Page:Encyclopédie moderne ou Bibliothèque, 2e éd., T01.djvu/101

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de justice. S’il y en avait, disait-il, eUe serait fondée ou sur le droit positif ou sur le droit naturel. Or, selon sa doctrine, elle n’est fondée ni sur le droit positif, qui - ;arie selon les temps et les lieux, et que chaque peuple accommode à son avantage ; ni sur le droit naturel, qui n’est autre chose qu’un penchaut que la nature a donné à tous les êtres animés vers ce qui leur est utile ; et l’homme ne peut se régler selon ce penchant sans commettre mille injustices ; d’où il résulte que le droit naturel ne peut être le fondement de la justice. Par exemple, d’après Carnéa- . des, nuire à son semblable, être cause de sa mort, c’est agir contre la justice. Que fera l’homme juste dans un naufrage ?

Si un plus faible que lui s’empare 

d’une planche pour se sauver, ne la lui arrachera-t -il pas pour se sauver lui-même ? Ce sera prudence de sa part, autrement sa perte est assurée ; au contraire, s’il aime mieux périr que de causer la perte de son compagnon , c’est un fou, un insensé. De là Carnéades concluait qu’il n’y a point de justice : car une vertu qui agit contre la prudence et contre la raison ne peut passer pour juste. L’école académique ayant pris une nouvelle direction sous Philon et Antiochos , ce changement les fit regarder comme auteurs d’une quatrième et d’une cinquième académie. Ils adoptèrent successivement un langage plus hypothétique, et se montrèrent médiateurs entre les stoïciens et les sceptiques. Quant à Philon , en continuant à soutenir que les objets réels ne peuvent être connus par cette perception compréhensive que les stoïciens ont érigée en criterium, il admit que de leur nature ils sont susceptibles d’~e connus. Ce philosophe avait remarqué qu’une conséquence peut être vraie , quoiqu’die se rattache à une supposition fausse. Il distinguait trois sortes de vérités : ~ o celles qui sont déduites d’une proposition vraie elle-même dans le fait ; comme, s’il fait jour, on jouit de la lumière ; 2" celles qui sont déduites d’une proposition fausse, mais comme conditionnelle seulement ; par exemple, si la terre vole, la terre elt ailée ; 5° celles enfin dans lesqueUes la conclusion présente non-seulement une vérité hypothétique, mals une vérité réelle , malgré le vice de la supposition ; comme, si la terre vole, elle existe. Philon aurait donc distingué les vérités hypothétiques des vérités de fait , et admis à la fois les unes et les autres. Antiochos, disciple de Philon , se montrant d’abord académicien très-zélé , soutint la doctrine de Carnéades ; mais depuis il changea de sentiment : après avoir établi le doute , il se déclara pour la réalité des connaissances humaines. Antiochos .fit passer dans l’académie quelques dogmes des stoïciens qu’il attribuait à Platon , soutenant que la doctrine de ces philosophes, loin d’être nouvelle, n’était qu’une réforme de l’ancienne académie. Il publia en outre un ouvrage contre Philon son maitre, ou plutôt contre lui-même , puisque cette doctrinequ’il combattait, il l’avait longtemps enseignée et défendue par de savants écrits. En cela il montrait combien les hommes sont éloignés de pouvoir jamais être assurés s’ils peuvent savoir ou non quelque chose de certain. o ; 9 ;tized by