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puie en même tems légerement, fera cheminer le berceau d’un bout à l’autre de la ligne de E vers H, en laissant en chemin faisant l’empreinte de ses dents ggg, fff.

9. Exemple de gravure en maniere noire. La planche ayant été grainée, comme il a été dit, rend à l’impression un fond extrèmement noir par-tout, tel qu’il subsiste encore derriere la boule; on grave sur ce fond, en usant le grain avec le racloir, fig. 4. ou avec le grattoir x x, fig. 5. & 6. Pl. I. Le brunissoir sert aussi à éteindre le grain & à polir les plus grands clairs. Ces outils ne servent qu’à former les reflets, les demi-teintes qui passent de l’ombre à la lumiere, & les lumieres. On ménage le fond pour exprimer les ombres & les touches les plus fortes. Cet exemple nous a paru suffisant en ce qu’il réunit le principe général de l’ombre, du reflet, de la demi-teinte, & de la lumiere. Voyez l’article Gravure en maniere noire, &c. comment on calque.


PLANCHE VIII. Gravure en maniere de crayon.

La Gravure en maniere de crayon, est l’art d’imiter ou de contrefaire sur le cuivre les desseins faits au crayon sur le papier. Le but de cette maniere de graver est de faire illusion, au point qu’à la premiere inspection le vrai connoisseur ne sache faire la différence du dessein original d’avec l’estampe gravée qui en est l’imitation. On sent bien que l’utilité de ce genre de graver est de multiplier les exemples dessinés que nous ont laissé les maîtres célebres qui possedoient ce qu’on appelle la belle maniere de dessiner relativement à la pratique du crayon; avantage supérieur à tous les autres genres de gravure pour former des éleves dans la pratique du dessein.

Quel secours les jeunes commençans ne recevront-ils pas de cette nouvelle découverte? Combien d’éleves éloignés des grandes villes, le centre des arts, qui ne pouvant se procurer des desseins originaux des Raphaëls, des Caraches, des Bouchardons, des Vanloo, &c. passent les premieres années de leurs études à dessiner d’après des estampes gravées en taille-douce, & acquierent par-là une maniere de dessiner seche, dure, & arrangée, si opposée au bon goût du crayon & à l’effet de la nature? Tous ces obstacles à leur avancement ne subsisteront plus; en multipliant les moyens de s’instruire, on a applani les premieres difficultés de l’art, on l’a rendu plus accessible, moins rebutant.

Ce genre de gravure ne s’exécute point avec des tailles de burin comme la gravure en taille-douce, mais par un mélange de points variés & sans ordre, comme plus propres à imiter cette espece de grainé occasionné par le crayon sur un papier plus ou moins doux. Chaque coup de crayon sur le papier doit être considéré comme une infinité de points réunis, & ces points ne sont autre chose que les éminences du grain du papier sur lesquels le crayon se dépose en passant dessus.

Le cuivre dont on se sert ayant été bruni & verni, comme il a été dit pour la gravure en taille-douce, on fera contre-épreuver le dessein que l’on veut imiter, sur le vernis de la planche. Si le dessein original ne peut pas se contre-épreuver, on en prendra un calque à la sanguine sur du papier vernis ou huilé, & ce calque tiendra lieu de dessein pour transmettre tous les traits de l’original sur le vernis. Cela posé, on formera les contours de son objet a a, fig. 14. avec des points plus ou moins empâtés les uns avec les autres, suivant la finesse ou la force du coup de crayon indiqué par l’original. On se sert pour former ces points, des pointes 1, 2, 3. On établit ensuite toutes les masses d’ombres & les reflets, en exprimant d’abord toutes les hachures dominantes, c’est-à-dire, par exemple, que si l’on avoit une masse d’ombre semblable à la fig. 11. on la considerera sous deux aspects différens; 1°. sous celui de la fig. 12. représentant les hachures dominantes qui servent à indiquer la perspective de l’objet; 2°. sous celui de la fig. 13. qui n’offre que le fond grainé qui sert dans les masses d’ombres à assourdir & à colorer, & en même tems à brouiller les hachures qui interromproient la tranquilité qu’exige la privation totale de la lumiere.

Les demi-teintes seront formées de hachures formées de points ou par des adoucissemens grainés, suivant ce qu’indiquera l’original; & les touches les plus vigoureuses seront empâtées par des points confondus les uns avec les autres. La fig. 14. représente une ébauche faite à l’eau-forte, suivant l’ordre des opérations que nous venons d’établir: cette sorte de gravure peut mordre à l’eau-forte à couler ou de départ, suivant le choix de l’artiste; mais on observera de laisser mordre moins de tems les parties qui approchent des lumieres, & davantage celles qui sont les plus vigoureuses. Il n’y a point de mal que les points qui forment les touches & les coups de crayon les plus vigoureux viennent à crever un peu l’un dans l’autre; il en résulte même un grignotis singulier & un désordre plus affecté, en même tems plus vrai.

La fig. 14. n’ayant pas tout l’effet de l’original, on remettra du grain dans les endroits qui en sont susceptibles, comme en b b b, fig. 15. ce qui se pratique avec la pointe, fig. 1. ou avec le burin qu’on voit, fig. 10. Si le premier travail est généralement trop transparent dans les masses d’ombres, on se servira du mattoir pour répandre sur le tout un grain, qui en absorbant tous les petits blancs, produira des tonsplus sourds. On donnera aux touches leur plus grande vigueur en se servant du burin pour crever davantage les travaux de la prépara-tion. Enfin on cherchera à imiter le grain du papier, formant des especes de petites cannelures qui coupent les hachures du crayon par des directions horisontales ou perpendiculaires que le dessein original indiquera; on exprimera ces lignes cannelées par des points remit après-coup au burin ou à la pointe dans les endroits où le crayon a passé, mais moins sensibles & moins apparens dans les endroits les plus bruns & les plus clairs. Dans cet exemple ces lignes sont dans des directions perpendiculaires indiquées par c d dans la fig. 11. & par e f, fig. 15. qui est totalement achevée. Cette gravure doit être ébarbée avant de passer à l’impression, comme on ébarbe les planches gravées en taille-douce.

Nous ne prétendons point que cette maniere d’opérer soit généralement suivie de tous ceux qui travaillent en ce genre: chacun suit celle qui lui paroit la plus convenable & la plus expéditive. Les outils varient aussi suivant le choix de l’artiste. Il y en a qui se servent de roulette pour matter toutes les masses d’ombres, les reflets, les demi-teintes, & ils ne préparent à l’eau-forte que les hachures dominantes, les contours, & les touches les plus fortes; d’autres se servent de mattoirs en forme de poinçons, dont un des bouts est garni d’une certaine quantité de petites dents pointues d’inégale grosseur; ils frappent sur l’autre bout de ce mattoir avec un petit marteau, & font mouvoir l’outil dans tous les endroits qu’ils veulent refortifier. Toutes ces variétés & ces moyens différens concourent au même but, & sont bons dans la main d’un artiste intelligent, pourvu qu’il évite avec soin un arrangement servile & simmétrique dans son travail, car la meilleure maniere, c’est-à-dire celle qui fait le plus d’illusion, est celle qui laisse le moins appercevoir le métier, & qui paroit la plus inimitable.

Fig. 1. Pointe servant à pointiller les contours & les hachures dans la préparation à l’eau-forte.

2. Pointe double.

3. Pointe triple avec laquelle on peut faire trois points à-la-fois; les pointes de cet outil doivent être de différente grosseur & un peu émoussées; il en est de même des deux figures précédentes.

4. Poinçon à remettre de gros grains dans les endroits déjà préparés à l’eau-forte, que l’on veut empâter & refortifier davantage; cet outil fait à-la-fois deux points de différente grosseur & de forme irréguliere: ces deux pointes doivent être un peu émoussées afin de faire des points moins acres: on s’en sert en frappant sur la partie a avec un petit marteau.