’eſt ainſi qu’il inventa l’art qu’employèrent Proclus & Archimède, pour embraſer au loin des vaiſſeaux. Nous en parlerons avec détail en ſon lieu. On connoît ſes lentilles à échelon. Son Mémoire ſur les couleurs accidentelles contient pluſieurs expériences curieuſes ; nous rapporterons les principales à l’article Couleurs. Il a donné des recherches ſur le Strabiſme, &c.

M. de Buffon traduiſit la ſtatique des végétaux, de Halles. La manière-dont les arbres croiſſent, la production des différentes couches qui concourent à la formation du bois, &c, l’occupèrent. Il propoſa, comme moyen propre à augmenter conſidérablement la force du bois, d’écorcer l’arbre du haut en-bas, dans le moment où il eſt en sève, & de le laiſſer sécher entièrement ſur pied avant de l’abattre. Vitruve, parmi les anciens, & Eveling, parmi les modernes, ainſi que l’obſerve M. Brouſſonnet dans ſon éloge de Buffon à la ſociété d’Agriculture, avoient fait mention de ce procédé.

C’eſt à cette occaſion que M. de Buffon eut des démêlés avec M. Duhamel du Monceau. Celui-ci, naturellement confiant, communiqua au premier les eſſais qu’il avoit faits lui-même dans ſes terres de Gâtinois, pour l’engager à les répéter à Montbard. M. Duhamel, entendant lire, à la rentrée de l’académie, un mémoire où M. de Buffon avoit recueilli, en abrégé, ce qu’il y avoit de plus intéreſſant & de plus remarquable dans les mémoires qu’il lui avoit prêtés, en témoigna ſa ſurpriſe, & s’en plaignit hautement. M. de Buffon, pouſſé à bout par les reproches qu’il reçut, lui dit pour toute réponſe qu’il s’emparoit du bon par-tout où il le trouvoit. Ce procédé donna lieu à un refroidiſſement ſenſible entre les deux académiciens, qui ne fit qu’augmenter enſuite, lorſque M. de Buffon fut pourvu de la place d’intendant du jardin du roi, pendant un voyage de M. Duhamel, à qui elle avoit été auparavant promiſe.

Mais l’Hiſtoire Naturelle eſt la ſcience à laquelle il a paru ſe conſacrer. On connoît ſon Hiſtoire Naturelle générale & particulière, avec la deſcription du cabinet du roi ; ouvrage qui a ſi fort étendu parmi nous le goût de cette ſcience. C’eſt en liſant les ouvrages de M. de Buffon, dit M. Vicq-d’Azyr, dans l’éloge qu’il en a fait, que l’on éprouve toute la puiſſance du talent qui les a produits, & de l’art qui les a formés. « Avant de parler de l’homme & des animaux, M. de Buffon devoit décrire la terre qu’ils habitent, & qui eſt leur domaine commun ; mais la théorie de ce globe lui parut tenir au ſyſtême entier de l’univers, & différens phénomènes, tels que l’augmentation ſucceſſive des glaces vers les Poles, & la découverte des oſſemens des grands animaux dans le Nord, annonçant qu’il avoit exiſté ſur cette partie de notre planète une autre température. M. de Buffon chercha, ſans la trouver, la ſolution de cette grande énigme dans la ſuite des faits connus. Libre alors, ſon imagination féconde oſa ſuppléer à ce que les travaux des hommes n’avoient pu découvrir ; il dit avec Heſiode : vous connoîtrez quand la terre commença d’être, & comment elle enfanta les hautes montagnes. Il dit avec Lucrèce : j’enſeignerai avec quels élémens la nature produit, accroît & nourrit les animaux ; & ſe plaçant à l’origine des choſes : un aſtre, ajouta-t-il, a frappé le ſoleil ; il en a fait jaillir un torrent de matière embraſée dont les parties, condenſées inſenſiblement par le froid, ont formé les planètes ; ſur le globe que nous habitons, les molécules vivantes ſe ſont compoſées de l’union de la matière inerte avec l’élément du feu ; les régions des poles, où le refroidiſſement a commencé, ont été dans le principe la patrie des plus grands animaux ; mais déjà la flamme de la vie s’y eſt éteinte ; & la terre, ſe dépouillant par dégrès, de ſa verdure, finira par n’être plus qu’un vaſte tombeau ».

M. de Buffon cherche enſuite dans ſes premiers diſcours, parmi les lieux les plus élevés du globe, quel fut le berceau du genre humain ; il y peint les premiers peuples s’entourant d’animaux eſclaves ; des colonies nombreuſes ſuivant la direction & les pentes des montagnes, qui leur ſervent d’échelons pour deſcendre au loin dans les plaines, & la terre ſe couvrant, avec le temps, de leur poſtérité. Il demande s’il y a des hommes de pluſieurs eſpèces, & fait voir que depuis les Zones froides, que le Lapon & l’Eskimau partagent avec les phoques & les ours blancs, juſqu’aux climats que diſputent à l’Africain le lion & la panthère, la grande cauſe qui modifie les êtres eſt la chaleur. L’on y démontre que ce ſont ſes variétés qui produiſent les nuances de la couleur, & les différences de la ſtature des divers habitans du globe, & que nul caractère conſtant n’établit entr’eux des différences déterminées ; d’un pole à l’autre, les hommes ne forment donc qu’une ſeule eſpèce, ils ne compoſent qu’une même famille.

On avoit tant écrit ſur les ſens, que la matière paroiſſoit épuiſée ; mais on n’avoit point indiqué l’ordre de leur prééminence dans les diverſes claſſes d’animaux. C’eſt ce que M. de Buffon a fait ; & conſidérant que les rapports des ſenſations dominantes doivent être les mêmes que ceux des organes, qui en ſont le foyer, il en a conclu que l’homme, inſtruit ſur-tout par le toucher, qui eſt